Rapport du jury p. 1


CHAPITRE 1 : des conceptions changeantes au fil des dirigeants. (1 sur 1)

Chloé Maurel












L’Unesco de 1945 à 1974


Thèse de doctorat d’histoire contemporaine
préparée sous la direction de M. Pascal Ory


Volume 1












Ecole doctorale d’histoire de Paris I
Juin 2005
Remerciements

M. Pascal Ory
Archives de l’Unesco : M. Jens Boel, M. Mahmoud Gandher, M. Steve Nyong, M. Jean-François Pire, M. Michaël Ratliffe
Archives de l’ONU
Mission historique française en Allemagne
Ecole française de Rome
Archives diplomatiques françaises
Archives diplomatiques allemandes
Archives diplomatiques italiennes
Archives diplomatiques britanniques
Archives diplomatiques américaines
Bibliothèque Widener de l’université de Harvard
Bibliothèque Butler de l’université de Columbia
Oral History Research Office de l’université de Columbia
Bibliothèque nationale de France
M. Deliance, Centre catholique international de coopération avec l’Unesco (CCIC)
Centre Unesco de Rome
Association des anciens élèves de l’ENS
Bibliothèque Jacques Doucet
Ecole doctorale d’histoire de Paris I : Mme Claude Gauvard, Mme Christine Ducourtieux.
M. Gilles Pécout
Mlle Christel Freu
Mlle Pauline Peretz
Mlle Audrey Kichelewski
M. Alessandro Giacone
M. Frédéric Gugelot
M. Alain Maurel
M. André-Marcel d’Ans
M. Claude Auroi
M. Victor Stockowski
M. Pierre-Yves Saunier
Mme Pauline Koffler
M. Claude Lévi-Strauss
M. Yves Bonnefoy
M. Jean Larnaud
M. Sorin Dumitrescu
M. Claude Lévi-Strauss.
M. Michel Batisse.
Mme Anne Grinda.
M. Sorin Dumitrescu.
Mme Morazé.
M. Jean d’Ormesson.
M. Gérard Bolla.
M. Jack Fobes.
M. Henry Cassirer.
Mme Marie-Jeanne Suinot.
M. Marc Guesdon.
M. Robert Féry.
M. José Blat Gimeno.
M. André Lestage.
M. Deliance.
M. Georges Balandier.
M. Acher Deleon.
M. Jean Jamin
M. Michel Cantal-Dupart
Mme Pauline B. Koffler.
M. Yves Bonnefoy.
M. Jean-Claude Pauvert.
M. Philippe Roux.
M. Jean Larnaud.
M. Jacques Tocatlian.
M. Harold Foecke.
M. Raymond Poignant.
M. Rex Keating.
Mme Elise Keating.
Mmes Jeanine et Evelyne de Hemptinne.


















Sommaire
Introduction.
Première partie. Problèmes structurels.

Chap. 1. Des conceptions changeantes au fil des dirigeants.
1.1. La gestation des conceptions.
1.2. Huxley (1946-48) : un foisonnement de conceptions diverses.
1.3. Torres Bodet (1949-1952) : idéalisme et déception.
1.4. Evans (1953-58) et Veronese (1958-61) : une période de transition ?
1.5. Le « règne » de Maheu (1961-1974) : l’âge d’or ?

Chap. 2. L’omniprésence des tensions politiques.
2.1. 1945-53 : l’apparition précoce de conflits.
2.2. 1953-59 : l’Unesco ébranlée par la guerre froide.
2.3. 1960-1974 : l’affirmation du Tiers Monde.

Chap. 3. Problèmes de fonctionnement.
3.1. Une organisation aux compétences limitées.
3.2. Un mécanisme administratif complexe.
3.3. Un personnel moralement éprouvé.

Chap. 4. Une image insuffisante ?
4.1. D’importants efforts de promotion.
4.2. Des résultats inégaux.

Seconde partie. Réalisations.

Chap. 5. Une typologie des actions ?
5.1. Thèmes.
5.2. Modalités.

Chap. 6. Des valeurs pacifiques communes.
6.1. Promotion de la paix et de ses corollaires.
6.2. Encouragement au respect entre les différents groupes humains.
6.3. Des efforts pour éliminer les facteurs de conflits.

Chap. 7. Entre universalisme et préservation des particularités culturelles.
7.1. Un effort de rapprochement des courants de pensée.
7.2. Une culture commune ?
7.3. Un patrimoine culturel mondial ?
7.4. Un certain essoufflement de l’idéal universaliste.
7.5. La promotion des particularités culturelles.

Chap. 8. De l’action intellectuelle à l’action matérielle.
8.1. Evolution vers des préoccupations matérielles.
8.2. Conceptualisations et expérimentations dans le domaine éducatif.
8.3. L’information et les communications au service du développement.
8.4. La science et la technologie appliquées au développement.
8.5. L’environnement.

Chap. 9. Une évaluation ?
9.1. Des efforts d’évaluation faits par l’Unesco.
9.2. Une organisation administrative des actions souvent déficiente.
9.3. Une collaboration difficile avec les États membres.
9.4. Des actions novatrices ?
9.5. Des ambitions adaptées aux moyens ?

Conclusion.

Liste des abréviations utilisées dans les notes de bas de page

Les références étant très abondantes, un système d’abréviations a été utilisé, afin de ne pas alourdir des notes de bas de page déjà très abondantes.

Biogr. : dossier biographique aux archives de l’Unesco.
RU : archives diplomatiques britanniques.
EU : archives diplomatiques américaines.
FR : archives diplomatiques françaises.
IT : archives diplomatiques italiennes.
RFA : archives diplomatiques de RFA.
résol. : résolution
RP : revue de presse hebdomadaire de l’Unesco (en anglais)
12 C/PRG/8 : 8e document de la commission du programme de la conférence générale.
CUA/21… : 21e document officiel de la catégorie CUA (activités culturelles)
72EX : 72e session du conseil exécutif.
DG/211 : discours du directeur général n° 211.
DG/71/9 : 9e discours du directeur général pour l’année 1971.
SCHM 8 : carton n° 8 du fonds SCHM, c’est-à-dire du fonds de la commission pour la rédaction de l’histoire de l’humanité.
Veronese : archives privées de Vittorino Veronese (institut Luigi Sturzo, Rome)
Ascher : archives privées de Charles Ascher (université de Columbia)
Benton : archives privées de William Benton (université de Chicago)
OHRO : Oral History Research Office, université de Columbia. Interviews réalisées dans le cadre du Columbia Oral History Project.
X 07.83 Maheu, V : désigne le 5e dossier de correspondance portant la cote X 07.83 Maheu.
CL/2337 : lettre circulaire n°2337.
93 EX/PRIV.SR.1 : première séance privée de la 93e session du conseil exécutif.
DG : directeur général.
ADG ; assistant directeur général.
DDG : deputy director general, c’est-à-dire directeur général adjoint.
JT : journal télévisé.
Congrès : rapports du Congrès américain (Congressional Records, Washington DC)
lt. : lettre.
confid. : confidentiel.
télégr. : télégramme.
mémo : mémorandum.
réf. : référence.
Biogr. : dossier biographique personnel conservé aux archives de l’Unesco.

Explications et précisions sur les notes de bas de page

C’est seulement dans certains cas qu’est mentionnée la fonction des auteurs et des destinataires des correspondances étudiées, seulement lorsque cela apparaît utile.

Dans une note de bas de page, souvent plusieurs références sont citées à la suite ; lorsque pour certaines d’entre elles, le fonds n’est pas mentionné, cela signifie qu’elle provient du fonds et de la boîte mentionnés précédemment. Lorsque tel document provient du même fonds mais pas de la même boîte, seule la référence de la boîte est mentionnée.

Aux archives de l’ONU, la cotation des archives a changé entre les deux séjours de recherche effectués : pour conserver une cohérence, c’est l’ancien système qui a été conservé.

Souvent, pour un document officiel de l’Unesco, il est précisé qu’il a été trouvé dans un autre fonds ; en effet, les documents officiels de l’Unesco ne sont pas toujours faciles à trouver aux archives de l’Unesco, donc il semble plus rigoureux de préciser où a été trouvé tel document.

Lorsque le texte rapporte les propos de telle personne, et qu’en note de bas de page la référence citée est un document écrit par quelqu’un d’autre, cela signifie que dans ce document, l’auteur cite les propos de la personne dont il est question dans le texte.

Il arrive qu’un document cité, qui traite de tel sujet, soit indiqué provenir de tel dossier de correspondance n’ayant théoriquement rien à voir avec ce sujet. Cela s’explique par le fait que les correspondances de l’Unesco sont souvent conservées dans des dossiers qui ne correspondent pas à leur sujet.

Lorsqu’une personne a déjà été présentée avec son prénom et nom, elle est ensuite souvent désignée seulement par son nom dans les notes (comme dans le texte). Pour le cas des frères Guy et Alfred Métraux, lorsqu’il est mentionné seulement Métraux, cela désigne Alfred Métraux.

Liste des sigles

AAFU : association des anciens fonctionnaires de l’Unesco.
ADG : Assistant director general.
AID : agency for international development.
ALECSO : Arab educational, cultural and scientific organization.
ASFEC : Arab States Fundamental Education Centre (centre d’éducation de base pour les États arabes).
BIRD : banque internationale pour la reconstruction et le développement.
BREDA : bureau régional d’éducation pour l’Afrique.
CAC : comité administratif de coordination.
CAME : conférence des ministres alliés de l’éducation.
CCIC : centre catholique international de collaboration avec l’Unesco.
CIM : conseil international des musées.
CIPSH : conseil international de la philosophie et des sciences humaines.
CIUS : conseil international des unions scientifiques.
CREFAL : Centro regional de educacion fundamental para América latina (centre régional d’éducation de base pour l’Amérique latine).
DDG : Deputy director general.
ECOSOC : conseil économique et social des Nations Unies.
FAO : organisation de l’alimentation et de l’agriculture.
FFCU : fédération française des clubs Unesco.
FICE : fédération internationale des communautés d’enfants.
FMI : fonds monétaire international.
HCR : haut commissariat aux réfugiés.
HMG : Her Majesty’s Government.
ICCROM : International center for conservation and restoration of sites.
ICOM : International council of museums.
ICOMOS : International council for conservation of monuments and sites.
IICI : institut international de coopération intellectuelle.
IIHA : International Institute of Hylean Amazonia (institut international de l’hylée amazonienne).
IIPE : institut international de la planification de l’éducation.
IIT : institut international du théâtre.
INA : institut national de l’audiovisuel.
IQSY : International Quiet Sun Years (années internationales du soleil calme).
ISCS : service international de coopération scientifique.
JOC : jeunesse ouvrière chrétienne.
LEPOR : Long-term and expanded program of oceanic exploration and research.
MAB : Man and Biosphere (programme « L’homme et la biosphère »).
MJC : maison des jeunes et de la culture.
NEA : National Education Association.
OCI : organisation de coopération intellectuelle.
OHRO : Oral History Research Office (Columbia University).
OIC : organisation internationale catholique.
OIG : organisation inter-gouvernementale.
OIT : organisation internationale du travail.
OMS : organisation mondiale de la santé.
OTAN : organisation du traité de l’Atlantique Nord.
OUA : organisation de l’unité africaine.
PEMA : Projet expérimental mondial d’alphabétisation.
PGI : programme géologique international.
PICG : programme international de corrélation géologique.
PNUD : programme des Nations Unies pour le développement.
PNUE : programme des Nations Unies pour l’environnement.
SCHM : Scientific and Cultural History of Mankind (histoire scientifique et culturelle de l’humanité).
SDN : société des nations.
TICER : Temporary International Council for Educational Reconstruction.
UICN : union internationale pour la conservation de la nature.
UIT : union internationale des télécommunications.
UNICEF : United Nations International Children Education Fund.
UNITAR : United Nations Institute for Training and Research.
UNRISD: United Nations Research Institute for Social Development.
UNRRA : United Nations Rehabilitation and Relief Agency.
UNRWA : United Nations Rehabilitation and Works Administration.
UNTAB : United Nations Technical Assistance Board.



Introduction




Ce travail porte sur les trente premières années (1945-74) de l’Unesco. Qu’est-ce que l’Unesco ? Pourquoi étudier l’Unesco dans son ensemble, et pourquoi ses trente premières années ? Quel est l’état des recherches sur la question ? Quelles sont les sources, et quelles difficultés présentent-elles ? Enfin, quels sont les problématiques et enjeux de cette recherche ? Telles sont les questions auxquelles cette introduction s’efforce de répondre.

I. Qu’est-ce que l’Unesco ?

L’Unesco est une organisation intergouvernementale appartenant au système des Nations Unies. Il s’agit donc de présenter successivement les organisations intergouvernementales, le système de l’ONU, et l’Unesco.

Les organisations intergouvernementales.
Les théoriciens en donnent une définition précise. D’après Michel Virally, « une organisation internationale intergouvernementale est une association d’États souverains, établie par accord entre ses membres et dotée d’un appareil permanent d’organes, chargés de poursuivre la réalisation d’objectifs d’intérêt commun par une coopération entre eux »[1]. Daniel Colard précise que, « bien que composée d’États, elle a une existence indépendante de ceux-ci parce qu’elle possède une personnalité juridique qui lui confère une existence objective, une volonté autonome par rapport à ses membres »[2]. Les organisations intergouvernementales (OIG) se caractérisent par leur « base volontariste » : seuls en font partie les États qui ont exprimé la volonté d’y adhérer[3]. Diverses classifications d’OIG ont été envisagées par les théoriciens des relations internationales. Le classement peut s’opérer à partir d’un critère idéologique (OTAN/Pacte de Varsovie), d’un critère extensif (organisation à vocation universelle ou organisation à vocation régionale[4]), d’un critère de compétences (organisation à compétence générale ou organisation spécialisée), d’un critère d’effectivité des décisions (à valeur déclarative ou à valeur décisoire), d’un critère portant sur l’étendue de leurs fonctions (organisations politiques ou organisations techniques) ou enfin d’un critère portant sur leurs pouvoirs[5]. C’est surtout depuis 1945, sous l’effet de la considérable intensification des relations de coopération internationale, que les OIG ont connu une expansion remarquable, tant au niveau mondial que régional. Elles se multiplient rapidement et investissent progressivement tous les domaines de l’activité humaine[6]. Entre 1945 et 1975, la guerre froide et l’affirmation des pays du Tiers Monde issus de la décolonisation exercent des effets importants sur la constitution et les orientations des OIG. Dans le cadre de la guerre froide, chacune des deux grandes puissances crée des organisations concurrentes visant à rassembler les États de son camp (OTAN/Pacte de Varsovie) ; la création des organisations intergouvernementales contribue donc à la consolidation des blocs. D’autre part, dans le cadre de la décolonisation, les nouveaux États ayant accédé à l’indépendance s’efforcent d’intégrer les organisations existantes et, en outre, en créent de nouvelles qui leur sont propres, telle l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1963. Une question essentielle se pose à propos des OIG : ont-elles vraiment joué un rôle important depuis 1945 ? Il semble que l’État souverain reste l’acteur principal des relations internationales, et que les OIG ne soient pas vraiment capables de s’imposer face aux États[7]. Cette question du rôle des OIG s’appliquera notamment à l’Unesco.

Le système des Nations Unies (ONU).
L’ONU est née directement de la Seconde Guerre Mondiale : dès le 1er janvier 1942, les nations unies dans le combat contre l’Axe s’engagent à élaborer un système de sécurité collective pour le temps de paix. La Charte de l’ONU (ou charte de San Francisco) est signée le 26 juin 1945. L’ONU manifeste nettement sa volonté de rompre avec la passivité et le caractère européen de la Société des Nations (SDN) : elle se veut « une SDN améliorée et efficace »[8], comme l’écrit Jean-Baptiste Duroselle. Ses objectifs, énumérés dans l’article 1 de sa charte, sont le maintien de la paix et de la sécurité internationales, la promotion des relations amicales entre les États et le développement de la coopération internationale en vue de résoudre les problèmes économiques, sociaux et culturels auxquels est confrontée la communauté internationale. Cette formulation très générale dessine les contours d’une mission extrêmement ample[9]. Initialement, l’ONU, qui ne comprend que 50 membres, est une organisation relativement fermée. Jusqu’au milieu des années 1950, elle est dominée par les États-Unis, la quasi-totalité des membres étant leurs protégés ou leurs alliés. La seule opposition vient alors de l’URSS. En 1955 sont admis en bloc 16 nouveaux membres, appartenant essentiellement au bloc socialiste. À partir de 1960 se produit le « tournant tiers-mondiste », avec l’entrée de 17 États, essentiellement africains, et l’Assemblée générale de l’ONU devient alors la caisse de résonance des revendications des pays du Tiers Monde. La « fièvre tiers-mondiste » atteint son apogée dans les années 1970, puis se dissout dans les années 1980, avec l’éclatement de l’unité du Tiers Monde[10]. Comme la SDN, l’ONU n’a pas toujours répondu aux espoirs qui avaient été placés en elle. Une certaine personnalisation du pouvoir aux mains du secrétaire général, la domination des nations puissantes sur les décisions prises, et souvent une incapacité à accomplir efficacement la mission de paix qui lui était assignée ont semblé provoquer une déception générale. Duroselle dresse le constat de « l’échec global de l’ONU comme garant de la paix »[11]. Plusieurs auteurs anglo-saxons plus récents confirment ce constat et approfondissent son analyse[12].
L’ONU est le coeur d’un système complexe : il comprend des organes intergouvernementaux (l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité), des organes intégrés (le secrétaire général, la Cour Internationale de Justice), 13 institutions spécialisées, et des organes subsidiaires (HCR, PNUD, UNICEF). Les institutions spécialisées sont des organisations internationales répondant aux trois critères énumérés par l’article 57 de la Charte de San Francisco : création par voie d’accords intergouvernementaux, attribution de compétences dans des domaines spécifiques, et rattachement à l’ONU par des accords spéciaux. Elles dépendent du Conseil économique et social de l’ONU (Ecosoc), qui est chargé de la coopération dans tous les domaines concernant le niveau de vie matériel et culturel des hommes. Elles sont dotées d’une autonomie budgétaire et d’une indépendance de fait vis-à-vis de l’ONU, puisqu’elles ont leurs propres organes directeurs. La composition de leurs membres n’est pas calquée sur leur appartenance à l’ONU. Pour les institutions financières (FMI, BIRD), elle est plus limitée qu’à l’ONU, tandis que pour les organisations techniques, elle est généralement plus large[13] (par exemple la Suisse est membre de l’Unesco mais n’a qu’un statut d’observateur à l’ONU). Les chefs de leurs secrétariats n’ont aucun lien de subordination vis-à-vis du secrétaire général de l’ONU. Elles ont une autonomie de programmation, ce qui peut aussi entraîner parfois des double-emplois et des chevauchements d’activités au sein de l’ONU. Souvent mal coordonnées entre elles et mal reliées aux Nations Unies, ces institutions ont en fait, selon Antoine Gazano, un rôle inégal et souvent dispersé[14].

L’Unesco.
Contrairement à l’OCI, son ancêtre, qui était très dépendante de la SDN, l’Unesco est en théorie complètement autonome par rapport à l’ONU. Ses organes directeurs sont au nombre de quatre :
- la conférence générale, organe plénier regroupant tous les États membres. Elle tient une session ordinaire tous les deux ans pour arrêter la politique générale et voter le programme et le budget, adopte le plan à moyen terme tous les six ans, élit les membres du conseil exécutif et le directeur général. Pour tous les votes, chaque membre dispose d’une voix en application du principe d’égale souveraineté.
- le conseil exécutif, composé de membres élus pour quatre ans par la conférence générale parmi les délégués des États membres sur la base d’une répartition géographique et culturelle équitable. Il se réunit tous les six mois pour examiner certains documents fondamentaux (résolutions, programme et budget biennal) et pour assurer le suivi des activités de l’organisation. Dans l’intervalle des sessions de la conférence générale, il est l’organe souverain.
- le secrétariat, qui prépare et exécute le programme et le budget.
- le directeur général, élu pour six ans par la conférence générale sur présentation du conseil exécutif.

Pour mettre en oeuvre ses objectifs, l’Unesco coopère avec de nombreux partenaires :
- les autres organisations intergouvernementales du système onusien.
- les nombreuses ONG à vocation culturelle, nées pour la plupart à l’initiative de l’Unesco et bénéficiant du statut consultatif prévu par l’article XI de l’acte constitutif [annexe 1].
- les délégations permanentes des États membres, qui sont des missions diplomatiques accréditées par les États membres auprès de l’organisation.
- les commissions nationales, prévues par l’article 17 de l’acte constitutif. L’Unesco leur reconnaît un rôle consultatif. Leur création « repose sur l’idée qu’une organisation culturelle internationale n’est viable et efficace que si elle s’appuie sur des organismes nationaux actifs, servant de traits d’union entre les gouvernements et les milieux intellectuels et scientifiques»[15].
Ce dense réseau de partenaires variés est censé « contribue[r] à réduire le handicap que représente pour une organisation à vocation culturelle la nature politique de sa composition »[16].
La mission de l’Unesco, contribuer à la paix au moyen de l’éducation, de la science et de la culture[17], n’a pas l’aspect immédiatement concret et tangible qui caractérise celle de la plupart des autres institutions du système des Nations Unies, comme l’OMS et la FAO[18]. Par le vague de sa mission, elle est, comme l’observe Seth Spaulding, « une des organisations internationales les plus sujettes à malentendus […] et à controverses »[19]. Jean-Pierre Warnier souligne les difficultés de cette mission : l’Unesco est, observe-t-il, « un projet hybride, passablement idéaliste, qui pren[d] la culture et l’éducation non comme une fin, mais comme un moyen au service d’une paix dont chaque partie prenante se fai[t] une idée différente »[20]. Toutes ses actions devraient en théorie viser à la paix, et l’éducation, la science, la culture ne devraient en être que les moyens, les modalités. Cependant, en réalité, elle a développé de nombreuses activités dans le domaine de l’éducation, de la science et de la culture pour elles-mêmes, sans lien direct avec la recherche de la paix.
Il faut évoquer un problème qui se pose sans doute dans l’étude de toutes les grandes administrations : l’emploi, dans le cadre d’un tel travail, du terme « Unesco » apparaît ambigu et souvent insatisfaisant. En effet, l’Unesco, ce terme singulier, est inapte à désigner la multiplicité des acteurs qui la composent. L’Unesco est une somme de personnes qui ont des idées souvent divergentes. Lorsque l’on écrit « l’Unesco décide… », « l’Unesco fait… », cela peut désigner les délégués à la conférence générale, ou bien le directeur général, ou encore le conseil exécutif, ou enfin tel ou tel fonctionnaire du siège ou agent sur le terrain. Il y a là une ambiguïté, car il n’est pas rare que ces différents protagonistes n’aient pas les mêmes idées. Ainsi, l’emploi du terme « Unesco », bien que très fréquent dans ce travail, risque d’être peu rigoureux. C’est pourquoi on s’efforcera le plus possible de préciser chaque fois de qui il s’agit exactement.


II. Pourquoi étudier l’Unesco dans son ensemble, et pourquoi les trente premières années (1945-74) ?

Pourquoi décider d’étudier l’action de l’ensemble de l’Unesco ? Cela pourrait à première vue paraître excessivement ambitieux ; on pourrait penser que le résultat ne pourrait être qu’un survol superficiel, et qu’il serait plus approprié de choisir un domaine précis. Cependant, ce choix se justifie ; en effet, analyser l’Unesco dans son ensemble n’a jamais été fait. Or, l’analyse de nombreuses actions de l’Unesco dans divers domaines et selon diverses modalités permet de trouver des constantes, des traits récurrents, et de tirer des conclusions générales. Certaines choses s’éclairent à la lumière d’autres, et étudier toute l’action de l’Unesco permet de tirer des conclusions générales, que des études particulières auront à charge d’affiner.
Pourquoi choisir une période de trente ans ? Le choix d’une période si longue, ajouté à celui d’un thème déjà très large, l’Unesco dans son ensemble, se justifie par le fait que cela permet de saisir des tendances et des évolutions sur la longue durée. Pourquoi choisir la période 1945-74 ? 1945 correspond au moment de la création de l’Unesco, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale[21]. Cette date s’impose. Quant à celle de 1974, trois raisons la justifient : d’une part, elle correspond à une rupture importante à l’intérieur même de l’organisation, puisque c’est la fin du mandat de René Maheu, directeur général très charismatique qui « régnait » depuis 1961 ; il est alors remplacé par le Sénégalais Amadou Mahtar M’Bow et, comme on le verra, l’Unesco change alors d’orientation ; d’ailleurs, en 1974-75, les trois plus importants directeurs généraux de cette période, Julian Huxley, Torres Bodet et Maheu, meurent. Ces trois décès concomitants marquent une rupture, étant donné que les directeurs généraux, après la fin de leur mandat, continuent souvent à s’exprimer au sujet de l’Unesco et à exercer une certaine influence sur elle. D’autre part, à partir de 1974, la crise économique mondiale exerce des répercussions sur l’organisation, entraînant une nette limitation de son budget et donc de l’ampleur de son action, alors qu’au contraire les trente premières années avaient vu leur expansion graduelle et continue. Enfin, la troisième raison est d’ordre pratique : étant donné que le délai officiel pour consulter les archives confidentielles est de trente ans, il apparaît logique de clôturer cette étude à 1974.
Cette période possède une cohérence sur le plan historique ; elle est en outre intéressante par sa diversité interne. En effet, elle est marquée successivement par les séquelles de la guerre et par la reconstruction, puis par les tensions de la guerre froide, et enfin par la décolonisation et par l’émergence des États du Tiers Monde. Son achèvement coïncide avec plusieurs importants changements dans le monde : des changements politiques, avec l’effondrement des dictatures de Grèce, du Portugal, de l’Espagne ; la démission du Président américain Nixon ; l’échec des États-Unis dans la guerre du Vietnam ; le développement croissant de la dissidence soviétique et chinoise; des changements économiques, avec le premier choc pétrolier ; et des changements culturels, liés à une crise des avant-gardes artistiques et culturelles, et au développement croissant de la critique contre le marxisme dans les milieux intellectuels européens. Ces changements ont certainement eu une influence sur l’Unesco. En outre, au niveau spécifique de l’Unesco, la cohérence interne de cette période de trente ans tient aussi à l’atmosphère d’enthousiasme et d’idéalisme qui a alors caractérisé l’organisation, selon le témoignage des anciens fonctionnaires et collaborateurs de l’Unesco interrogés, et qui semble s’être graduellement estompée par la suite.

III. Quel est l’état des recherches sur la question ?

« Ma première réaction a été de plaindre tous ceux qui essaient d’écrire une histoire systématique ou ‘théorique’ de l’Unesco. Quel dédale d’activités, parallèles ou divergentes, alors qu’elles sont censées toutes converger vers quelques objectifs principaux : on pourrait imaginer une douzaine de façons d’organiser les faits selon certaines lignes directrices, et chacune de ces approches serait défendable. »
Telle est la réaction de Jean Guiton, chef du département de l’éducation de l’Unesco, en 1956, face à la tentative de deux Américains (Walter Laves et Charles Thomson) ayant été associés à l’action de l’Unesco consistant à écrire sa propre histoire[22]. Les fonctionnaires de l’Unesco sont en effet bien placés pour se rendre compte de la difficulté de la tâche. L’Unesco est une organisation aux thèmes d’action tellement variés, aux modalités d’action tellement diffuses, aux problématiques tellement vastes, qu’il se révèle très difficile d’en écrire l’histoire.
Relativement peu de tentatives en ce sens ont été menées à bien, non seulement à cause de la complexité de l’entreprise, mais aussi parce que, dans de nombreux pays, les recherches historiques sur les institutions internationales ne sont pas très développées, la recherche restant généralement centrée sur les États-nations. Aux États-Unis, la recherche sur les institutions internationales et sur le thème de la paix et des relations culturelles internationales est beaucoup plus développée qu’ailleurs, notamment dans le cadre du « centre de sociologie des organisations », à l’université de Harvard, et des revues International Organization, Human Organization, The American Political Science Review, International Studies Quarterly, World Politics, Journal of Peace Research, qui sont à la pointe dans le monde entier sur ces sujets[23].
Une évolution semble en train de se produire à cet égard. En effet, les Nations Unies constituent actuellement un thème d’étude en plein essor aux États-Unis, sous l’impulsion notamment de Thomas George Weiss, et dans le cadre du United Nations History Project subventionné par l’ONU. Parallèlement, l’Unesco a lancé en 2004, sur le même modèle, un Unesco History Project, qui consiste à subventionner diverses études sur sa propre histoire. Cependant, la question de l’indépendance de telles études subventionnées par l’institution sur laquelle elles portent peut être posée. Par ailleurs, le domaine des relations culturelles internationales est actuellement en grand développement en France.
L’Unesco a été très peu étudiée à partir de sources archivistiques de première main. Ainsi, Elise Keating, archiviste à l’Unesco dans les années 1970 et 1980, témoigne que tout au long de cette période, très peu de chercheurs sont venus dans les archives et ont demandé à consulter les dossiers de correspondance[24]. Plusieurs auteurs font le constat d’une réelle lacune en travaux sur l’Unesco[25].
En ce qui concerne l’histoire de l’Unesco dans son ensemble, il faut tout d’abord mentionner les ouvrages universitaires d’histoire des relations internationales, qui lui font une place, sans que ce soit leur objet spécifique. Cependant, s’ils présentent les conditions de la création de l’Unesco, son fonctionnement, ses buts, ses actions, ses dysfonctionnements, ses crises, et les enjeux qui l’entourent, cette présentation ne se fonde pas sur des recherches de première main[26].
Les recherches universitaires (mémoires de maîtrise, DEA, thèses) portant sur l’Unesco, de même que les articles de revues, concernent la plupart du temps un aspect très précis de son histoire. Il n’y a donc pas d’ouvrage universitaire consacré à l’histoire de l’Unesco dans son ensemble. En revanche, plusieurs panoramas généraux de l’histoire de l’Unesco ont été publiés aux éditions Unesco, comme Chronique d’un grand dessein, Unesco 1946-1993[27], Histoire de l’Unesco[28], et Unesco, 50 années pour l’éducation[29]. Les deux premiers ne sont en réalité que des chronologies, des catalogues d’actions. En outre, étant publiés par l’Unesco, ces ouvrages sont dépourvus du recul et de l’indépendance de vue nécessaires à un véritable travail historique. Ils sont porteurs de l’idéologie et du discours officiel de l’Unesco ; ils ne sont généralement pas réalisés à partir d’une analyse rigoureuse et critique des sources, et se caractérisent souvent par des silences et des déformations de la réalité. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme des ouvrages historiques suffisamment objectifs. Leurs auteurs ne sont d’ailleurs pas des historiens mais le plus souvent d’anciens fonctionnaires de l’Unesco. Ainsi pour donner un exemple d’erreurs commises par ces auteurs, Michel Conil-Lacoste, dans Chronique d’un grand dessein, affirme que Julian Huxley aurait été élu directeur général « pour une période de deux ans, à sa demande »[30], ce qui est faux, puisque, comme le montrent de manière concordante plusieurs sources (voir chap. 1), c’est en fait le gouvernement américain qui a fait pression sur lui pour qu’il s’engage à ne rester que deux ans en poste, au lieu des six ans normalement prévus. Il faut aussi mentionner les brochures publiées par le « club histoire » de l’association des anciens fonctionnaires de l’Unesco (AAFU), et qui consistent en des témoignages sur certains aspects de l’action passée de l’Unesco[31]. Plusieurs ouvrages rédigés par d’anciens fonctionnaires de l’Unesco ont en outre été publiés par des maisons d’édition extérieures, mais ils s’apparentent plutôt à des témoignages et à des essais qu’à de réels travaux historiques ; ils ne résultent généralement pas de recherches historiques de première main[32].
Il est important de noter que parmi les thèses réalisées sur l’Unesco, la plupart l’ont été aux Etats-Unis, et qu’aux États-Unis ou en France, la plupart sont non pas des thèses d’histoire mais de droit, de science politique, de sciences de l’information et de la communication. En outre, un tour d’horizon de la bibliographie des travaux universitaires sur l’Unesco montre que certains thèmes et certaines périodes ont été nettement préférés à d’autres par les chercheurs. Sur le plan chronologique, la genèse[33] et les toutes premières années de l’Unesco ont attiré davantage l’intérêt que les années 1950 et 1960 ; mais c’est surtout la « crise » de l’Unesco dans les années 1980, liée au retrait des États-Unis, qui a fait l’objet du plus grand nombre de travaux. La majorité des travaux portent ainsi sur les vingt-cinq dernières années. La période ici traitée comble donc un vide historiographique. Sur le plan thématique, l’éducation est, très nettement, le thème qui a suscité le plus de travaux universitaires. Ceux-ci s’intéressent soit à certaines des conceptions éducatives développées par l’Unesco[34], soit à l’action éducative concrète menée par l’organisation dans un lieu précis[35]. La sauvegarde du patrimoine mondial a constitué également le thème de plusieurs études, mais elles portent essentiellement sur la période d’après 1972 (date de l’adoption de la Convention du patrimoine mondial). La grande popularité de cette partie du programme de l’Unesco, liée au sauvetage très médiatisé des monuments de Nubie en 1968, explique sans doute un tel engouement pour ce thème[36]. Plusieurs recherches portent également sur certains des enjeux de politique internationale auxquels a été confrontée l’Unesco au fil du temps[37].
Par ailleurs, dans le domaine de la sociologie et de l’anthropologie des organisations, de nombreuses études ont été menées, que ce soit aux États-Unis ou en Europe et notamment en France ; bien qu’elles ne portent pas sur l’Unesco, elles sont d’un apport intéressant pour l’étude de cette organisation.
Par rapport aux autres, la présente recherche se singularise par son ampleur ; tout en consistant en des analyses précises et fouillées, elle s’étend sur une longue période et concerne tous les domaines de l’action de l’Unesco : éducation, science, culture, communications, patrimoine, droits de l’homme. Son originalité réside aussi dans son effort d’objectivité. Celui-ci se manifeste par la nature des sources (de première main), leur quantité, et leur traitement (étude croisée), contrairement à la plupart des recherches universitaires réalisées jusqu’à présent, qui se sont fondées essentiellement sur les documents officiels produits par l’Unesco. Justement, il convient maintenant de présenter les sources et les problèmes de traitement qu’elles ont présentés.


IV. Des sources vastes mais qui présentent d’importantes difficultés.

Les sources étudiées sont :

- les documents officiels de l’Unesco ;
- les publications de l’Unesco pendant la période 1945-74, qui tiennent lieu de sources ;
- les revues de presse de l’Unesco ;
- les archives audiovisuelles de l’Unesco ;
- les archives confidentielles de l’Unesco (correspondances) ;
- les archives oficielles et confidentielles de l’ONU ;
- les archives diplomatiques de cinq États membres : États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, RFA ;
- les archives de l’INA ;
- de nombreux ouvrages de l’époque, tenant lieu de sources, consultés à divers endroits et notamment à la bibliothèque du Congrès à Washington ;
- des fonds privés ;
- des mémoires et témoignages d’anciens fonctionnaires ;
- des entretiens oraux ou écrits avec 27 anciens fonctionnaires ou collaborateurs de l’Unesco.

Cette recherche se fonde donc sur des sources de première main et très variées, en différentes langues (français, anglais, allemand, espagnol, italien).
Le choix des cinq États dont ont été examinées les archives diplomatiques se justifie par le fait qu’ils comptent parmi les plus influents à l’Unesco pendant toute la période. Idéalement, il aurait été souhaitable de pouvoir consulter aussi les archives diplomatiques de l’URSS et de l’Inde, qui représentent d’autres camps idéologiques que ces cinq États occidentaux, et qui ont elles aussi joué un rôle important à l’Unesco dans ces années. Cependant cela n’a pas été possible, pour des raisons matérielles, linguistiques, financières, et temporelles. Il faut d’ailleurs préciser que ce travail, s’il a une vaste étendue dans la délimitation du sujet, ne peut prétendre à l’exhaustivité dans son traitement, étant donné la durée prévue pour les thèses nouveau régime.
Une grande partie des sources consultées sont inédites. Au Royaume-Uni notamment, parmi les dossiers de correspondance diplomatique examinés, beaucoup venaient à peine d’être ouverts à la consultation. De même, à l’Unesco, la quasi-totalité des dossiers de correspondance analysés n’avaient encore jamais été consultés.
Ces différentes sources requièrent un important recul critique, ainsi que des précautions spécifiques à chacune d’entre elles. Ainsi, les documents officiels de l’Unesco, de même que ses publications, sont caractérisés par une appréciation presque uniformément positive de son action, et par une présentation complexe qui rend les véritables enjeux difficiles à discerner. Ils sont très répétitifs, se citant les uns les autres, et caractérisés par un vocabulaire soit technique et administratif, soit vague et consensuel. Dans le cadre de cette recherche, les archives officielles ont plutôt servi d’outils pour vérifier et dater avec certitude certaines actions et décisions de l’Unesco. L’un des enjeux importants de cette recherche a été de parvenir à dépasser le langage consensuel de l’Unesco, la « langue de bois », qui y est très présente, comme l’ont déjà observé certains auteurs[38]. Par ailleurs, les revues de presse réalisées par l’Unesco semblent caractérisées par une sélection disproportionnée d’articles positifs et élogieux. Devant le problème de l’extrême abondance de la documentation disponible au siège de l’Unesco et par conséquent face à la nécessité de sélectionner les sources, il a été décidé pour ce travail de concentrer l’effort sur les dossiers de correspondance de préférence aux archives officielles. En effet, c’est dans ces dossiers, qui contiennent des lettres, des rapports et des mémorandums confidentiels, que les véritables enjeux, les obstacles, les problèmes, les conflits, sont exprimés clairement et sans ambages ; ces documents apparaissent nettement plus fiables et objectifs que les archives officielles ; cependant, il ne faut pas pour autant manquer d’être vigilant aux mobiles particuliers ayant pu inspirer chacun de leurs auteurs, et d’être attentif aux vides et aux lacunes que comportent les dossiers : plusieurs lettres et rapports compromettants pour l’Unesco en ont manifestement été retirés[39]. Quant aux archives diplomatiques des États membres, si elles présentent l’avantage d’offrir un éclairage extérieur sur l’Unesco, elles sont caractérisées par la prégnance de l’intérêt national. Les témoignages des anciens fonctionnaires, formulés souvent à plusieurs décennies de distance, sont souvent inconsciemment déformés sous l’effet de ce décalage temporel, et rendus subjectifs par l’implication personnelle de ces acteurs. Ainsi, toutes ces sources demandent de la vigilance dans leur interprétation. Cependant, leur analyse rigoureuse et prudente, leur accumulation et leur croisement permettent d’aboutir à des conclusions qui peuvent être jugées fiables.
La recherche dans les archives de l’Unesco pose des difficultés singulières, étant donné leur mauvais classement et le caractère lacunaire, peu détaillé et erroné des outils de recherche disponibles. De nombreux obstacles rendent malaisée la consultation des correspondances confidentielles. Deux inventaires existent pour celles-ci. L’un consiste en des fiches classées par cotes, concernant la période 1946-56. Chaque fiche porte une cote et un thème très général, par exemple « zones arides », ou « Allemagne », ce qui ne permet pas de cerner précisément le contenu ni la date des documents (souvent plusieurs cartons) ainsi désignés. Ce fichier est en outre très lacunaire, de nombreuses fiches en ayant manifestement été retirées, en tout cas de nombreux thèmes importants de l’action de l’Unesco n’y figurant pas. Le second inventaire, sous forme de cahier, concerne la période 1956-66, et présente lui aussi des cotes suivies d’un thème vague. Pour la période postérieure à 1966, aucun réel inventaire n’existe. Pourtant, ces correspondances sont théoriquement accessibles dans un délai de trente ans, c'est-à-dire jusqu’à 1974. Les hasards des incohérences de cotation permettent néanmoins d’avoir accès à plusieurs cartons concernant la période 1966-74. D’autres dossiers de correspondance (pour la période après 1966 justement) se trouvent dans un autre bâtiment (Miollis), mais, là encore, l’inventaire de ce fonds est vague, lacunaire, peu cohérent, erroné. L’absence d’un panorama clair, complet et rigoureux de l’ensemble des dossiers de correspondance disponibles, ainsi que le fait que le contenu de nombreux cartons ne correspond pas vraiment à ce qui est indiqué, rendent difficile une sélection rigoureuse et systématique des correspondances à consulter.
Par ailleurs, il n’a pas été donné accès, sauf à titre exceptionnel, aux documents strictement confidentiels comme les archives des séances privées du conseil exécutif et de la conférence générale, et les documents confidentiels du cabinet du directeur général. En outre, de nombreux rapports et lettres auxquels il est fait allusion dans certaines correspondances, et qui semblent particulièrement importants, se sont révélés introuvables dans les archives. Souvent, des rapports confidentiels très importants produits par l’Unesco ont été trouvés dans les archives d’un État membre, alors qu’ils ont été cherchés en vain dans celles de l’Unesco. Ainsi, il est significatif que ce soit dans les archives diplomatiques américaines qu’a été trouvé un extrait du rapport contestataire et très critique sur le fonctionnement de l’organisation rédigé en 1970 par la table ronde du personnel[40]. Il s’est révélé introuvable aux archives de l’Unesco, de même que plusieurs autres rapports très intéressants[41]. Il en va de même de certaines publications de l’Unesco, qui ont soulevé en leur temps des problèmes politiques, et qui ne se trouvent ni à la bibliothèque de l’Unesco ni aux archives de l’Unesco[42]. Il apparaît donc que les archives de l’Unesco pratiquent une censure. Cela a été constaté par d’autres chercheurs[43], et même par certains anciens fonctionnaires eux-mêmes, venus y faire des recherches[44].
Le règlement des archives [annexe 2] stipule que « les documents portant la mention ‘diffusion restreinte’ ou ‘confidentiel’ ne peuvent être consultés qu’avec l’accord préalable de l’unité compétente du Secrétariat », et que pour les dossiers de correspondances et rapports confidentiels, le délai de trente ans peut être ramené à cinquante ans, sur décision du chef des archives, pour les types de dossiers suivants :
« - dossiers contenant des informations particulièrement délicates sur les relations entre l’Unesco et ses États membres ainsi qu’entre l’Unesco et les organisations intergouvernementales ou non gouvernementales ;
- dossiers contenant des pièces dont la divulgation risquerait de nuire à la réputation, d’attenter à la vie privée ou de menacer la sécurité de certaines personnes ;
- dossiers du personnel (concernant les fonctionnaires ou les agents de l’Unesco) ;
- dossiers confidentiels des Cabinets du Directeur Général, du Directeur Général adjoint et des sous-directeurs généraux de l’Unesco.»
En outre, même une fois passés les délais règlementaires, le chef des archives a le droit de « refuser l’accès à un document ou à un dossier s’il estime que ce document ou dossier garde toujours, incontestablement, un caractère confidentiel ». L’accès à des documents ou dossiers avant la fin du délai prévu peut également se faire, sur décision du chef des archives, sous condition notamment « que la consultation de ces documents ne puisse en aucun cas nuire aux intérêts de l’Organisation »[45]. Quant aux archives audiovisuelles de l’Unesco, elles contiennent des centaines de films commandés ou réalisés par l’organisation. Cependant, pour la plupart d’entre eux, le chercheur n’a pas la possibilité de les visionner : ils seraient conservés sur des bobines anciennes, pour lesquelles le service audiovisuel de l’Unesco ne possèderait plus les appareils permettant de les lire[46].
Le désordre et les problèmes de conservation et d’accessibilité des archives de l’Unesco sont un fait ancien, lié à l’énorme masse de documentation que l’organisation a produite et sous laquelle elle a rapidement été submergée, et à l’absence de réelle politique archivistique pendant les trente premières années. D’importantes quantités d’archives ont été jetées lors du déménagement du siège de l’Unesco en 1958. C’est ce que déplore en 1975, dans une lettre, Sandy Koffler, rédacteur en chef du Courrier de l’Unesco : « si nous avions pensé à l’historien de l’an 2000, nous aurions gardé beaucoup de ces soi-disant ‘déchets’ », observe-t-il, déplorant également la mauvaise tenue des archives[47]. De même, Markku Järvinen, ancien chef des archives de l’Unesco, déplore l’absence de politique archivistique, qui s’est traduite par un manque de place et de moyens pour les conserver et les classer, et par le recours à des « expédients » successifs[48]. Les archives de l’Unesco ont d’ailleurs été victimes d’un incendie en 1983, au cours duquel de nombreux dossiers de correspondance ont brûlé. Peter Lengyel, ancien fonctionnaire, déplore lui aussi ce problème et souligne la faible capacité de mémoire collective au sujet des organisations intergouvernementales, qui en serait la conséquence[49]. Malgré toutes ces difficultés d’accès aux archives de l’Unesco, il est néanmoins possible au chercheur persévérant de trouver des moyens pour obtenir les documents souhaités. Il faut aussi relativiser ce genre de difficultés en rappelant qu’elles ne sont pas spécifiques à l’Unesco[50].
Par comparaison, les archives diplomatiques françaises, américaines, britanniques, et celles de l’ONU, ont présenté des conditions de recherche satisfaisantes. Les archives diplomatiques allemandes et italiennes se sont révélées décevantes par le faible nombre de dossiers effectivement disponibles et consultables. Par ailleurs, certains fonds, comme le fonds privé de Michel Leiris, celui de René Maheu, les archives du CCIC, et les archives de la commission nationale française, sont restés fermés.
Il convient de s’interroger sur la valeur à accorder au témoignage oral des anciens fonctionnaires de l’Unesco. Dans l’ensemble, ceux-ci sont marqués par un sentiment d’appartenance tellement fort, ils adhèrent tellement à l’idéologie et au discours officiel de l’organisation, que, même une fois à la retraite, ils ont souvent du mal à s’en détacher et à formuler un récit qui ne soit pas la réplique de ce discours officiel. Cela est renforcé par le poids moral du « serment de loyauté » que beaucoup d’entre eux ont prêté, ainsi que par l’idée omniprésente à leur esprit d’un « devoir de réserve ». Enfin, leur récit participe souvent d’une reconstruction personnelle des événements : il est souvent difficile de porter un jugement critique sur ce à quoi on a consacré toute sa carrière, bien que l’on soit pourtant l’un des mieux placés pour en connaître les points faibles. Plusieurs des anciens fonctionnaires interrogés ont ainsi refusé d’admettre l’existence de quelconques difficultés, de tensions politiques, de problèmes de fonctionnement, d’échecs de l’Unesco. Ce problème a aussi été constaté par d’autres chercheurs[51]. En cela, plusieurs entretiens se sont révélés décevants. Certains anciens fonctionnaires ont en revanche manifesté beaucoup plus de recul et plusieurs entretiens ont été très enrichissants. La méthode employée a été selon les cas l’interview orale en face-à-face, non directive (dans 18 cas), l’interview téléphonique (dans sept cas), ou le questionnaire écrit (dans trois cas).
Au sein de l’association des anciens fonctionnaires, et par le biais de leur revue, Lien, s’est d’ailleurs récemment déroulé un débat, à l’occasion de la publication par l’ancien fonctionnaire américain de l’Unesco Raymond Johnson d’un article révélant qu’il a, au cours de sa carrière, dérobé des documents confidentiels de l’Unesco de nature politique sur l’ordre de son gouvernement :
« Lorsqu'on quitte l'Organisation, il est solennellement rappelé à chacun qu'il faut faire preuve de la plus grande « réserve » au sujet de tout ce qu'on sait de l'Unesco. Je tâcherai donc d'être discret, du moins à 95 %. L'ancienneté des faits mentionnés ici me permettra pourtant de lever de quelques maigres centimètres le lourd voile couvrant les secrets internes et intimes de la Grande Maison de la Culture. »[52]
écrit-il en préambule à ses révélations. Plusieurs autres anciens fonctionnaires ont également évoqué les erreurs et échecs du système de l’ONU dans cette revue[53], et certains n’ont pas hésité, comme Zacharie Zachariev, à remettre en cause « l’obligation de réserve et de confidentialité imposée et acceptée par les fonctionnaires internationaux » : « une réserve pour quoi faire ? », conteste-t-il[54]. Sorin Dumitrescu, décrivant dans la revue de l’AAFU les pressions politiques qu’il a subies de la part de son gouvernement, s’estime « convaincu que de tels témoignages n’ont rien à voir avec le devoir de réserve requis de la part des fonctionnaires internationaux »[55]. Nino Chiappano, responsable de l’AAFU, souligne le « dilemme », la « contradiction », entre « devoir de mémoire » et « devoir de réserve ». Il rappelle : « d’après notre statut, le devoir de réserve ne s’arrête pas le jour où nous partons à la retraite, bien au contraire, il est censé nous accompagner, ombre fidèle, jusqu’au dernier de nos jours ». Il s’interroge cependant sur « le bien fondé de ce ‘devoir’ », et prône un « assouplissement – ou une interprétation plus permissive – du devoir de réserve »[56].

La méthode de recherche suivie pour réaliser ce travail a été celle-ci : après une étude des documents officiels, ont été repérés les programmes de l’Unesco qui ont paru les plus importants, ainsi que les enjeux politiques majeurs, et il a été tenté de consulter les dossiers de correspondance qui y correspondent. Étant donné les conditions particulières de classement des archives de l’Unesco et d’accès aux documents, la méthode n’a pas pu être aussi systématique que souhaité. Ainsi, pour de nombreux programmes ou sujets intéressants, les archives étaient introuvables, ou bien les dossiers contenaient trop peu de documents intéressants pour étayer la réflexion. En revanche, parfois des documents très intéressants ont été découverts de manière inopinée et inattendue.
Ce travail présente les conclusions des recherches effectuées, accompagnées de quelques exemples, les plus intéressants et les plus représentatifs. Il faut comprendre que ce ne sont que quelques exemples parmi beaucoup d’autres qui ont été collectés, et qui par leur abondance ont permis d’arriver à la conclusion en question, mais que ces exemples ne sont pas tous cités, à cause du manque de place et pour ne pas lasser le lecteur. Par ailleurs, il a été décidé de mentionner très peu de données chiffrées. De toute façon, étant donné l’abondance des sources et l’ampleur du sujet, il s’imposait d’opérer une sélection. Des données chiffrées sont disponibles à foison dans les documents officiels de l’Unesco ; le lecteur intéressé par de telles données peut donc s’y reporter aisément.
Le contenu des sources collectées a orienté ce travail dans un sens un peu différent de celui qui était d’abord prévu : alors qu’initialement cette réflexion se voulait consacrée aux conceptions de l’Unesco et à leur évolution dans une optique d’histoire des idées, la conscience s’est imposée de plus en plus au cours de sa réalisation de l’importance des enjeux politiques et des problèmes de fonctionnement administratif, et donc une place plus large leur a été consacrée ; corollairement, les conceptions de l’Unesco se sont révélées diffuses, voire confuses, et très dépendantes des conditions politiques et économiques ; ainsi ce travail s’inscrit finalement plus que cela n’était prévu au départ dans le champ de l’histoire politique, de l’histoire sociale, et de l’histoire des relations internationales.
Il est clair que seule une petite partie des archives disponibles sur le thème et la période sélectionnés a pu être consultée. Cependant, au fil de la réalisation de ces recherches, les nouvelles archives consultées corroboraient les conclusions vers lesquelles avaient amené les précédentes. Ainsi, il semble que la quantité d’archives consultées, ainsi que la manière dont elles ont été analysées, aient permis d’aboutir à des conclusions objectives.

V. Problématiques et enjeux.

Quelle a été l’efficacité de l’Unesco pendant ses trente premières années ? Cette interrogation sur l’efficacité de cette organisation qui se veut « la conscience du système des Nations Unies » est importante[57]. Et elle est particulièrement opportune dans le contexte d’une remise en cause durable et croissante de l’efficacité de l’Unesco et des Nations Unies depuis le milieu des années 1970, d’une interrogation sur leur éventuelle réforme, et du retour récent (2002) des États-Unis en leur sein. Après 1974, l’Unesco a vu son efficacité de plus en plus mise en doute. Comme l’observe Victor-Yves Ghebali, « depuis 1974, l’Organisation subit une crise endémique dont le point culminant fut atteint en 1984-85 avec le retrait des États-Unis et de la Grande-Bretagne », et, depuis, l’Unesco est « à la recherche d’un second souffle »[58]. « L’Unesco, une entreprise erronée ? »[59] ; « l’Unesco devrait-elle survivre ? »[60], telles sont les interrogations qu’ont alors exprimées plusieurs anciens fonctionnaires de l’Unesco.
Cette question est importante car, aucune étude approfondie n’ayant été réalisée, des avis divergents s’expriment à ce sujet ; ainsi, par exemple, pour Jean Defrasne, « l’Unesco […] contribue efficacement au rapprochement entre les peuples »[61] ; en revanche, pour François-Poncet, le système de l’ONU dans son entier est « un amas d’hypocrisie, de contradictions et de passions partisanes »[62] ; pour Yves-Marie Laulan, « la mission de l’Unesco est à la fois trop vaste, trop universaliste, et trop vague »[63].
Mais après tout, évaluer l’efficacité de l’Unesco est-il vraiment souhaitable ? Les avis divergent au sujet de l’opportunité d’une telle démarche. Pour Yves-Marie Laulan, « il est permis de s’interroger sur son utilité »[64] ; certains estiment, comme Daniel Holly, qu’il serait « vain, compte tenu du très grand nombre d’activités que mène l’Unesco de par le monde, de vouloir dégager leur impact et évaluer les résultats obtenus », et jugent qu’il faut éviter une telle évaluation, car « l’entreprendre signifierait qu’on s’attende à ce que chaque projet ou chaque activité de l’Unesco produise immédiatement les résultats escomptés. Ce serait adopter la position de la Banque mondiale, se situer ainsi sur le terrain piégé de la rentabilité »[65]. Il peut aussi sembler au contraire utile pour les leçons qu’on peut en tirer et enrichissant d’évaluer l’efficacité de l’action de l’Unesco. C’est ce que ce travail s’efforce dans une certaine mesure de faire, d’autant plus que cette tentative, portant sur le passé (1945-74), échappe ainsi au reproche d’être motivée par des intérêts politiques ou économiques. L’évaluation de l’efficacité de l’Unesco s’avère il est vrai délicate étant donné le caractère diffus de beaucoup de ses actions, contrairement à celles d’autres agences spécialisées comme l’OMS et la FAO, plus techniques.
Quels ont été les obstacles à l’efficacité de l’Unesco ? Ont-ils été plutôt d’origine extérieure ou intérieure ? C’est-à-dire plutôt liés à des problèmes de politique internationale ou de fonctionnement interne, ou encore à des problèmes conceptuels ? La question de l’efficacité de l’Unesco s’inscrit dans le cadre de la question complexe et controversée de l’autonomie des événements culturels par rapport aux événements politiques. Quelles influences nationales se sont exercées sur les conceptions de l’Unesco et sur les enjeux politiques dont elle a été le champ de bataille, et par quels moyens ? A cet égard une attention particulière s’est portée sur l’enjeu linguistique, enjeu d’autant plus crucial que l’Unesco est elle-même une organisation internationale, dotée de plusieurs langues officielles et composée de ressortissants de différents pays.
Ce travail s’articule en neuf chapitres. Les premiers examinent les problèmes fondamentaux. Ainsi, l’Unesco a-t-elle réussi à élaborer un objectif et des conceptions claires, cohérentes, et durables, ou bien ses conceptions ont-elles évolué au fil du temps et ont-elles été difficiles à clarifier ? Il s’agit de s’interroger sur les différentes inspirations de l’Unesco : idéaliste aussi bien que pragmatiste ; spiritualiste aussi bien que positiviste ; philanthropique aussi bien que stratégique. Il convient de confronter le caractère utopique qu’ont pu revêtir certaines conceptions de l’Unesco avec les réalités politiques, économiques, matérielles, humaines (chap. 1).
Dans quelle mesure l’action culturelle menée par l’Unesco a-t-elle permis de réduire les tensions politiques du monde et de contribuer à la paix ? Dans quelle mesure en revanche cette action a-t-elle été handicapée, hypothéquée, par les enjeux politiques ? Et dans quelle mesure l’organisation s’est-elle efforcée de résister à l’intrusion des tensions politiques, ou au contraire y a-t-elle cédé ? (chap. 2)
Quels sont les problèmes internes de fonctionnement dont a souffert l’Unesco ? En quoi ceux-ci ont-ils affecté la qualité de son action ? Comment cette situation a-t-elle évolué au cours du temps ? Quel a été le résultat des efforts de rationalisation du fonctionnment de l’organisation ? (chap. 3)
Quelle est l’image de l’Unesco dans l’opinion durant cette période ? Son image publique est en effet très importante pour la réalisation de ses objectifs. Or, si cette image a varié au cours des années, selon les pays et les groupes idéologiques et sociaux, elle s’est toujours caractérisée par une certaine faiblesse. Il s’agit d’en comprendre les raisons, en confrontant les efforts de promotion importants déployés par l’Unesco avec les résultats obtenus (chap. 4).
Dans un second temps, une fois ces problèmes chroniques et en quelque sorte « structurels » examinés, il s’agit de s’attacher aux actions de l’Unesco, dans toutes les disciplines et sur la période de trente ans étudiée, en s’efforçant de saisir les principales lignes de force et d’analyser les grandes évolutions qui se dégagent de leur succession. Celles-ci étant extrêmement nombreuses et variées, voire hétéroclites, et se déployant dans différents domaines et selon des modalités très différentes, il est apparu souhaitable d’en faire une typologie (chap. 5).
L’action de l’Unesco se caractérise par la volonté de forger et de promouvoir des valeurs pacifiques communes : paix, droits de l’homme, compréhension internationale ; mais là se présentent d’importantes difficultés : comment promouvoir la paix sans aucun moyen de pression pour la faire respecter ? En outre, paix, droits de l’homme, et compréhension internationale, n’apparaissent pas forcément convergentes. En outre, le présupposé qui est au fondement de l’action de l’Unesco, favoriser la paix au moyen du développement de l’éducation, de la science et de la culture, apparaît non vérifié. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les efforts de l’Unesco pour promouvoir des valeurs pacifiques communes aient connu tant de difficultés et un succès moindre que celui espéré (chap. 6).
Les actions de l’Unesco se fondent sur des conceptions universalistes, sur la volonté d’élaborer une culture universelle. Mais comment se définirait une telle culture ? Sur quels principes se mettre d’accord ? Là encore, le déroulement et les résultats des actions entreprises par l’Unesco plongent ses fonctionnaires dans des abîmes de doutes et d’interrogations. Au fil du temps, on observe une évolution croissante vers l’impératif de protection des cultures particulières. Sans que l’universalisme soit abandonné, l’Unesco passe de plus en plus à l’objectif de préservation des identités culturelles. Comment cette évolution se produit-elle sans que cela apparaisse comme contradictoire avec l’idéal universaliste ? A-t-elle été impulsée de l’intérieur de l’Unesco ou s’est-elle faite sur la pression de courants extérieurs ? (chap. 7).
Pour trouver en quelque sorte une solution à ses apories conceptuelles, l’Unesco connaît au cours de la période une importante évolution vers l’action matérielle, consistant notamment en aide au développement. Cette évolution résulte-t-elle de facteurs externes ou internes ? Et comment se manifeste-t-elle ? (chap. 8).
Enfin, il convient de tenter une évaluation des actions de l’Unesco. Il s’agit pour cela d’analyser les évaluations réalisées par l’Unesco elle-même ; la prise de conscience de leurs limites amène ensuite à évaluer ses actions en tenant compte des difficultés rencontrées et en utilisant divers critères (chap. 9).
La recherche selon ces différents angles fera-t-elle mieux connaître l’Unesco et mieux comprendre les enjeux de son action ? C’est ce que la suite permettra de dire.

















Première partie. Problèmes structurels.




Introduction.


L’étude de l’Unesco, par quelque côté qu’on l’aborde, fait vite prendre conscience de l’existence de quelques grands problèmes structurels qui ressurgissent à toute occasion. Les conceptions, la politique, le fonctionnement administratif, l’image publique : tels sont les quatre domaines qui ont posé problème à l’organisation tout au long de ses trente premières années, même si elle ne l’a jamais admis officiellement. Ces problèmes structurels, rarement évoqués dans les archives officielles de l’Unesco, qui tendent au contraire à les dissimuler aux yeux du public, apparaissent en revanche clairement dans les archives diplomatiques des États membres, dans celles de l’ONU, dans les témoignages d’anciens fonctionnaires de l’Unesco, et dans les correspondances internes de l’organisation. Il apparaît primordial d’analyser ces problèmes avant d’aborder les actions elles-mêmes de l’organisation, car ils pèsent sur elles, ont constitué des freins, des handicaps.
Pour mener l’analyse des conceptions directrices, une perspective chronologique est adoptée. Cela permet de saisir les importantes évolutions qu’elles ont connues au cours du temps, et d’identifier le rôle des dirigeants de l’Unesco dans leur élaboration. Cela permet aussi de percevoir le cheminement, les hésitations, les revirements et les grandes évolutions des conceptions de l’Unesco.
Il s’agit en second lieu de se pencher sur les problèmes d’ordre politique. Pourquoi le faire seulement en second lieu et de manière distincte de l’analyse des conceptions ? Parce que l’Unesco est une organisation apolitique, c’est-à-dire théoriquement indépendante des enjeux politiques ; ses conceptions ont réellement, dans une certaine mesure, une indépendance par rapport aux aspects politiques ; du moins, l’Unesco s’y efforce. Pour mener l’analyse des enjeux politiques, là aussi la perspective chronologique s’impose, puisque ces enjeux s’inscrivent dans la succession des tensions internationales, liées en particulier à la guerre froide et à la décolonisation. Cependant, ces deux chapitres successifs qui tracent chacun une vision chronologique de la période 1945-74 ne font pas double emploi et ne sont pas répétitifs ; au contraire, ils présentent les choses sous des angles différents, et se complètent.
Ensuite s’impose l’analyse des problèmes liés au fonctionnement administratif. Cette analyse vient seulement après celle des problèmes politiques, car ceux-ci constituent un handicap plus important, et ont aussi un influence sur les problèmes de fonctionnement administratif. Pour cette analyse, il convient d’adopter une perspective thématique, en analysant successivement les différentes sortes de problèmes, propres aux différents organes de l’Unesco.
Enfin est analysé le problème de l’image publique de l’Unesco, qui mérite d’être analysé comme un tout et de faire l’objet d’un chapitre entier et non pas seulement d’être évoqué de manière ponctuelle à l’intérieur des autres chapitres. En effet, l’Unesco, malgré ses efforts d’auto-promotion, n’a jamais réussi à être aussi connue et populaire qu’elle l’aurait voulu. Ce problème est abordé en dernier car il est lié à tous les autres évoqués précédemment, et dans une certaine mesure il en découle. Il est donc nécessaire de les avoir analysés objectivement au préalable avant de se pencher sur la représentation subjective de l’Unesco dans l’opinion. On observe des constantes dans l’image de l’organisation, quels que soient l’époque et le type d’action envisagé. Une analyse plus fine permet cependant aussi d’observer des évolutions au fil du temps, et des variations selon les aires géographiques. Il y aura lieu également de confronter les efforts de promotion menés par l’Unesco avec le résultat obtenu.









1. Des conceptions changeantes au fil des dirigeants.









Les conceptions directrices de l’Unesco sont marquées par des influences diverses, des tâtonnements, des évolutions dans le temps, elles recèlent des contradictions et des paradoxes. Souvent négligées au profit des actions concrètes, elles n’ont pas réellement fait l’objet d’études approfondies. Pourtant, leur analyse est fondamentale pour comprendre les difficultés qui se sont posées à l’organisation. Dès la création de celle-ci et tout au long de la période envisagée, elles ont été marquées du sceau de l’incertitude et de l’hésitation. En effet, contrairement aux autres agences spécialisées, dont le domaine d’action est simple et concret, celui de l’Unesco est triple (éducation, science, culture) et plus vague. En outre, le but affirmé dans son acte constitutif [annexe 1] est lui-même double : il consiste d’une part à promouvoir la paix entre les peuples, d’autre part à favoriser l’avènement du bonheur de l’humanité. Or, ces deux buts sont-ils vraiment convergents ? Au sein d’un État, la paix n’est-elle pas parfois liée à l’oppression, tandis qu’inversément les aspirations au bonheur se traduisent souvent par des luttes violentes ? D’autre part, l’Unesco est censée atteindre son but au moyen de l’éducation, de la science et de la culture. Mais comment ces dernières œuvrereraient-elles efficacement à la paix et au bonheur ? Serait-ce parce que leur diffusion et leur progrès contribueraient à une élévation intellectuelle des esprits ? Ou, ce qui est assez différent, parce que leur développement susciterait une augmentation des communications, une intensification des échanges culturels, donc un rapprochement entre les cultures, au point de conduire peu à peu à l’unification de celles-ci en une culture mondiale unique, conçue comme un gage d’harmonie et de paix ? Ou bien, troisième possibilité, parce que la diffusion de l’éducation, de la science et de la culture contribuerait à stimuler le développement économique, lui-même considéré comme un facteur d’harmonie et de paix ? Or, ces trois hypothèses, subissant l’épreuve des actions concrètes, ont été peu à peu mises en doute. En effet, à bien y réfléchir, le développement intellectuel contribue-t-il vraiment à la paix ? L’histoire n’a-t-elle pas montré que des peuples très cultivés n’ont pas échappé à la guerre et à la barbarie?[66] D’autre part, l’unification des cultures en une culture unique constituerait-elle vraiment un pas vers la paix et l’harmonie ? Ne risquerait-elle pas au contraire, par l’imposition d’un modèle culturel figé, de faire obstacle à la liberté de pensée, et ne conduirait-elle pas à un appauvrissement du patrimoine culturel mondial ? N’irait-elle donc pas finalement à l’encontre du but recherché ? Enfin, la diffusion de l’éducation, de la science et de la culture dans le Tiers Monde permet-elle vraiment de favoriser son développement économique ? Et, même en l’admettant, le développement économique d’un État contribue-t-il vraiment à la paix et au bonheur de ses citoyens ? Enfin, l’Unesco doit-elle s’interdire catégoriquement d’aborder toute question comportant des enjeux politiques, ainsi que l’exige son caractère théoriquement apolitique, au risque de se cantonner à des thèmes sans impact réel pour la paix et le bonheur de l’humanité ? Ou bien doit-elle, pour accomplir son but, s’engager sur le terrain politique, en contradiction avec sa constitution, et au risque de voir son action ainsi dévoyée ou paralysée ?
Tels sont les doutes, les incertitudes qui se sont imposés à l’esprit de ses dirigeants, de ses fonctionnaires, et des représentants de ses États membres, même s’ils ont souvent été réticents à les expliciter. Apparus quasiment dès la création de l’Unesco, ils ont persisté et sont même devenus de plus en plus prégnants au cours des années. Il est très éclairant de retracer l’évolution des conceptions directrices de l’Unesco de manière chronologique tout au long de ses trente premières années, d’identifier de quels courants idéologiques sont issues les différentes idées qui ont contribué à l’élaboration et à l’évolution de son socle conceptuel, de mettre en évidence le rôle majeur joué par certaines personnalités, et d’observer comment toutes ces idées se sont combinées, opposées et harmonisées. Ces conceptions, tout au long de cette période, sont d’autant plus vagues et floues qu’elles ont évolué au cours du temps, au fil de la succession des dirigeants, qui n’avaient pas tous les mêmes idées, et que, même à un moment donné, il n’y avait pas accord sur ces conceptions, mais plutot opposition entre divers fonctionnaires, entre divers États membres.
Il est en outre à noter que les problèmes de traduction de certains concepts ont obscurci leur compréhension et ont accru le flou conceptuel. Ainsi, « fundamental education » est devenu « éducation de base » ; en espagnol, deux termes ont cohabité : « educacion fundamental » et « educacion basica »[67]. Quant à « community development », il a été parfois traduit par « aménagement des collectivités »[68]. Par ailleurs, la différence entre « science teaching » et « science education » a été gommée dans la traduction française qui a traduit ces termes indifféremment par « enseignement des sciences »[69].
Cette évolution est présentée en prenant pour cadre la succession des directeurs généraux ; en effet, malgré l’existence d’autres organes ayant théoriquement des attributions importantes (conseil exécutif, conférence générale…), les directeurs généraux ont toujours exercé une influence majeure. Comme l’observe Esther Dartigue (femme d’un ancien fonctionnaire), dans l’action de l’Unesco, « si l’on constate dans l’ensemble une continuité, derrière les apparences se cachait en fait une grande disparité. Les directeurs généraux de l’Unesco changeaient, et avec eux l’ordre des priorités »[70].

1.1. La gestation des conceptions.

Le socle idéologique de l’Unesco, formulé dans son acte constitutif, loin de constituer un ensemble logique et d’une seule pièce, est une marqueterie de conceptions diverses, voire divergentes. Les racines en sont multiples : elles puisent aux conceptions de l’ancêtre de l’Unesco, l’Institut international de coopération intellectuelle (IICI) ; elles se fondent aussi sur les diverses réflexions menées par les cercles intellectuels et politiques pendant la Seconde Guerre Mondiale, en France, au Royaume-Uni, et aux États-Unis. Il semble que ce soit le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale qui ait permis, malgré l’existence de clivages importants, la convergence des énergies en vue d’un accord autour d’un programme commun.

1.1.1. La conception française : l’idéal de coopération intellectuelle.

L’héritage de l’IICI.

La « compréhension internationale », la « solidarité intellectuelle et morale de l’humanité », la « prospérité commune de l’humanité », « le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales », ces principes exprimés dans l’Acte constitutif de l’Unesco, sont des héritages de l’humanisme des Lumières[71]. Leur inclusion est le résultat des efforts de personnalités françaises.
Celles-ci insistent aussi pour que l’Unesco reprenne une grande partie des caractères des organismes créés à Paris pendant l’entre-deux-guerres sous l’égide de la SDN et considérés comme les « ancêtres » de l’Unesco : l’Association française pour la SDN dès 1920, l’Organisation de Coopération Intellectuelle (OCI), la Commission internationale de coopération intellectuelle (CICI) à partir de 1922, et l’Institut International de coopération intellectuelle (IICI) à partir de 1924[72].
Ces organismes avaient pour but de favoriser la compréhension internationale par le rapprochement entre intellectuels de différents pays, par la création d’une « Société des Esprits » (P. Valéry) internationale. Ils se caractérisaient comme leur nom l’indique par des finalités d’ordre intellectuel. Ils avaient d’ailleurs réussi à susciter la participation de certains des plus grands noms des lettres et des sciences de l’époque, tels Einstein, Freud, et Bergson[73].
En 1944, le gouvernement provisoire de la République française cherche à remettre en fonctionnement l’IICI, entré en sommeil à la suite de la capitulation de la France en 1940. Henri Bonnet, qui avait dirigé cet institut jusqu’en 1940, désigne alors Jean-Jacques Mayoux comme son directeur intérimaire[74]. Lors de la conférence de San Francisco en 1945, la France préconise la continuation du fonctionnement de l’ancien IICI sous le nom d’« Organisation de coopération intellectuelle des Nations Unies »[75]. Mais l’influence américaine prédominante entraîne l’échec de ce projet. La constitution de l’Unesco provoque la dissolution de l’IICI par le gouvernement français. Celui-ci transfère à l’Unesco son personnel et « les activités valables qu’il a conservées »[76]. Malgré l’absence de continuité directe entre l’IICI et l’Unesco, on observe la transmission d’un véritable héritage entre les deux organismes. La nouvelle organisation s’inscrit de fait dans la continuité de son prédécesseur, puisqu’elle hérite d’une partie de son personnel et de ses activités. Surtout, l’Acte constitutif de l’Unesco manifeste, par plusieurs aspects, une proximité avec l’esprit de l’ancien institut, soulignant la dimension intellectuelle de la mission de la nouvelle organisation[77].
Les Français qui participent au processus de création de l’Unesco affirment leur conviction que, étant donné le précédent de l’IICI, la France aurait un rôle de tout premier ordre à jouer dans la future organisation. Ainsi, à la conférence constitutive de novembre 1945, Léon Blum revendique au nom de la France l’installation de son siège à Paris : il présente Paris comme le « siège naturel » de l’Unesco, à cause de l’« avantage » de la France sur les autres nations, qui tiendrait selon lui « d’une part au fait que la culture française a toujours été marquée par une tendance à l’universalité, qu’il existe en France une tradition séculaire de générosité, de libéralité dans l’ordre de la pensée, qui sont bien dans l’esprit de la future organisation ; d’autre part que toutes les branches, toutes les formes de la civilisation humaine […] s’y sont toujours développées de pair et en liaison réciproque ». Léon Blum fait valoir aussi l’expérience de l’IICI, les « instruments de travail » que cet institut a créés à Paris, et exhorte la nouvelle Unesco à en tirer profit[78]. L’importance de cet héritage français est reconnue par les Anglo-Saxons[79]. L’installation du siège de l’Unesco à Paris constitue une grande source de prestige pour la France[80].
On observe une continuité entre le personnel de l’IICI et du CICI et celui des premières années de l’Unesco : ainsi, Jean-Jacques Mayoux, dernier directeur de l’IICI, est nommé en 1946 chef de la section de la philosophie et des humanités de l’Unesco ; le philosophe chinois Lin Yutang, membre du CICI dans les années 1930, devient en 1946 chef de la division des arts et lettres[81] ; l’écrivain égyptien Taha Hussein, imprégné de culture classique française, universitaire et homme d’État, délégué de l’Egypte à l’IICI dans l’entre-deux-guerres, apporte dès 1946 son soutien moral à l’Unesco, qu’il conçoit dans la perspective intellectuelle et humaniste de l’ancien institut[82]. Luther Evans lui-même, a posteriori, souligne « le rôle de l’IICI en tant que fond essentiel pour la création et le développement de l’Unesco »[83].
De plus, une partie des fondateurs ainsi que des premiers fonctionnaires de l’Unesco est constituée d’anciens de la SDN [annexe 3]. Jean Piaget, directeur du BIE (Bureau international d’éducation, qui dépend de la SDN) depuis 1929, participe à la conférence constitutive de l’Unesco, et devient en 1949 sous directeur général chargé de l’éducation[84]. En outre, plusieurs fonctionnaires de l’Unesco, étant trop jeunes pour avoir travaillé à la SDN pendant l’entre-deux-guerres, ont cependant participé à cette époque en tant qu’étudiants aux « Rencontres de Genève » organisées par la SDN dans le cadre de l’Ecole des Etudes internationales de Genève, et auxquelles Alfred Zimmern, directeur adjoint de la SDN, a apporté une contribution importante. C’est le cas notamment de Jean Thomas[85], et d’Emile Delavenay ; ce dernier témoigne que ces rencontres de Genève ont marqué sa jeunesse et décidé de son orientation future[86].
L’idée développée par Archibald MacLeish (pourtant américain) à la conférence constitutive de l’Unesco, selon laquelle l’organisation devrait être « la conscience morale de l’humanité », se place dans l’héritage de l’IICI[87]. L’action de l’institut a largement inspiré le programme culturel de l’Unesco : révision des manuels scolaires, échanges universitaires internationaux, problème du droit d’auteur, traductions d’oeuvres littéraires, coordination des bibliothèques et des archives, activité auprès des musées, réflexions sur les droits de l’homme, avaient été entamés de façon importante par lui avant d’être poursuivis par l’Unesco. Pour Jean-Jacques Renoliet, « en 1939, malgré les difficultés de toutes sortes, l’IICI avait à son actif un certain nombre de réalisations et était en passe de voler de ses propres ailes »[88].
Ainsi, l’IICI fait en un sens figure de modèle pour l’Unesco.

La présence de nombreux intellectuels de culture française.

Dans les débuts de l’Unesco, sous l’impulsion des Français, l’idée est répandue parmi ses dirigeants et ses délégués que cette nouvelle organisation, aux buts si élevés, doit être dirigée par une élite : « dix personnalités ‘de première grandeur’ » selon Clarence Beeby, « une poignée de grands hommes » selon William Benton[89], « un réseau d’hommes supérieurs collaborant en contact étroit avec elle » selon Paulo de Berrêdo Carneiro[90].
Les premières sessions de la conférence générale, ainsi que le secrétariat, accueillent de nombreux intellectuels. La délégation française comprend ainsi notamment Jean Sarrailh (recteur de l’université de Montpellier), Léon Blum, Paul Rivet (directeur du Musée de l’homme), Marcel Bataillon (professeur de littérature espagnole au Collège de France), Pierre Auger (directeur de l’enseignement supérieur), Jean Cassou (conservateur du Musée d’art moderne), Henri Wallon (professeur au Collège de France)[91], Jacques Maritain, Lucien Febvre, René Cassin, Frédéric Joliot-Curie, François Mauriac, Paul Langevin, Henri Wallon, Louis Jouvet, Gustave Monod, Léo Lagrange, et l’historien Charles Morazé[92]. Gabriel Le Bras, Albert Camus, Raymond Aron ont aussi été envisagés pour y siéger[93]. De plus, des intellectuels de renom sont pressentis pour des postes importants à l’Unesco, entre autres l’historien français Lucien Febvre, le poète américain Archibald MacLeish, et le poète italien antifasciste Eugenio Montale[94].
Un certain nombre de ces intellectuels sont d’anciens élèves de l’Ecole Normale Supérieure, où ils se sont connus dans les années 1930 : Michel Prévost[95], Roger Caillois[96], Paul Leclerc[97], Pierre Auger, Jean Thomas[98], Jacques Havet[99], Emile Delavenay[100], René Maheu[101]. Ces quatre derniers personnages sont entrés à l’Unesco dès sa création et y ont accompli une longue carrière, devenant de véritables piliers de l’organisation. Ils sont restés tout au long des années liés par des liens étroits et solides. En 1962, dans son discours d’entrée en fonction, René Maheu évoque « [s]on vieil ami Jean Thomas » qui, dit-il :
« après m’avoir accueilli à l’Ecole Normale Supérieure il y a maintenant 37 ans, m’invita avec le même sourire en août 1946, à entrer à la Commission Préparatoire de l’Unesco à Londres, et qui, après avoir travaillé avec moi pendant quatorze ans au Secrétariat, siège maintenant à la délégation française. C’est lui qui me conduisit un certain samedi de septembre 1946 à Londres à Julian Huxley lequel, comme on dit, ‘me recruta’. »[102]
En 1973, il rappelle à nouveau cet événement :
« En juillet 1946, j’étais à la fois en vacances et chômeur et je pensais entrer dans l’enseignement en France, au premier octobre. À vrai dire sans grand plaisir […]. J’en étais donc là quand je rencontre par hasard Jean Thomas, un de mes anciens surveillants de Normale et qui était l’adjoint de Julian Huxley, que j’avais connu à Londres avant la guerre, ainsi d’ailleurs que son frère Aldous. Jean Thomas me suggère d’aller le voir, ce que je fais et je deviens aussitôt directeur et seul fonctionnaire de la division de la libre circulation de l’information. »[103]
Jacques Havet rend lui aussi hommage à Jean Thomas, évoquant en lui « un patron, un ami, un exemple »[104]. Emile Delavenay le considère comme « l’incarnation de cette solidarité normalienne »[105]. Il est à noter que Jean Thomas est l’auteur d’ouvrages sur la philosophie des Lumières, ce qui confirme la prégnance de cette conception[106].
Plusieurs intellectuels français, sans être à proprement parler employés par l’Unesco, ont aussi participé, de manière ponctuelle, à ses activités intellectuelles. Ainsi, André Malraux prononce en 1946 une conférence pour l’Unesco sur le thème « L’homme et la culture artistique », et correspond avec l’Unesco en 1950[107]. De même, Jean-Paul Sartre entretient des liens avec l’Unesco dans les premières années[108].
De nombreux intellectuels étrangers mais francophiles ou de culture française participent également à l’Unesco dans ces années [annexe 3].
Les Suisses francophones ont également joué un rôle important, ce qui peut s’expliquer par leur intérêt pour les organisations internationales et l’action pour la paix. C’est en particulier par l’intermédiaire de structures comme la SDN, le Bureau international d’éducation (BIE)[109], créé en 1926 par Jean Piaget, la Croix rouge internationale[110], et les communautés d’enfants, dont beaucoup ont vu le jour en Suisse[111], que la Suisse a constitué un vivier important de futurs fonctionnaires de l’Unesco.
Ainsi, l’Unesco a été très marquée par l’influence française. Sous l’impulsion de ce courant, la nouvelle organisation s’est efforcée de conserver l’esprit et le style de l’IICI[112], c’est-à-dire de jouer un rôle de « pionnier de la diffusion de la culture, de la science et de la connaissance », et de devenir une sorte de « ministère mondial de l’Education chargé d’assurer la défense des biens et valeurs culturels »[113]. Ces intellectuels ont développé une conception classique, européenne, de la culture, inspirée de l’IICI ; ils conçoivent l’action de l’Unesco comme centrée principalement sur le domaine intellectuel[114].

L’IICI, un contre-modèle ?

Cependant, l’IICI, tout en servant de point d’appui à la nouvelle Unesco, joue également un rôle de repoussoir. En effet, les fondateurs de l’Unesco s’attachent à éviter que la nouvelle organisation ne reproduise les défauts de l’ancienne : ainsi, l’Unesco vise à atteindre les masses (et non plus seulement une élite), à mener une action concrète (et non plus seulement une action intellectuelle), et à avoir une portée mondiale (et non plus seulement européenne).
Le principal défaut que les fondateurs de l’Unesco reprochent à l’IICI est son caractère élitiste. L’IICI visait à « toucher les masses par l’intermédiaire des milieux intellectuels et non directement »[115]. Les actions de l’IICI s’étaient limitées à des rencontres d’intellectuels et à des publications austères, destinées à un public de spécialistes, et avaient rarement débouché sur des réalisations concrètes[116]. De plus, la portée de l’IICI s’était cantonnée à l’Europe : les intellectuels participant aux actions de l’IICI et de l’OCI en étaient issus, et l’une de leurs préoccupations majeures était de travailler à définir une conscience européenne[117] ; et l’IICI n’avait pas inclus l’éducation dans ses attributions (sous la pression du délégué belge, qui a fait valoir l’idée que l’éducation relèverait exclusivement de la souveraineté nationale)[118], et cela a constitué un contre-modèle pour l’Unesco, puisque cette dernière a au contraire dès sa création conçu sa mission comme en grande partie consacrée à l’éducation. D’ailleurs, le BIE, qui est aussi un ancêtre de l’Unesco (il a été d’ailleurs absorbé par l’Unesco en 1969), et qui s’occupait, lui, d’éducation, aurait échoué dans l’entre deux guerres à accomplir son objectif, constituant donc lui aussi un contre-modèle pour l’Unesco[119].
En outre, l’IICI et l’OCI s’étaient, dans les années 1930, politiquement discrédités en donnant leur caution aux dictatures nazie et fasciste : l’OCI avait refusé de publier des ouvrages d’auteurs juifs interdits en Allemagne, et dans la série des Correspondances de l’IICI, des intellectuels allemand (Keyserling) et italien (Coppola) avaient exprimé des idées fascisantes[120].

Ainsi, l’Unesco a été très marquée par l’influence de la conception française, caractérisée par l’attachement à la coopération entre intellectuels dans l’esprit des Lumières et dans la continuité de l’IICI, même si cet organisme a également, par ses défauts (élitisme, européocentrisme), joué un rôle de contre-modèle. À cette conception qu’on peut qualifier de classique fait contrepoint une conception plus moderne et novatrice développée par des Anglo-Saxons.

1.1.2. La conception anglo-saxonne : l’insistance sur les moyens modernes de communication.

Les réflexions développées au Royaume-Uni.

Au Royaume-Uni se développent pendant la Seconde Guerre Mondiale d’intenses réflexions sur la possibilité d’établir une institution internationale visant à la paix dans le monde au moyen de la culture. Elles se déroulent à différents niveaux, formels et informels, au sein de différentes instances : au gouvernement, dans les cercles des administrateurs coloniaux, au sein de la BBC, dans les associations éducatives et culturelles privées, dans les cercles scientifiques.
Le gouvernement britannique s’intéresse vivement aux possibilités de créer une telle institution internationale. Il contribue de manière importante aux réflexions tenues à ce sujet, en organisant la Conférence des Ministres Alliés de l’Education (CAME), entre novembre 1942 et 1945. Cette initiative revient en particulier au ministre britannique de l’éducation, Richard A. Butler. Conçue initialement comme un dispositif provisoire destiné à venir en aide aux pays dévastés par la guerre, la CAME devient rapidement le principal laboratoire de réflexion en vue de la création de l’Unesco[121]. Cette conférence rassemble des Britanniques visionnaires et idéalistes, comme Ellen Wilkinson[122]. Et la phrase du préambule de l’acte constitutif (« les guerres naissant dans l’esprit des hommes… »), généralement attribuée à l’Américain MacLeish, aurait en fait selon Luther Evans (futur directeur général) été prononcée par le premier ministre britannique de l’époque Clement Attlee dans un discours à la conférence constitutive de l’Unesco, et MacLeish, « fasciné par ce discours, par cette phrase », aurait demandé et obtenu d’Attlee la permission de l’inclure dans le préambule de l’acte constitutif[123].
Une des composantes conceptuelles originales apportées par les Britanniques à l’Unesco est l’intérêt pour les problèmes des peuples dits « sous-développés ». Cet intérêt est mis en avant par les administrateurs coloniaux, conscients de ces problèmes. De nombreux anciens administrateurs coloniaux britanniques[124] joueront dans les premières années de l’Unesco un rôle important, apportant à la nouvelle organisation leur connaissance de la situation scolaire et culturelle dans les territoires coloniaux et leur intérêt pour ces questions, intérêt qui avait manqué à la SDN et à l’IICI. John Bowers en particulier, ancien administrateur colonial au Soudan, recruté à l’Unesco par Huxley sur la recommandation d’un collègue de guerre pour son expérience des besoins des pays sous-développés, exerce une influence importante sur les conceptions éducatives de l’Unesco et marque de ses idées et de son style les dix premières années de l’organisation dans ce domaine[125].
Les cercles de la BBC constituent un autre milieu où se développent pendant la guerre, dans le cadre de la propagande de guerre pour les Alliés, d’importantes réflexions sur les tâches et les moyens d’action de la future Unesco. Les hommes de la BBC réfléchissent au rôle important que les communications de masse seront amenées à jouer dans l’œuvre de paix de la future organisation. La préoccupation de toucher les masses au moyen des techniques modernes de communication de masse avait été négligée par l’IICI. Il s’agit donc d’un autre élément novateur introduit par les Britanniques. De même que le milieu des administrateurs coloniaux, celui de la BBC fournit un vivier de fonctionnaires de l’Unesco : de nombreux Britanniques ayant travaillé pour la BBC dans les années 1930 et pendant la guerre rejoignent l’Unesco dans les premières années de celle-ci. C’est notamment le cas du Français Emile Delavenay[126], et du Britannique Rex Keating, directeur de programme à la BBC dans les années 1930, devenu en 1947 directeur de la radio à l’Unesco[127].
D’autre part, des associations culturelles et éducatives privées britanniques, comme le British Council, la London International Assembly, le Council for Education in World Citizenship, s’interrogent pendant la guerre sur les modalités d’action d’une grande organisation internationale de coopération culturelle et éducative pour l’après-guerre[128].
Enfin, dans les cercles scientifiques britanniques, autour des laboratoires de recherche et de la la British Association for the Advancement of Science, et de personnages comme Julian Huxley et Joseph Needham, se développent de manière informelle des réflexions sur la nouvelle organisation. Ils soulignent l’importance de la science, de la coopération scientifique internationale, de l’éducation scientifique, afin de favoriser l’établissement de la paix. Leur apport conceptuel se concrétise de manière tangible dans le sigle de la nouvelle organisation. C’est sous leur impulsion que le terme même de « science » est inclus dans le sigle de l’Unesco[129]. Dans un mémorandum d’avril 1945, Needham prône officiellement la transformation du sigle « UNECO » en « UNESCO », soulignant la convergence d’objectifs entre la nouvelle organisation internationale et le projet de Service International de Coopération Scientifique (ISCS) qui avait été développé parallèlement, et préconisant leur unification[130]. Ce document de Needham est le premier qui porte le sigle Unesco[131]. C’est en novembre 1945, à la Conférence constitutive, que le terme « science » est officiellement inclus, sur la proposition d’Archibald MacLeish[132]. L’explosion des bombes atomiques américaines à Hiroshima et Nagasaki en août 1945 a certainement joué un rôle important dans la prise de conscience de l’importance du contrôle social de la science[133]. Les scientifiques britanniques, qui ont ainsi joué un rôle majeur dans la gestation de l’Unesco, y occuperont une place importante dans les premières années. Le scientifique britannique Julian Huxley, devenu premier directeur général de l’organisation, recrute plusieurs de ses collègues et amis, tel Joseph Needham, biochimiste de Cambridge, esprit éclectique, intéressé par la culture chinoise et l’histoire des sciences[134].
C’est dans le cadre de la CAME que ces divers mouvements de pensée, formels ou informels, trouvent l’occasion de s’exprimer. Hommes politiques, administrateurs coloniaux, scientifiques, éducateurs, intellectuels, hommes spécialisés dans les communications, s’y réunissent[135]. Appartenant à une même génération, ils se caractérisent par leur sensibilité de gauche et par leur enthousiasme pour la future organisation. C’est principalement grâce aux efforts d’Ellen Wilkinson et de John Maud que Julian Huxley est porté à la tête de l’Unesco[136].
Ainsi, les Britanniques ont contribué par leurs réflexions à introduire dans les conceptions de l’Unesco des préoccupations qui étaient absentes de celles de l’IICI, à savoir la prise de conscience de la nécessité d’agir à l’échelle des masses, et la prise en compte de l’importance sociale de la science[137]. Ils ont donc apporté aux conceptions de l’Unesco des éléments novateurs. Les réflexions dans le même sens développées aux États-Unis ont également exercé une influence majeure sur la nouvelle organisation.

Les réflexions développées aux États-Unis.

La mise en place du système de l’ONU a été soutenue par les États-Unis au plus haut niveau : au niveau présidentiel. Durant la Seconde Guerre Mondiale, le président Roosevelt a en effet accompli plusieurs gestes en faveur de la création d’une nouvelle organisation internationale dédiée au maintien de la paix et de la sécurité (« Message sur l’état de l’Union » en janvier 1941 ; Charte de l’Atlantique en août 1941 ; enfin, signature de la Déclaration des Nations Unies le 1er janvier 1942[138]). En 1945, le président Truman a tenu un discours au retentissement important, dans lequel il souligne l’importance de la future organisation[139].
Cependant, ce sont surtout des personnalités intellectuelles ainsi que des associations privées qui ont joué un rôle moteur dans l’élaboration de conceptions novatrices pour l’Unesco. Les réunions de la CAME à Londres ont attiré en effet de nombreux intellectuels américains ainsi que de nombreuses ONG éducatives de ce pays. La délégation des États-Unis à la CAME et à la conférence constitutive se montre très dynamique et active[140]. Elle est dirigée par le sénateur J. William Fulbright[141]. Elle comporte notamment William Carr, de la National Education Association (NEA), Ralph Turner, historien, professeur à l’université de Yale, ayant travaillé pour le Département d’État pendant la guerre, et membre de la délégation américaine lors de la conférence des ministres de l’éducation à Londres en 1944[142], et Archibald MacLeish, poète et bibliothécaire de la bibliothèque du Congrès[143]. Ces hommes marquent par leurs idées le cours des réflexions de la CAME. Les conceptions qu’ils développent se focalisent sur deux aspects principaux : la reconstruction et l’éducation des masses.
Le projet pour la future organisation élaboré en avril 1944 par la délégation américaine à la CAME est orienté principalement vers la reconstruction éducative et culturelle ; la nouvelle organisation s’intitulerait « Organisation des Nations Unies pour la reconstruction éducative et culturelle » (ONUREC). Son but serait de « réparer, dans la mesure du possible, le tort causé à l’héritage culturel commun du monde par les puissances fascistes », dans les pays européens et asiatiques[144]. Il s’agit d’une sorte d’équivalent de l’UNRRA dans le domaine de l’éducation et de la culture[145]. L’insistance des États-Unis sur la reconstruction des pays dévastés par la guerre s’explique également bien sûr par des intérêts politiques et économiques. Si le projet d’ONUREC, discuté longuement en avril 1945, n’a finalement pas été adopté[146], les conceptions développées par les Américains autour de celui-ci ont profondément marqué l’Unesco, notamment concernant l’importance de mener des actions concrètes, pratiques[147].
D’autre part, une autre orientation majeure que l’Unesco doit à l’influence des conceptions américaines est l’insistance sur l’« éducation ». Les 42 ONG éducatives et culturelles américaines qui assistent en tant que conseillères aux délibérations (American Council on Education, National Education Association, American Association of University Women, National Congress of Parents and Teachers, etc.), y exercent une influence importante, soulignant le caractère essentiel de l’éducation dans l’action de la future organisation, élément qui avait été négligé par l’IICI[148]. La National Education Association, par la voix de William Carr, prône notamment une concentration des efforts de l’Unesco sur l’éducation publique, l’éducation des masses, l’éducation populaire, et estime que les États-Unis ont beaucoup à apporter aux autres nations dans ce domaine. Elle considère qu’au sein de la nouvelle organisation, l’élément éducatif devrait primer nettement[149].
Les États-Unis se font les défenseurs de la priorité à l’ « éducation », au détriment de la « science » et de la « culture ». Ils sont réticents à l’inclusion du terme « science » dans l’intitulé de l’Unesco, par crainte de devoir être amenés à partager avec la communauté scientifique internationale leurs connaissances en matière atomique et nucléaire[150]. Ils sont peu favorables à la « culture » au sens intellectuel et élitiste, et favorisent l’acception de ce terme dans le sens « culture de masse », de même qu’ils concoivent le terme « éducation » comme « éducation de masse ».
L’insistance sur les « masses » est notamment le fait d’Américains ayant travaillé pendant la guerre dans le Psychological Warfare Branch de l’armée américaine. Formés aux méthodes modernes de propagande des masses, ils souhaitent les appliquer à la diffusion des idées pacifistes. C’est le cas notamment de l’Américain Sandy Koffler, qui, rattaché à ce service pendant la guerre, a conduit une action de propagande de masse en Italie, remontant du sud au nord de la péninsule en suivant l’armée américaine, et ayant créé un journal, le Corriere, destiné à la population locale. Ce journal constitue en quelque sorte, selon sa veuve, l’ancêtre du Courrier de l’Unesco, revue conçue par Koffler à partir de son entrée à l’Unesco en 1947[151]. En fait l’Italie a joué un rôle non négligeable dans l’émergence de cette préoccupation pour les communications de masse. (Il est à noter qu’outre l’expérience de Koffler, l’Italie avait accueilli dans l’entre-deux-guerres l’expérience pionnière de l’Institut international du cinématographe éducatif[152]).
La préoccupation pour l’éducation des masses, qui était absente de l’IICI[153], trouve son expression claire à l’Unesco : à la fois dans le sigle lui-même, « le E dans UNESCO »[154] ; et dans l’Acte constitutif, avec les expressions de « libre échange des idées et des connaissances », de « multiplier les relations entre les peuples », et surtout dans les deux premiers des trois modes d’action énumérés dans l’article I a : favoriser « la connaissance et la compréhension mutuelle des nations » grâce à « la libre circulation des idées, par le mot et par l’image », ceci au moyen des « organes d’information de masses » et d’« accords internationaux » ; et l’article I b, qui insiste sur « l’éducation populaire » et « la diffusion de la culture »[155].
Ainsi, sous l’influence de la conception américaine, l’une des évolutions essentielles de l’IICI à l’Unesco est le passage d’une « coopération intellectuelle » à une « coopération culturelle », d’une action s’adressant aux élites à une action s’adressant aux masses. Le terme « intellectuel » est banni, jugé aristocratique, élitiste, et réactionnaire[156]. Les Anglo-Saxons estiment que l’échec de l’IICI est en partie dû à son appellation maladroite (à cause du terme « intellectuel »), et qu’il est essentiel que la nouvelle organisation trouve une appellation qui « parle » aux masses[157]. L’Américain Archibald McLeish a influencé de façon décisive en ce sens les conceptions de la nouvelle organisation, en rédigeant le préambule de l’Acte constitutif[158].
D’autre part, l’influence de l’anthropologie appliquée, avec Malinowski et l’école culturaliste anglo-saxonne, s’est exercée, comme l’a mis en évidence Claudine Brelet Rueff, sur la création du système des Nations Unies, et en particulier sur la mise en place des principes de l’Unesco[159].
Ainsi, dès la gestation de l’Unesco, de nombreux intellectuels, hommes politiques, administrateurs américains, ainsi que des ONG éducatives et culturelles américaines, se sont intéressés vivement à l’Unesco. Cet intérêt se maintient pendant de longues années. À la Conférence constitutive et à la 1e conférence générale de l’Unesco, Archibald MacLeish et William Benton ont poursuivi le développement de ces conceptions, préconisant la concentration de l’Unesco sur l’éducation populaire des masses[160] et sur l’utilisation des moyens d’information des masses (télévision, presse moderne, radio)[161]. William Benton se fait le porte-parole passionné de l’utilisation des médias de masse, qu’il considère comme des « médias culturels rapides », complémentaires des « médias culturels lents », vocable péjoratif sous lequel il désigne les livres. Il défend avec ardeur le projet d’une « radio Unesco » mondiale à la 1e conférence générale et réussit à faire adopter ce projet à l’unanimité[162]. William Benton est le plus représentatif de ce groupe d’Américains passionnés par l’Unesco. Tout au long de sa carrière postérieure de sénateur, dans les années 1950-60, il n’aura de cesse de promouvoir l’Unesco dans l’opinion publique américaine. William Carr poursuivra lui aussi dans les années 1950 son soutien à l’Unesco, dans le cadre de la « Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante » (World Confederation of Organizations of the Teaching Profession, WCOTP)[163].
Ces Américains qui, dès la gestation de l’Unesco, apportent avec conviction leur soutien à la nouvelle organisation, loin d’être des individus isolés, ont des points communs. Ils forment une nébuleuse, constituée de divers réseaux. Nés autour de 1900-1910, ils appartiennent à la même génération, sont souvent des démocrates, et sont liés aux cercles de la Bibliothèque du Congrès, de l’université de Chicago[164], de la Fondation Ford, et d’ONG éducatives. Ils jouent un rôle important dans sa promotion jusqu’au tournant des années 1960[165].
Il est à signaler qu’une des différences majeures entre conceptions américaines et britanniques est l’importance accordée au rôle de l’histoire par les Britanniques (proches en cela des conceptions françaises), idée qui n’est pas partagée par les Américains[166].

Les conceptions anglo-saxonnes ont donc marqué profondément les orientations données à l’Unesco : la reconstruction, les besoins des masses, et en particulier l’éducation populaire, sont en effet ensuite devenus des piliers majeurs de l’organisation. L’harmonisation de ces conceptions a été rendue possible par l’expérience traumatisante de la Seconde Guerre Mondiale.

1.1.3. La convergence de ces conceptions sous l’effet de la Seconde Guerre Mondiale.

C’est le traumatisme causé par la Seconde Guerre Mondiale et une volonté commune de sursaut moral par rapport aux atrocités qui s’y sont commises qui ont permis à ces conceptions de s’accorder et d’aboutir à la création concrète de l’Unesco [167], malgré les « grandes controverses » qui se sont manifestées à la conférence constitutive[168]. Le Préambule de l’Acte constitutif en témoigne clairement, évoquant « la grande et terrible guerre qui vient de finir ».[169] De même, dans son discours à cette conférence, en novembre 1945, Léon Blum évoque parmi les buts de la nouvelle organisation celui de vaincre le nazisme et le fascisme[170] ; et le « Rapport sur le programme de l’Unesco » publié en septembre 1946 par la Commission préparatoire désigne comme action prioritaire l’assistance éducative, culturelle et scientifique aux peuples qui ont souffert de la guerre[171].
Les conceptions de l’Unesco sont aussi marquées par le fonctionnalisme, qui a connu un essor au cours de la guerre, où plusieurs organes d’administration ou de contrôle, dotés de pouvoirs supranationaux dans des domaines techniques, avaient été établis par les pays alliés, et, comme l’observe Denis Mylonas, « avaient laissé un souvenir d’efficacité qui incitait à la poursuite de l’expérience ». L’Unesco s’inscrit donc « dans la tradition des institutions fonctionnelles de la guerre »[172].
Il est significatif, aussi, qu’une grande proportion du personnel embauché par l’Unesco dans les toutes premières années soit constituée d’anciens combattants, d’anciens membres d’organisations internationales de secours, comme la Croix Rouge, de résistants, de déportés, de fils de déportés [annexe 3].
Le cas de René Maheu, futur directeur général, mérite attention. Lecteur à l’institut français de Londres de 1933 à 1939, puis attaché culturel de l’ambassade de Londres de 1936 à 1939[173], il se trouve pendant la guerre au Maroc, professeur au lycée français de Rabat. Le journaliste Paul-Louis Bret, résistant, envoyé à Alger pour tenter de constituer un réseau d’information francophone dans les pays du Maghreb, entre en contact avec lui, et, à partir de novembre 1944, l’intègre dans l’agence France-Afrique, puis le met à la disposition des services officiels du gouvernement d’Alger[174]. C’est par ces cercles de la Résistance, ainsi que par les cercles intellectuels qu’il a fréquentés à Londres, dont faisait partie notamment Julian Huxley, que Maheu a dû son entrée à l’Unesco. Les cercles de la Résistance, en France et à Londres, ont ainsi constitué des viviers pour le recrutement du personnel de l’Unesco (comme de l’ONU[175]). L’expérience commune de la Résistance a rapproché ces hommes[176].
D’autre part, parmi les membres du personnel de l’Unesco de cette époque, plusieurs se sont exilés en Amérique pendant la guerre. Enfin, parmi les Américains entrés à l’Unesco dans les premières années, plusieurs ont fait partie des services de propagande psychologique de guerre contre l’Axe [annexe 3].
Le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale revient très souvent dans les témoignages du personnel des premières années de l’Unesco[177]. L’Américain F.H. Potter témoigne : « Nous étions tous de grands amis et nous étions si heureux de travailler à la promotion de la coopération et de l’amitié internationales après cette horrible Seconde Guerre Mondiale »[178]. Denise Percevaut évoque le contraste entre « la sinistre guerre » et la nouvelle Unesco pleine de promesses[179]. Roger Bordage, déporté à l’âge de dix-huit ans, évoque son expérience « traumatisante » de la guerre :
« la question de la paix devint dans ma vie une préoccupation permanente, même une obsession. Contribuer à éviter le retour des horreurs de la destruction arbitraire de l’être humain à cause d’une idéologie néfaste et barbare et à prévenir le retour de la monstruosité des conflits belliqueux fut une des raisons principales pour moi, de vouloir travailler dans le cadre des Nations Unies à aider au maintien de la paix »[180].
De même, le Suisse Jean-Baptiste de Weck explique que la raison principale qui l’a poussé à entrer à l’Unesco est « la guerre, l’horreur des bombardements, des injustices du nazisme, de l’arrogance du fascisme, le martyre des pays amis, la Pologne, la France, les Pays Bas, la découverte des camps de concentration et de l’holocauste »[181]. La guerre cimente les convictions pacifistes de ces hommes, qui, à l’instar de Michel Prévost, veulent « ne pas avoir vécu en vain la dernière guerre » et décident de « croi[re] aux Nations Unies »[182]. Plusieurs des membres du personnel de l’Unesco de la première période sont d’ailleurs liés à des mouvements pacifistes, comme celui des Combattants de la paix, qui devient bientôt le Mouvement de la paix[183].
L’explosion des deux bombes atomiques au Japon a un impact très important sur les réflexions menées par la conférence de Londres[184]. Cela suscite une prise de conscience de toutes les decouvertes scientifiques et technologiques intervenues pendant la guerre, et donne soudain à la science et à la technologie une place singulière ; ainsi la Seconde Guerre Mondiale a contribué à déterminer l’inclusion de la science parmi les attributions de l’Unesco, alors que cela n’avait pas été prévu précédemment ; en effet, la coopération scientifique internationale était considérée comme quelque chose de déjà établi de manière satisfaisante (contrairement à la coopération culturelle et éducative internationale) ; et de plus, la science était généralement considérée comme un sous-élément de la culture ; donc, puisque le terme de « culture » devait figurer dans l’intitulé de la nouvelle organisation, quelle nécessité d’y ajouter le terme de science ? Cela semblait aussi inutile que d’y ajouter ceux de théâtre, musique, littérature, etc.[185]
Dans ces premières années, la presse souligne ce lien très étroit entre l’Unesco et la guerre : « l’Unesco est enfant de la guerre », « né des horreurs qu’elle engendre »[186] ; l’Unesco est née « de la lassitude de la guerre, l’épouvante devant les horreurs, la peur instinctive du suicide auquel l’humanité se sent acculée »[187] ; « l’Unesco est issue de cet élan qui se veut prophétique »[188] et qui est né au lendemain de la guerre. De nombreux anciens fonctionnaires soulignent eux aussi ce lien[189].

Le traumatisme causé par la Seconde Guerre Mondiale constitue donc l’un des principaux facteurs d’harmonisation des conceptions diverses qui se sont combinées pour former le socle conceptuel initial de l’Unesco ; l’expérience de la guerre a également beaucoup contribué à créer un fort sentiment de dévotion aux idéaux de paix de l’Unesco parmi le personnel. Cette fusion harmonieuse de diverses conceptions est cependant de courte durée. Dès les premières années de fonctionnement de l’organisation, des divergences se font jour.

1.2. Huxley (1946-48) : un foisonnement de conceptions diverses.

1.2.1. La volonté de créer « le meilleur des mondes ».

Julian Huxley, un homme que rien ne prédisposait à devenir directeur général de l’Unesco.
Issu d’une illustre famille de biologistes anglais, petit-fils du biologiste Thomas Huxley, qui avait été un proche de Darwin, Julian Huxley [annexe 4] est zoologue de renom[190]. Rien ne le prédisposait apparemment à devenir directeur général de l’Unesco. En 1944, John Maud et Ellen Wilkinson le persuadent d’accepter de devenir secrétaire de la CAME, en remplacement d’Alfred Zimmern, tombé malade. Dans ses Mémoires, il affirme que personnellement il ne tenait pas spécialement à remplir cette fonction[191]. À son retour, Zimmern est nommé conseiller de Huxley, et, lui gardant rancune de lui avoir pris sa place, lance avec son épouse une campagne de diffamation contre lui auprès des ambassades de tous les États membres, répandant la rumeur qu’il serait communiste[192]. En fait les écrits et propos postérieurs de Huxley montrent qu’il n’est pas du tout communiste[193]. Huxley relate dans ses Mémoires la fureur que cela lui a causé : « Je ne me mets pas souvent en colère, mais là, cela m’a rendu tellement furieux que j’ai exigé une session spéciale du conseil et que j’ai présenté un ultimatum : soit Sir Alfred s’en allait, soit je retirais ma candidature et quittais Paris ». Le conseil cède aux exigences de Huxley, et envoie Zimmern accomplir une mission éducative à l’étranger. Julian Huxley fait face à cette campagne de calomnies et est élu directeur général, malgré la vive hostilité des milieux américains à son égard à cause de ses convictions politiques progressistes[194]. Il est élu malgré la campagne menée par le département d’état pour faire élire à sa place l’Américain Francis Biddle, Huxley étant considéré aux Etats-Unis comme « un dangereux extrémiste ». Le choix du gouvernement américain s’est porté sur Biddle à la suite du refus de plusieurs personnalités de plus grand renom[195]. C’est aussi à cause du refus d’Archibald MacLeish, initialement proné par les Etats-Unis (il « était notre héros » évoque Benton), de devenir directeur général, celui-ci préférant se consacrer à l’écriture, que Huxley a pu le devenir[196]. C’est donc un peu par accident, à cause de la défection de MacLeish, et malgré l’hostilité de Zimmern et du gouvernement américain, que Huxley, sans faire particulièrement d’efforts, est élu directeur général ; par un compromis secret avec le gouvernement américain, il accepte de ne rester que deux ans en poste au lieu de six[197].
Huxley, durant son mandat, se fait remarquer par son excentricité ; ainsi, d’après le departement d’état, les représentants diplomatiques qu’il rencontre à Lima sont surpris que « Huxley ait plutôt l’aspect d’un scientifique que d’un homme d’action », et le ministre des affaires étrangeres du Pérou s’étonne « que l’intérêt principal du Dr. Huxley dans son voyage au Pérou semble être l’ornithologie plutôt que l’Unesco »[198]. Dans des lettres personnelles écrites au lendemain de la mort de Huxley en 1975, son ami l’Américain Charles Ascher écrit que « Huxley considérait son poste de directeur de l’Unesco principalement comme une occasion de faire des voyages », et évoque « ses fréquentes absences de l’avenue Kléber, particulièrement dans les moments où nous avions besoin de lui pour accomplir le travail »[199] ; « pour lui, être directeur général de l’Unesco n’était qu’un interlude mineur dans sa carrière de scientifique et de philosophe, et (…) c’était l’occasion de voyager dans les coins les plus reculés du monde qui l’intéressait »[200]. Ascher observe aussi que Huxley avait beaucoup d’idées originales, éclectiques, mais pas réalistes et allant bien au-delà du mandat de l’unesco ; « j’étais trop souvent obligé de dire à Julian Huxley : ‘M. Huxley, c’est une idée brillante, mais je ne vois rien dans la constitution de l’Unesco qui suggère que les États membres nous aient demandé d’agir dans ce domaine’. […] c’était un peu gênant, dans mes relations avec Huxley, de devoir être une sorte d’instituteur »[201], évoque-t-il. En 1947, Allan Dawson, fonctionnaire du département d’état américain, qui fréquente Huxley lors de la tournée de celui-ci en Amérique latine, souligne le caractère « excentrique » de Huxley, son absence de sens de l’administration, et évoque le « caractère Alice au pays des merveilles » de l’Unesco[202].

Des conceptions originales et novatrices, mais non exemptes de dérives potentiellement dangereuses.

Les conceptions de Huxley [annexe 5] s’inscrivent dans la lignée de la conception intellectuelle de l’Unesco héritée de l’IICI. Conformément à sa conviction que l’Unesco doit être animée non pas par des représentants des gouvernements, mais par des « personnalités dirigeantes du monde de la culture : penseurs, artistes, écrivains, hommes de science »[203], Huxley s’emploie à recruter de nombreux penseurs, scientifiques, intellectuels, artistes, tels Roger Caillois, Philippe Soupault[204], Jorge Semprun[205], le philosophe chinois Lin Yutang[206]. Il noue des relations amicales avec de nombreux intellectuels français : Julien Cain, Léon Blum, André Malraux, Henri Laugier, Paul Rivet, Claude Lévi-Strauss, Jean-Louis Barrault, Louis Aragon, Madeleine Renault, Teilhard de Chardin, Marie Bonaparte[207]. Il s’emploie à intéresser ces intellectuels à l’Unesco, parfois avec succès, comme pour Léon Blum[208], Jean-Paul Sartre et André Malraux[209]. Ces intellectuels contribuent à vivifier les conceptions de l’Unesco.
En outre, Huxley développe des conceptions originales. Elles sont marquées par la confiance en la science, par la préoccupation pour la préservation de l’environnement, par un intérêt pour les peuples dits « sous-développés », et par une conscience aiguë du problème de la croissance de la population mondiale. Toutefois, elles évoluent aussi vers de dangereuses dérives eugénistes.

Des conceptions intelligentes, souvent à contre-courant de la pensée de son époque.
Par ses idées intelligentes et novatrices, Huxley a impressionné ses collègues; ainsi, Charles Ascher écrit en 1975: « c’est l’homme le plus remarquable que j’aie jamais rencontré »[210]. Alfred Métraux est frappé de l’« énergie endiablée de J. Huxley », admiratif devant « la santé et la jeunesse de Huxley »[211]. Huxley avait dès l’entre-deux-guerres développé des idées originales et personnelles sur la société et le monde dans des ouvrages aux titres évocateurs et parfois un peu inquiétants, comme Si j’étais dictateur (1934). Dans cet ouvrage par exemple, il développe des idées philanthropiques proches de celles qu’il a ensuite essayé de promouvoir en tant que directeur général de l’Unesco, idées marquées par la volonté d’améliorer les conditions sociales de l’humanité et de favoriser son développement intellectuel[212].
Les conceptions de Huxley sont marquées par l’évolutionnisme et le positivisme, par la confiance en la science pour expliquer tous les phénomènes et résoudre tous les problèmes, naturels mais aussi sociaux[213]. Dans Essais d’un biologiste, parus en 1946, il développe sa conviction que la science est le principal facteur de progrès et d’harmonie entre les hommes[214]. Il s’emploie à orienter en ce sens les conceptions et le programme de l’Unesco. Dans le projet de programme qu’il soumet à la conférence générale de 1946, il met ainsi l’accent sur « une meilleure compréhension du rôle de la science, en particulier la biologie et la psychologie », « la conservation des beautés naturelles », « la compréhension de l’évolution, à la fois l’évolution de la nature et l’évolution de la société », « l’extirpation des interférences idéologiques et nationalistes en matière d’art, de littérature et de sciences », « les mesures contre la surpopulation », et la « conscience de l’unité de l’humanité et du besoin de coordonner les efforts vers le progrès culturel et social à l’échelle mondiale »[215]. Il s’emploie aussi à recruter plusieurs scientifiques, tels le Britannique Joseph Needham, biologiste et spécialiste de la Chine, esprit universel[216], l’Américain Frank Malina, scientifique et artiste visionnaire, inventeur des fusées et créateur de l’art cinétique[217], le Français Pierre Auger[218], et le Brésilien Paulo de Berrêdo Carneiro, chimiste de renom, esprit positiviste[219]. En outre, sous son influence, à partir de 1948, le domaine des sciences exactes et naturelles devient le deuxième plus important poste budgétaire dans le programme de l’Unesco[220]. Huxley contribue ainsi à donner à l’organisation un esprit positiviste marqué[221], esprit qui était d’ailleurs présent dans l’Acte constitutif[222]. Cette présence de scientifiques de grande valeur dans le personnel de l’unesco, impulsée par Huxley, se poursuivra par la suite, avec des scientifiques comme notamment Victor Kovda, Alexis Matveyev, et Michel Batisse[223].
Huxley est également hostile aux religions existantes, qu’il estime néfastes et appelées à disparaître[224].
Par ailleurs, Huxley a une vive conscience de la nécessité de protéger l’environnement. Il met en garde contre les dangers de la pollution, de la diminution du nombre des espèces, et de la prolifération des armes nucléaires. Il s’emploie donc avec persévérance à orienter l’Unesco vers l’impératif de la préservation de l’environnement, auquel peu de gens sont sensibles à cette époque[225]. Il est ainsi un pionnier en ce domaine.
Un autre apport important de Huxley à l’Unesco est sa conscience de la misère des peuples « sous-développés »[226], son extrême sensibilité « aux besoins de ses frères dans le monde entier »[227]. À cette époque, rares encore étaient les Occidentaux qui se sentaient concernés par ce problème. L’intérêt qu’Huxley porte à ces peuples ne se limite pas à la dénonciation de leurs conditions de vie misérables, mais concerne aussi la richesse de leurs cultures, alors généralement négligées par les Occidentaux car considérées comme « primitives ». De ses voyages en Haïti et en Afrique orientale, il a retiré l’idée qu’il y a « un vaste réservoir inexploité de talent artistique et intellectuel parmi les communautés ‘primitives’ et frappées par la pauvreté, talent qui n’attend que l’occasion de se manifester »[228]. Il souhaite donc que l’Unesco attire l’attention de l’opinion mondiale à la fois sur les problèmes matériels de ces peuples et sur la richesse de leurs cultures.
Le problème de la surpopulation mondiale constitue l’un des thèmes de prédilection de Huxley, thème qu’il avait déjà développé longuement dans des ouvrages écrits avant 1945. Le spectacle des immenses taudis entourant les villes d’Amérique latine, des habitants d’Haïti frappés par la famine, et de l’entassement des populations dans les villes d’Egypte, auquel il est confronté dans le cadre de ses voyages en tant que directeur général, ne font que le confirmer dans sa conviction que la planète souffre d’une grave surpopulation[229]. Son échec à faire agréer ses idées en la matière par l’Unesco, échec qu’il attribue à l’influence de l’Eglise et au conservatisme des mentalités, lui a par la suite inspiré une vive amertume, qu’il a exprimée dans ses Mémoires. Il se considère comme le précurseur méconnu du programme de contrôle des naissances dans lequel le système de l’ONU s’est engagé à partir des années 1970[230]. Il a continué toute sa vie à plaider pour que soit traité le problème de la surpopulation mondiale[231].
Huxley s’intéresse beaucoup à la planification urbaine et veut faire jouer un rôle à l’Unesco dans ce domaine, bien qu’une division de l’ONU s’en occupe parallèlement. C’est d’ailleurs pour ses compétences dans ce domaine qu’il recrute Charles Ascher[232]. Alva Myrdal aussi s’y intéresse. Mais Huxley échoue à faire inclure la planification urbaine dans le programme de l’Unesco[233].
Ainsi, Huxley a défendu des conceptions novatrices sur des thèmes originaux, à contre-courant de la pensée de son temps, et souvent bien en avance sur elle. Il s’est efforcé, avec un certain succès, d’orienter l’Unesco vers des préoccupations que n’avaient pas prévues initialement ses fondateurs[234]. Il a ainsi contribué à jeter les bases de programmes que l’Unesco a plus tard développés en matière d’aide au développement, d’ethnologie, de patrimoine, d’environnement, de biologie, d’hygiène, et de contrôle des naissances[235]. Il semble ainsi avoir exercé une influence majeure sur l’orientation postérieure du programme de l’Unesco[236]. Cependant, sa pensée originale et d’une totale indépendance l’a conduit à développer et à défendre des positions inquiétantes dans le domaine de l’eugénisme.

Des dérives dangereuses vers l’eugénisme.
La pensée de Huxley n’est pas exempte de contradictions. Ses principes généreux et égalitaires sont nuancés par sa certitude que « l’inégalité des possibilités offertes dans les domaines de l’éducation, de la science et de la culture est irrémédiable ». Il exprime une vision fataliste de l’ignorance et de l’obscurantisme qui continueront selon lui toujours à peser sur « les régions sombres du monde »[237].
Plus troublant, au lendemain de l’extermination de millions de personnes par les nazis, Huxley n’hésite pas à exposer, au nom de l’Unesco, un vaste plan eugéniste. Cependant, à l’opposé des théories nazies qui visaient à favoriser une « race » unique, Huxley se fixe comme but d’ « accroître l’étendue de la variété génétique humaine ». Il préconise que l’Unesco se livre à « l’étude des types psycho-physiologiques distincts », et en tire des applications pratiques pour une meilleure répartition des tâches, dans le monde idéal qu’il imagine, entre les différentes catégories d’individus. Ces études « permettront de choisir ceux qui ont le plus de chances de profiter d’une certaine formation ou ceux à qui convient le mieux tel ou tel genre de travail. Par contre, nous serons alors à même de décréter que l’on doit interdire à certains types d’hommes certains types de professions. […] Nous pourrons ainsi sans risque d’erreur refuser toute valeur de vérité aux idées professées par des hommes appartenant à tel ou tel type »[238].
Ces théories ne sont pas sans rappeler le « meilleur des mondes » imaginé par son frère Aldous en 1932[239]. Animé par un véritable culte de l’intelligence, convaincu que « l’existence d’êtres débiles, de crétins et d’anormaux ne peut être que mauvaise », Julian Huxley pousse son raisonnement jusqu’à préconiser l’élimination des individus les moins intelligents. Il déplore qu’« à l’heure actuelle, (…) l’effet indirect de la civilisation, loin de favoriser l’eugénisme, lui est contraire », et fixe comme tâche à l’Unesco de se livrer à des études en vue de la réalisation de ce programme eugéniste et d’informer et de convaincre l’opinion publique « de tout ce qu’il met en jeu, de manière que ce qui est maintenant inconcevable puisse au moins devenir concevable »[240].
Déjà en 1931, dans un ouvrage intitulé Ce que j’ose penser, Julian Huxley avait exprimé en détail ses idées sur la nécessité d’un contrôle génétique des individus dans le but d’améliorer l’espèce humaine[241]. Dans L’homme, cet être unique, recueil d’essais rédigés entre 1927 et 1939, il avait affirmé que « l’eugénisme fait partie intégrante de la religion de l’avenir »[242], et avait exposé ses théories eugénistes, fondées sur les principes de l’évolutionnisme darwinien et de la génétique mendélienne. Il avait affirmé sa conviction qu’il faut favoriser la reproduction des « classes intellectuellement supérieures » et empêcher celle des « classes intellectuellement inférieures », en luttant contre la tendance naturelle des supérieures à se reproduire peu et celle des inférieures à se reproduire trop. Pour cela, il avait proposé d’empêcher celles-ci d’accéder aux soins médicaux, et de mettre en place un système de sélection génétique selon la personnalité des individus ; ainsi, pour les « couches inférieures », qu’il compare explicitement à du « bétail », le critère à rechercher est selon lui « la docilité et la soumission industrieuse » ; il estime en effet qu’il serait « dangereux » de laisser subsister et se reproduire parmi ces couches des individus ayant des aptitudes intellectuelles, « car la frustration de ces aptitudes mène au mécontentement et à la révolution chez certains hommes, à la névrose et à l’inefficacité chez d’autres ». Les théories eugénistes de Huxley se fondent sur une vision pessimiste et angoissée de l’avenir : « l’humanité se détruira graduellement par le dedans, elle se corrompra jusque dans son noyau et son essence même, si ce processus lent mais implacable n’est pas enrayé »[243]. Le génocide perpétré par le régime nazi n’a en rien ébranlé ces convictions. Dans ses différents ouvrages rédigés des années 1930 aux années 1960, il les exprime de manière inchangée[244].
Comment expliquer qu’un homme qui avait publiquement exprimé de telles théories eugénistes ait été choisi comme directeur général de l’Unesco ? Tout d’abord, la publication de ces ouvrages n’avait pas fait grand bruit. Dans la communauté intellectuelle internationale, Huxley était considéré comme un scientifique doué et respectable et comme un libre-penseur et un homme de gauche, mais ses théories eugénistes ne semblent pas avoir été vraiment connues. Elles n’ont en tout cas jamais été évoquées à l’occasion de sa nomination comme secrétaire exécutif de la commission préparatoire ni de son élection comme directeur général. En outre, au lendemain immédiat de la Seconde Guerre Mondiale, il semble que l’opinion n’avait pas encore pris pleinement la mesure des crimes commis par le régime nazi, et n’était pas encore sensibilisée comme elle l’a été par la suite à une attitude d’extrême vigilance à l’égard de toute pensée eugéniste. Dans l’entre-deux-guerres et encore dans l’immédiat après-guerre, la tolérance était beaucoup plus grande à l’égard de ce genre d’idées, alors assimilées à une préoccupation philanthropique. À l’inverse, certaines idées, comme celle du contrôle des naissances[245], que défendait alors également Huxley, étaient considérées comme scandaleuses, alors que dans les décennies suivantes elles ont devenues l’objet d’un large consensus.
L’essai L’Unesco, ses buts, sa philosophie, rédigé en 1946 par Huxley [annexe 7], et contenant plusieurs pages développant ses idées eugénistes, suscite l’hostilité de ses conseillers[246]. Pour éviter un scandale, ils le persuadent de publier ce texte non pas au nom de l’Unesco ainsi qu’il en avait l’intention, mais en son nom propre, en tant qu’expression de ses opinions personnelles, et de renoncer à présenter ses idées devant les délégués de la conférence générale et à essayer de les faire adopter comme programme de l’Unesco[247]. Comprenant que ses idées n’obtiennent aucun soutien, Huxley se plie sans difficultés à cette pression[248]. Il est à noter que ses idées eugénistes exprimées dans L’Unesco, ses buts, sa philosophie, sont généralement passées sous silence dans les historiques publiés par l’Unesco[249].
Si Huxley renonce officiellement à faire passer dans le programme de l’Unesco ses idées eugénistes, il continue à les exprimer au cours des années suivantes dans divers ouvrages, articles et discours[250]. En 1950, dans la préface d’une publication de l’Unesco, intitulée Les droits de l’esprit, il exprime des idées eugénistes et même racistes. Alors que cette publication s’inscrit dans le cadre de la promotion par l’Unesco de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Huxley prend le contre-pied de l’esprit de cette déclaration, en affirmant :
« Dans une certaine mesure, les droits de l’homme sont fonction du niveau et de la forme de la société dans laquelle ils doivent s’exercer, et leur validité universelle comporte toujours des exceptions. C’est ainsi qu’on lit dans le premier article de la Déclaration que ‘tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits’ ; or, il tombe sous le sens que ce principe ne saurait s’appliquer aux idiots congénitaux. De même, quand l’article 21 pose que ‘la volonté du peuple doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret’, ou quand l’article 26 affirme que ‘l’enseignement élémentaire est obligatoire’, il est tout aussi évident que de telles règles ne peuvent s’appliquer à l’heure actuelle, ni probablement avant longtemps, aux primitifs de la Côte d’Or septentrionale, par exemple, ni aux aborigènes australiens, pas plus qu’aux pygmées du Congo. »[251]
Au fil des années, les idées eugénistes de Huxley, qu’il continue à exprimer par des articles et des ouvrages[252], choquent de plus en plus l’opinion. Ainsi, en 1961, son ouvrage The Humanist Frame reçoit des critiques très négatives[253].
Dans ses Mémoires, rédigés en 1973, Huxley expose ce qu’il reconnaît être ses deux « idées fixes » : le problème de la « surpopulation », et celui de la « conservation », on dirait aujourd’hui plutôt l’environnement[254]. Les idées de Huxley, qui visent initialement le bonheur de l’humanité, s’orientent de plus en plus au fil de sa vie dans un sens misanthrope et pessimiste : il se détourne des hommes, qu’il juge trop nombreux et malfaisants, et concentre de plus en plus son intérêt vers la nature, perçue comme gravement menacée. À la fin de sa vie, il se montre extrêmement pessimiste sur l’avenir de la civilisation humaine, sa vision est catastrophiste, il estime que l’homme va vers la dégénérescence et court à sa propre destruction, et il prédit le chaos total dans le monde pour l’an 2000[255]. Il a alors cessé depuis longtemps de fonder des espoirs en l’Unesco pour améliorer le monde.
La pensée de Huxley est intelligente, complexe, tour à tour séduisante et effrayante, par ses audaces et ses excès. Elle constitue un exemple intéressant de dérapage d’intentions louables et philanthropiques vers des positions dangereuses, et du flou de la frontière entre une pensée progressiste et une pensée réactionnaire. La personnalité maniaco-dépressive de Julian Huxley a manifestement influé, comme il le reconnaît lui-même avec lucidité, sur le développement de sa pensée, caractérisée tantôt par un optimisme euphorique[256], (état d’esprit dominant durant ses deux années passées à la tête de l’Unesco[257]), tantôt, et de manière croissante au fil du temps, par un pessimisme désespéré[258].
Par ses idées hors-normes, Huxley reste le plus controversé des directeurs généraux de l’Unesco[259], bien qu’étant celui qui a dirigé l’Unesco pendant le plus court laps de temps. Il a en tout cas, par son tempérament idéaliste et exalté, transmis au personnel et aux représentants des États membres un vif enthousiasme pour l’idéal de l’Unesco.

Un vif enthousiasme transmis au personnel et aux représentants des États membres.

Huxley se lance dans sa mission de directeur général avec un idéalisme et un enthousiasme sincères. Il insuffle à l’Unesco « la chaleur de son tempérament »[260], et affirme sa « foi dans les immenses services que l’Organisation peut rendre à l’humanité »[261]. Cet enthousiasme se révèle vite communicatif auprès du personnel et des représentants des États membres[262]. En 1947, le gouvernement français se félicite que la 2e session du conseil exécutif ait attiré de nombreuses personnalités, venues souvent de pays lointains, et se soit déroulée dans « une atmosphère aussi cordiale que confiante »[263]. De nombreux témoignages concordent sur l’atmosphère d’idéalisme et d’euphorie régnant à l’Unesco durant le mandat de Huxley. Mme Morazé, veuve de Charles Morazé, se souvient : « C’etait une époque où tout paraissait possible, où il y avait un idéalisme, un enthousiasme communicatifs »[264].
Cet idéalisme semble être en partie le contrepoint du souvenir traumatisant de la guerre. Dans les années 1946-48, de nombreux éléments de l’environnement de l’Unesco rendent le souvenir de la guerre omniprésent : le spectacle de la ville de Paris, affaiblie, bombardée, encore soumise au rationnement alimentaire, et l’installation de l’Unesco dans l’hôtel Majestic, ancien quartier-général des autorités militaires allemandes d’occupation[265], frappent les esprits des fonctionnaires et des délégués[266].
L’atmosphère d’enthousiasme est favorisée par la taille alors réduite du Secrétariat, qui lui confère un « caractère familial et convivial ». C’est ce qu’évoque Pauline Koffler, veuve de Sandy Koffler :
« C’était vraiment une période inspirée. Une période où dominait une atmosphère de dévotion aux idéaux de l’Unesco : la paix, la compréhension internationale, l’amélioration de la vie de l’homme, favoriser la tolérance entre les idées, le libre échange entre les idées et les cultures. Il y avait un grand idéalisme. L’Unesco était de taille réduite, c’était un petit monde, tout le monde se connaissait, tout le monde était ensemble, mangeait ensemble, discutait ensemble, Huxley mangeait avec tout le monde, c’était une effervescence intellectuelle. À cette époque, on ne comptait pas les heures de travail, on était entièrement dévoué à la cause de l’Unesco »[267].
Pauline Koffler observe que cette atmosphère exceptionnelle était en grande partie due à la personnalité charismatique et fascinante de Huxley. « Julian Huxley était un grand homme. Il avait donné à l’Unesco une véritable inspiration, qui a perduré encore de nombreuses années après son départ »[268]. F.H. Potter évoque la personnalité impressionnante du « grand Julian Huxley »[269], Michel Prévost rappelle les « deux ans de créativité euphorique qui avaient marqué le passage du premier directeur général, l’Anglais Julian Huxley »[270], Alfred Métraux souligne dans son Journal la séduction intellectuelle de la pensée brillante de Huxley[271], d’autrès encore confirment ce jugement[272]. Emile Delavenay évoque « [s]a longue histoire d’amour avec l’Unesco »[273] ; Pierre Henquet souligne la « conviction profonde » qui cimentait alors « l’unité du personnel »[274] ; Jean Millérioux exprime son « souvenir ému » de cette époque « héroïque »[275]. Odile Felgine évoque dans sa thèse sur Roger Caillois « l’atmosphère enfiévrée des débuts de l’Unesco »[276]. Les témoignages des anciens fonctionnaires concordent sur le fait que, plusieurs années après le départ de Huxley, « son esprit était encore là »[277]. Le sincère idéalisme insufflé par Huxley aux membres du Secrétariat est ainsi perceptible à travers les récits des anciens fonctionnaires. Une véritable « légende » de l’atmosphère à l’hôtel Majestic se transmet au fil des années, des anciens aux jeunes fonctionnaires : ainsi, Jacques Tocatlian, entré à l’Unesco en 1969, affirme avoir beaucoup entendu parler de l’atmosphère familiale, amicale, de l’Unesco de l’époque, du grand espoir d’après-guerre qui y régnait[278]. Ces fonctionnaires témoignent dans leurs récits d’une évolution entre l’enthousiasme et l’optimisme de ces premières années, et la relative désillusion qui a caractérisé les années suivantes[279].
Dans ses Mémoires, Huxley évoque l’animation et l’esprit d’utopie qui régnaient à l’Unesco durant son mandat : c’était, se souvient-il, « une perpétuelle agitation - une cocotte minute »[280].
« Une chose m’a frappé dans ces jours du début. Des jeunes gens pleins de vitalité venaient me voir pour me demander : « Que pouvons-nous faire pour l’Unesco ? » En effet, le personnel dans son ensemble était plein d’enthousiasme pour cette nouvelle aventure internationale. Hélas, ce bel esprit de pionnier n’a duré que quelques années, et a été ensuite trop souvent remplacé par la question : « Qu’est-ce que l’Unesco peut faire pour moi ? » »[281].
René Maheu lui-même évoque sa « nostalgie » de « ces temps lointains » :
« A cette époque (…) il y avait dans l’Organisation un certain goût des idées et de la qualité intellectuelle pour elles-mêmes, qui, certes, n’allait pas sans naïveté, parfois, ni quelque improvisation administrative, mais qui entraînait le Secrétariat dans je ne sais quel élan de jeunesse, fait de fraîcheur d’esprit et de disponibilité. De tout cela, le cher Julian Huxley est resté pour moi, comme pour tous ceux qui travaillaient alors à ses côtés, le vivant et séduisant symbole »[282]. « Je garde de cette période, où rien ne paraissait impossible parce que tout était à inventer, le souvenir attendri d’une activité assurément désordonnée, mais animée d’un merveilleux esprit d’entreprise »[283].
Il ne s’agit pas seulement d’une reconstruction du passé a posteriori par la mémoire, à plusieurs décennies de distance. Les archives de l’époque révèlent la réalité de cet enthousiasme. Ainsi, en 1946, Pierre Auger, alors directeur de l’enseignement supérieur au ministère de l’éducation nationale, se dit dans une lettre confidentielle « personnellement fort attaché à cette entreprise » qu’est l’Unesco[284]. La délégation américaine à la conférence générale de 1946 se montre, dans ses rapports confidentiels à son gouvernement, frappée par l’atmosphère d’enthousiasme, par « l’excellent sentiment » et l’esprit de collaboration et d’idéalisme qui y règne[285]. À la conférence générale de 1947, Huxley décrit l’Unesco comme « l’un des éléments les plus réconfortants du spectacle pénible, souvent même déprimant et inquiétant, que nous offre le monde aujourd’hui »[286]. De nombreux délégués affirment leur intense espoir en l’Unesco, estimant que « le monde civilisé a les yeux sur [l’Unesco] »[287], comparant le personnel de l’organisation à de « nouveaux missionnaires »[288], mettant en valeur le rôle « impressionnant » qui échoit à celle-ci[289], la considérant comme « l’une des entreprises les plus nobles dans laquelle le genre humain se soit à présent engagé »[290], insistant sur le fervent « enthousiasme » qu’elle leur inspire[291]. Cet enthousiasme est exprimé également au sein du Secrétariat, par Sandy Koffler[292], Emile Delavenay, Jacques Havet, Michel Prévost, Jean Thomas, T.C. Young[293], René Maheu. Ainsi, ce dernier affirme dans le Courrier de l’Unesco « l’immense autorité mondiale que l’Unesco possède en puissance »[294]. Luther Evans lui aussi estime que « Huxley était vraiment par beaucoup d’aspects un directeur général très satisfaisant »[295]. De nombreux fonctionnaires recrutés par Huxley partagent son idéalisme, comme le Français d’origine polonaise Bernard Drzewieski, chef du département de la reconstruction de l’Unesco dès 1946, qui avait dans l’entre deux guerres publié des brochures utopistes, New Education, et Civic Education, et qui, pendant la guerre, réfugié en Angleterre, avait coopéré avec le « Conseil pour l’instruction civique internationale »[296].
Cet enthousiasme est partagé par des Américains comme Benton, assistant secrétaire d’État pour les affaires culturelles et président de la délégation américaine ; celui-ci, à la conférence générale de 1946, déclare que l’Unesco « est destinée à prendre une ampleur considérable », exhorte les délégués à « ne pas craindre de nourrir pour l’Unesco des ambitions trop vastes »[297], et exprime dans son rapport au Département d’État son enthousiasme pour les vastes projets idéalistes de l’Unesco[298] ; et Albert Noyes, conseiller de la délégation américaine, écrit dans son rapport confidentiel que l’Unesco est « une des plus importantes organisations des Nations Unies pour la construction d’une structure ferme pour la paix »[299], que le programme de l’Unesco est « admirable dans ses aspects principaux », et que l’ambiance de la conférence est « extrêmement amicale »[300]. Les États-Unis sont avides de participer aux conférences et activités mises en place par l’Unesco[301]. Lors de la conférence générale de 1947, le président Truman envoie un télégramme à l’Unesco exprimant sa confiance dans les buts et l’action de l’organisation[302]. Les discours de Benton à la radio américaine, en décembre 1946[303] et janvier 1947[304], dans lesquels il se livre à des éloges dithyrambiques de l’Unesco, ont certainement été un élément important de la création de ce mouvement d’opinion. Il y déclare : « L’Unesco est une institution unique. Il n’y en a jamais eu aucune comme cela dans l’histoire. » Il juge que la première conférence générale a été « exceptionnelle », « une des conférences internationale les plus réussies depuis la fin de la guerre », qu’ « un très bon départ a été pris », exprime sa « foi » en l’Unesco, et affirme que l’agence « envisage la question de son programme d’une manière plus constructive qu’aucune autre agence de l’ONU »[305].
Derrière cet enthousiasme réel se profilent dès ces toutes premières années des divergences conceptuelles importantes.

1.2.2. L’apparition de divergences et de contradictions.

Dès le début du fonctionnement de l’Unesco, des divergences conceptuelles se font jour. La mission de l’organisation doit-elle être la paix entre les nations, ou l’épanouissement intellectuel de l’homme ? Les deux premières conférences générales voient éclater les contradictions, les divergences, et mettent en évidence confusion et tâtonnements. Benton déplore le caractère « fantasque » et « irréaliste » du programme voté en 1946 ; Luther Evans estime lui aussi les discussions à cette conférence « confuses »[306]. Plusieurs aspects posent problème.

La « culture mondiale unique » : un idéal sur lequel il apparaît impossible de s’accorder.

L’universalisme affirmé dans l’Acte constitutif[307] se traduit par la volonté de mettre en place une « culture mondiale unique », c’est-à-dire un ensemble de connaissances, de façons de penser et d’agir, commun à tous les peuples et à tous les individus, censé entraîner la compréhension internationale et l’harmonie, buts ultimes de l’Unesco. Cette ambition se fonde sur le présupposé que si l’on donne à tous les peuples, à tous les hommes, les mêmes valeurs morales, on créera une grande communauté humaine, dans laquelle les conflits seront évités. La pensée universaliste est en effet très développée au lendemain de la guerre : aux États-Unis, les cercles intellectuels liés à l’université de Chicago avaient développé un projet de Constitution mondiale[308] ; l’Américain William Carr avait développé dès 1928 l’idéal de la création d’un « monde unifié », dans son ouvrage Education for World Citizenship[309] ; cette pensée s’était développée également en Inde, parmi les intellectuels dans la lignée de Rabinadrath Tagore[310].
L’universalisme[311] est la conception dominante au sein de l’Unesco durant les années du mandat de Huxley. Léon Blum l’avait prôné dans son discours à la conférence constitutive de l’Unesco[312]. L’homme d’État et philosophe indien Sarvepalli Radakrishnan, représentant de l’Inde à la conférence générale de 1947, y affirme que l’Unesco doit « donner naissance à un nouveau mode de vie, à de nouvelles conceptions et à une nouvelle philosophie qui inspirera l’humanité »[313]. De même, Le philosophe chinois Lin Yutang, haut fonctionnaire de l’Unesco, estime que revient à l’Unesco la mission d’opérer « une reconstruction sur le plan des idées »[314] ; et René Maheu préconise en 1948 l’élaboration d’une « doctrine constructive » que l’Unesco diffuserait par une « attitude résolument militante » : « il faut qu’il y ait un point de vue de l’Unesco, dont l’originalité s’impose graduellement à la sympathie des peuples et au respect des gouvernements »[315]. L’idée de mettre en place une telle doctrine, une « culture mondiale unique », semble recueillir initialement l’accord général[316]. Cependant, immédiatement, des divergences insurmontables apparaissent concernant les caractères à lui donner.

Des divergences insurmontables sur la nature de cette « culture mondiale unique ».
Pour certains, elle doit se fonder sur la spiritualité. Cette idée est représentée en particulier par des personnes liées à l’ancien IICI, comme Jean-Jacques Mayoux[317]. L’IICI avait ébauché des tentatives en ce sens, s’efforçant de jeter les bases d’une morale internationale, de dégager des valeurs humanistes universelles[318]. Léon Blum, président de la conférence générale de 1946, y affirme que l’Unesco doit mener « une action d’ensemble sur (…) la condition spirituelle des peuples et des individus »[319]. À la conférence générale de 1947, Paulo de Berredo Carneiro, délégué du Brésil, prône l’établissement par l’Unesco d’« une influence spirituelle commune à tous les peuples »[320].
Cette conception spiritualiste ouvre la voie à un rapprochement de l’Unesco avec la pensée religieuse. Des délégués d’États de tradition catholique, tels Jacques Maritain (France) et le comte Jacini (Italie), émettent le souhait que les conceptions de l’Unesco se rapprochent de la morale chrétienne. Le comte Jacini [annexe 8], délégué de l’Italie, fait partie des fondateurs du premier parti catholique italien, le Partito Popolare Italiano, en 1919[321]. Plusieurs États de tradition protestante vont dans le même sens[322]. Ainsi, une brochure de promotion de l’Unesco publiée en 1948 par le gouvernement britannique affirme que l’idéal de l’Unesco contient « un puissant élément chrétien »[323]. De même, Holcroft, délégué de Nouvelle-Zélande, avance l’argument que « la religion est le plus puissant des moyens d’influence pour changer les attitudes »[324], et qu’à ce titre elle doit être utilisée par l’Unesco pour atteindre les objectifs fixés dans l’Acte constitutif. La spiritualité religieuse orientale constitue une autre composante de cette sensibilité spiritualiste qui s’affirme de manière croissante dans les premières années de l’Unesco. Sarvepalli Radhakrishnan, philosophe et historien des religions, représentant de l’Inde à la conférence générale, s’en fait l’un des vecteurs[325].
A l’opposé de cette mouvance spiritualiste, une conception matérialiste, positiviste et scientiste de la « culture mondiale unique » s’exprime. Elle est développée et défendue en premier lieu par le directeur général Julian Huxley, à travers l’essai L’Unesco, ses buts, sa philosophie, rédigé en 1946, dans lequel il affirme que l’unification des cultures « en un fonds unique d’expériences, d’idées et de buts communs est la condition préalable et nécessaire de tout grand progrès futur de l’évolution humaine ». La conception de Huxley se veut une « philosophie du progrès humain » ; l’Unesco doit « chercher à découvrir en quoi consiste le progrès et quelles sont les conditions de sa réalisation pratique ». Pour lui, la philosophie de l’Unesco « doit être scientifique, [...] parce que la recherche scientifique et ses applications pratiques représentent de beaucoup le moyen le plus important d’améliorer le bien-être de l’humanité »[326]. L’Unesco devrait « mettre en commun toutes les ressources dont l’homme dispose en matière de connaissance et de beauté, de puissance créatrice, de volonté et d’aspiration, afin que la vie devienne une entreprise plus satisfaisante, une aventure plus noble, une expérience plus riche, et qu’elle soit tout cela pour tous les hommes et non pas, comme à l’heure actuelle, pour un petit nombre »[327]. Ainsi, l’unification des cultures en une « culture mondiale unique » aurait pour principal intérêt de permettre l’accès de l’humanité au progrès et au bonheur. De même, au cours des conférences organisées par l’Unesco à la Sorbonne en 1946, Huxley affirme la nécessité selon lui que l’Unesco mette en place une religion fondée sur « la doctrine scientifique du progrès », une seule « tradition commune à toute notre espèce », et un « gouvernement mondial unique »[328]. Et dans le Courrier de l’Unesco, en 1948, il estime indispensable « l’apparition d’une nouvelle conception de la vie », et affirme : « nous devrions rechercher le principe de notre unité dans une seule idée, et voir là une tâche immédiate »[329].
Cette conception matérialiste développée par Huxley se heurte immédiatement à des oppositions virulentes. Huxley est en particulier désavoué par ses propres concitoyens. Ainsi, l’historien britannique Sir Ernest Baker, son vieil ennemi[330], dénonce dans cet essai « une attitude athéiste déguisée en humanisme »[331]. Le gouvernement britannique lui-même désavoue les conceptions matérialistes de Huxley, affirme qu’au contraire l’Unesco ne doit être « en rien motivée uniquement par l’humanisme scientifique » et « matérialiste »[332]. Le gouvernement italien condamne les idées de Huxley, pour leur caractère « nettement à gauche » et « notoirement utopiste »[333]. Les oppositions des États membres étant quasi-unanimes à l’égard du projet de Huxley, celui-ci doit renoncer à l’espoir de le réaliser dans le cadre de l’Unesco[334]. Il détournera alors ses espoirs de cette organisation, et préconisera en 1952 la mise en place d’une nouvelle organisation internationale pour créer une nouvelle religion, fondée sur l’évolutionnisme scientifique, mais sans plus de succès[335]. Dans ses Mémoires, il juge a posteriori que son projet de création de philosophie matérialiste et scientiste dans le cadre de l’Unesco était irréaliste[336].
Cependant, l’essai L’Unesco, ses buts, sa philosophie, avait obtenu quelques soutiens de la part de la France, étant donné son caractère rationaliste. Ainsi, le ministre des affaires étrangères, Robert Schuman, fait dans un rapport confidentiel l’éloge de ce texte « progressiste » en lequel il voit « le plus vibrant éloge du rationalisme et du scientisme »[337]. Et, dans ses Mémoires, Emile Delavenay déplore que ce texte « fut mis sous le boisseau à la suite de protestations des éléments les plus conservateurs de la commission préparatoire, choqués parce que cette ‘philosophie’ jugée subversive n’accordait pas à la religion la place par eux souhaitée »[338]. Si les conceptions de Huxley, par leur extrémisme, entraînent un rejet général, l’idée d’une culture mondiale unique fondée sur le positivisme et le rationalisme a ses partisans.
Ainsi, deux tendances opposées coexistent et s’affrontent sur les caractères à donner à cette « culture mondiale unique » qu’il s’agirait pour l’Unesco de mettre en place. L’opposition entre les deux tendances apparaît sans issue. Peu à peu, l’impossibilité à s’accorder à ce sujet, ainsi que le poids croissant des opposants à cette « culture mondiale unique », vont aboutir à la renonciation à cet objectif.

La renonciation progressive à l’idéal universaliste de « culture mondiale unique ».
L’ambition universaliste de créer une « culture mondiale unique » se heurte très tôt à des réticences par rapport à ce qui est perçu comme une uniformisation forcée et une rigidification de la pensée. Des doutes s’expriment : l’uniformisation de la culture, des valeurs, de la pensée, est-elle vraiment un bon moyen pour atteindre l’harmonie entre les hommes ? Ne risque-t-elle pas plutot de nuire à la richesse et à l’épanouissement de la pensée ? Les réticences viennent de trois horizons différents, les États-Unis, les États communistes, et l’ONU. Elles sont fédérées par le Français Jacques Maritain.
Ces réticences s’expriment notamment aux États-Unis. Les sympathies de gauche de Huxley entraînent la suspicion des milieux conservateurs américains, qui tendent à voir dans cette « culture mondiale unique » une émanation de la pensée socialiste, totalitaire.
L’ambition de mettre en place une « culture mondiale unique » ne rencontre pas non plus l’approbation des États communistes. L’URSS, fermement opposée à l’idée que « les guerres naissent dans l’esprit des hommes », refuse dès le départ d’adhérer à l’Unesco[339]. À la conférence générale de 1946, le représentant de la Yougoslavie, Ribnikar, affirme que l’adoption par l’Unesco d’une philosophie officielle conduirait à « l’asservissement de la pensée et de l’esprit créateur et constituerait un obstacle à la diffusion de la culture »[340]. Dans son discours, considéré par l’ensemble des délégations comme l’expression de la position soviétique, Ribnikar affirme que l’Acte constitutif de l’Unesco est fondé sur une conception bourgeoise des causes de la guerre. Le postulat idéaliste selon lequel « les guerres naissent dans l’esprit des hommes » est « en contradiction flagrante avec les enseignements du matérialisme historique », les guerres étant au contraire selon la conception socialiste le produit de la lutte des classes et de l’exploitation du prolétariat. Selon cette conception, c’est l’amélioration des conditions matérielles et économiques qui constitue le préalable indispensable à la paix. Ribnikar critique aussi la contradiction fondamentale des conceptions de l’Unesco, « entre d’une part la volonté de préserver et de développer l’originalité de chaque civilisation nationale et d’autre part l’unification, par l’Unesco, des diverses cultures nationales d’après un type standardisé »[341]. Il est ainsi l’un des premiers à mettre le doigt sur un paradoxe des conceptions de l’Unesco. L’absence de l’URSS apparaît à tous comme un premier échec pour l’universalité proclamée de l’Unesco. Jean-Jacques Mayoux déplore dès 1946 le manque « d’unité idéologique parmi les vainqueurs », qui selon lui risque d’hypothéquer l’action de paix de l’Unesco : « comment endoctriner les peuples sur la compréhension mutuelle s’ils s’aperçoivent que leurs chefs ne se comprennent point ? »[342].
Enfin, le projet de « culture mondiale unique » se heurte à l’hostilité de l’ONU[343].
Sous l’effet de ces oppositions, l’Unesco s’achemine progressivement vers la renonciation à cet objectif. Le discours de Jacques Maritain, délégué de la France, devant la conférence générale de 1947, contribue largement à cette évolution. Il déclare :
« Ce qui fait dès l’abord apparaître comme paradoxale la tâche de l’Unesco, c’est qu’elle implique un accord de pensée entre les hommes dont les conceptions du monde, de la culture et de la connaissance elle-même sont différentes ou même opposées. Il n’y a plus de bases communes, si profond que l’on creuse, pour la pensée spéculative. Il n’y a plus pour elle de langage commun. [...] Comment, dans ces conditions, un accord de pensée est-il concevable entre des hommes rassemblés justement pour une tâche d’ordre intellectuel à accomplir en commun […] et qui n’appartiennent pas seulement à des cultures et à des civilisations différentes, mais à des familles spirituelles et à des écoles de pensée antagonistes ? Ou bien faudra-t-il qu’abandonnant la partie un organisme comme l’Unesco renonce à toute affirmation de pensée commune et de principes communs et se contente d’amasser des documents et des enquêtes, des données de fait et des statistiques ? Ou faudrait-il, au contraire, qu’il s’efforce d’établir un conformisme artificiel des esprits et de définir un commun dénominateur doctrinal qui risquerait, à mesure que l’on en discute, de diminuer jusqu’au point d’évanescence ? ».
Maritain estime que le « babélisme de la pensée moderne » rend actuellement inenvisageable une « organisation supranationale du monde ». Il propose donc une solution de repli :
« Précisément parce que l’Unesco est une finalité pratique, l’accord des esprits peut s’y faire spontanément, non pas sur une commune pensée spéculative, mais sur une commune pensée pratique, non pas sur une même conception du monde, de l’homme et de la connaissance, mais sur l’affirmation d’un même ensemble de convictions dirigeant l’action. Cela est peu sans doute, c’est le dernier réduit de l’accord des esprits. C’est assez cependant pour entreprendre une grande œuvre, et ce serait beaucoup de prendre conscience de cet ensemble de communes convictions pratiques. » [344]
Le discours de Maritain obtient l’adhésion générale. Julian Huxley lui-même se rallie à cette solution prudente, reconnaissant que l’Unesco doit viser avant tout à réaliser « un ensemble de projets concrets nettement définis, destinés […] à produire des résultats tangibles dans un temps limité. »[345] Ainsi, dès 1947, l’impossibilité d’élaborer une philosophie de l’Unesco entraîne la décision de concentrer son œuvre sur l’action pratique, au détriment des élaborations conceptuelles. Comme l’observe Jean Thomas, « faute d’une philosophie spéculative ou pratique, l’Unesco se réfugia dans l’action »[346].
Les délégués s’étant mis d’accord pour se fixer sur des objectifs pratiques, il reste à déterminer ceux-ci. Cette question des priorités concrètes à donner au programme de l’Unesco entraîne elle aussi des divergences de taille.

Des divergences entre États « latins », anglo-saxons et socialistes sur les priorités.

Les divergences sur les priorités concrètes à donner à l’action de l’Unesco portent surtout sur le fait de déterminer si elle doit être directe ou indirecte, et si elle doit s’exercer de préférence à destination des élites ou des masses. On observe de nettes divergences entre les francophones et les anglophones sur ces questions. Ce clivage est accentué par la difficulté qu’ont parfois ces deux groupes à communiquer entre eux[347].

Action directe ou indirecte ?
Lors des discussions à la commission préparatoire, les différents comités consacrés à la mise au point du programme avaient échoué à déterminer des critères d’action précis[348]. En 1946, Julian Huxley décide donc de mettre en place un « Bureau des Idées », rassemblant des intellectuels qu’il charge de réfléchir à la question. Mais ceux-ci n’aboutissent pas à des conclusions très nettes. La conférence générale de 1946 retient comme principal critère pour le choix des programmes leur contribution à la paix, à la sécurité, à la compréhension internationale[349]. En 1947, Jean Thomas[350] élabore une répartition des projets de l’Unesco en deux catégories : les projets de classe B oeuvrent directement à la paix et à la compréhension internationale, et doivent donc être considérés comme prioritaires, par opposition aux projets de classe A, qui y œuvrent seulement indirectement[351]. Parallèlement, John Maud propose une répartition différente des projets : d’une part ceux qui visent à rapprocher les personnes, et d’autre part ceux qui visent à rapprocher les idées, ceux-ci devant être prioritaires sur ceux-là[352]. L’assistant directeur-général, Walter Laves, présente une répartition encore différente des projets, en quatre catégories : ceux visant à la compréhension internationale ; ceux visant à l’égalité d’accès à l’éducation, la science et la culture ; ceux visant à la libre circulation des idées et des connaissances ; ceux visant au développement des échanges culturels. Enfin, Huxley, lui, établit la distinction entre les projets apportant une contribution immédiate à la paix, et ceux dont la contribution à la paix s’inscrit dans le long terme[353]. Aucun de ces différents schémas ne s’avérant pleinement satisfaisant, un comité restreint est alors chargé de rédiger un nouveau classement des activités et une nouvelle formulation des critères de priorité, pour la sixième fois en un an. Mais ce comité ne parvient pas à dissiper les incertitudes[354].
Cette opposition entre action directe et action indirecte prend la forme d’une opposition est-ouest. Les États-Unis prônent une stricte limitation des actions de l’Unesco vers des tâches indirectes de coordination (moins coûteuses à mettre en oeuvre que des actions directes) ; pour eux, l’action de l’Unesco doit se limiter au rôle de catalyseur. À la fin de l’année 1947, ils s’estiment satisfaits de leurs efforts en ce sens, observant une nette évolution du programme vers une prédominance des activités indirectes, entre 1946 et 1947[355]. Conformément à cette conception, ils préconisent que l’Unesco accorde un rôle très important aux commissions nationales, conçues comme « des agences de première importance dans la réalisation du programme de l’Unesco »[356]. En revanche, les États socialistes préconisent l’action directe. À la conférence générale de 1947, les délégués des pays socialistes prennent le contre-pied des conceptions américaines, poussant l’Unesco à développer l’action directe[357]. Leurs efforts ne sont cependant pas couronnés de succès, et c’est la tendance à l’action indirecte qui l’emporte[358].
Le clivage ne recoupe cependant pas entièrement l’opposition « clan latin/clan anglo saxon » ; ainsi Huxley était avide de mener des actions concrètes débordant du cadre de l’Unesco, alors que les Etats-Unis s’y opposaient et voulaient une réduction drastique des projets concrets[359].

Action intellectuelle ou auprès des masses ?
Un autre dilemme important est celui de déterminer si l’action de l’Unesco doit viser avant tout les élites ou bien les masses. Un accord avait semblé se faire lors de la genèse de l’Unesco, avec le rejet du caractère exclusivement intellectuel qu’avait eu l’IICI, et la volonté de toucher les masses. Cependant, dès le début du fonctionnement de l’Unesco, des divergences apparaissent. Elles peuvent être identifiées à un clivage géographique : l’opposition entre le « clan latin » (France, Italie, pays latino-américains et proche-orientaux[360]), et le « clan anglo-saxon » (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada), selon la terminologie utilisée dans les archives diplomatiques.
L’émergence de ces deux « clans » opposés par leurs conceptions est l’héritière de la configuration qui s’était déjà manifestée à l’époque de l’IICI[361]. Le clan anglo-saxon donne priorité à l’éducation et aux masses, alors que le clan latin défend la place de la culture, de la coopération intellectuelle, dans la lignée de l’IICI. Dans ces années, les conceptions du clan latin sont incarnées par le directeur général adjoint pour les affaires culturelles, Jean Thomas, celles du clan anglo-saxon par le directeur général adjoint pour l’administration, Walter Laves[362]. Les rapports personnels cordiaux entre ces deux hommes masquent une profonde divergence conceptuelle sur le sens de la mission de l’Unesco[363]. Quant à Julian Huxley, il ne peut être classé dans aucune de ces deux catégories, étant donné l’extrême originalité et l’indépendance de sa personnalité. Par son insistance sur l’intellect, il est proche du clan latin, et par sa conscience aiguë des besoins des masses il se rattache au clan anglo-saxon.
Les États du « clan latin » déploient des efforts persévérants pour orienter l’Unesco vers des actions intellectuelles[364]. Ainsi, sous l’impulsion de la France, un ensemble de manifestations intellectuelles est organisé en marge de la première conférence générale, sous le nom de « Mois de l’Unesco ». On perçoit aussi la prégnance de cette conception intellectuelle dans le fait que le ministre français des affaires étrangères, Robert Schuman, et la délégation française désignent l’Unesco comme « la nouvelle organisation intellectuelle mondiale »[365]. En outre, la presse française soutient vivement l’aspect artistique du programme de l’Unesco[366].
Cependant, dès la conférence générale de 1946, les ambitions de la France de donner à l’Unesco un caractère intellectuel sont déçues[367]. La commission nationale française déplore que la conférence « n’a[it] pas su ou pas voulu élever ses débats à la hauteur que l’on attendait d’elle »[368] ; Léon Blum, dans son discours de clôture, déplore l’absence de « débats profonds et vivants »[369]. Robert Schuman regrette que l’esprit « intellectuel » de l’IICI ait manqué à cette conférence, qui s’est caractérisée selon lui par une « pénurie de grandes discussions » et par l’absence de personnalités d’envergure. Il regrette que les orientations données au programme de l’Unesco à cette conférence soient d’inspiration plus américaine que française : « ‘L’information des masses’ porte une marque de fabrique américaine et elle n’est pas destinée à répandre les conceptions françaises en matière de philosophie, d’histoire ou de politique ». Il observe que l’Unesco veut « réaliser des projets très ambitieux qui exigeraient des hommes de premier plan dont elle ne dispose pas » et qu’elle n’a pas réussi à « bénéficier de l’appui total des milieux intellectuels et scientifiques » ; il en vient à craindre qu’elle ne parvienne pas à devenir « ‘l’Assemblée des savants et des peuples’ que la délégation française voulait réaliser »[370].
Cette conception de l’action de l’Unesco fondée sur l’aspect intellectuel, défendue par la France et les États du « clan latin », est également soutenue pendant ces premières années par les États socialistes présents à l’Unesco. Ainsi, à la conférence générale de 1947, le délégué polonais plaide pour le développement d’activités intellectuelles, et déplore que les programmes culturels et artistiques ne se soient vus attribuer que 2% du budget[371]. C’est en fait la conception des États anglo-saxons qui s’impose.
Les États anglo-saxons, en revanche, préconisent que l’action de l’Unesco vise le public le plus large possible, les masses, grâce à l’utilisation des mass media (films, radio, télévision, presse)[372]. Pour eux, l’IICI avait échoué en grande partie à cause de son audience trop restreinte, et l’Unesco devait tirer les leçons de cet échec.
Cette thèse, promue avec constance dès la gestation de l’Unesco par William Benton, qui préconise la concentration de l’Unesco sur les mass media[373], la mise en place par l’Unesco d’un réseau de radio international, intitulé « radio Unesco » ou « La Voix de l’Humanité »[374], est également défendue avec passion par la délégation américaine, dont le président, G.V. Allen, affirme : « L’Unesco est un mouvement de masses pour les masses et non un mouvement d’intellectuels »[375], ainsi que par la commission nationale américaine[376]. Elle obtient l’adhésion de la majorité des États anglo-saxons[377]. Au Royaume-Uni en particulier, une évolution se produit entre la genèse de l’Unesco et les premières années de son fonctionnement. Alors que de nombreux intellectuels britanniques avaient été très influents dans la gestation de l’Unesco, et qu’ils avaient défendu justement une conception intellectuelle de l’action de l’organisation, cette influence se réduit nettement dès 1946. Selon Elhem Chniti, cela s’expliquerait par l’attitude du gouvernement britannique, qui, considérant l’Unesco d’un point de vue essentiellement politique et ne tardant pas à aligner sa politique à l’Unesco sur celle des États-Unis, se serait efforcé de réduire au silence ces intellectuels britanniques qui avaient participé à la fin de la guerre aux réflexions sur l’Unesco[378]. Le Royaume-Uni se serait donc aligné sur les conceptions américaines[379].
En 1947, la commission nationale américaine critique la présence d’intellectuels parmi les délégués (comme McKeon, Radakrishnan, Maritain, Auger), qu’elle estime inefficaces, et se montre plus favorable à des hommes pragmatistes et administrateurs[380].
Sous le mandat de Huxley, les deux dilemmes principaux au sujet des orientations pratiques de l’action de l’Unesco (action directe/indirecte, action intellectuelle/pour les masses) ne sont donc pas résolus. Si l’Unesco semble alors s’orienter vers les positions défendues par les États-Unis, à savoir une action indirecte et visant principalement les masses, néanmoins la persistance de ce dilemme entraîne une dispersion des activités.

La dispersion des activités.
L’échec à définir des critères clairs pour le programme entraîne un foisonnement et une dispersion des projets. À la conférence générale de 1946, plus de 150 projets sont présentés. Cette prolifération désordonnée correspond à la conception de Huxley, qui, comme il l’expose quelques années plus tard, estime que « le programme de l’Unesco devrait consister principalement en une vaste série de projets, dont aucun ne serait d’une importance exceptionnelle pour la paix mondiale, mais dont la réunion formerait la nécessaire fondation pour un monde pacifique futur »[381]. Il se heurte en cela à la conception des Américains, qui prônent au contraire une concentration sur un petit nombre de projets nettement délimités et réalistes[382]. De nombreux États se joignent aux États Unis pour déplorer la dispersion, l’éparpillement, le caractère hétéroclite du programme (Brésil, Nouvelle Zélande, Pays-Bas, Inde, Australie, Pologne, France, Royaume-Uni[383]). L’année suivante, des progrès sont accomplis vers une plus grande clarification du programme, et ces progrès sont observés par la presse[384] ; cependant, les États membres déplorent toujours l’existence de projets « trop nombreux et insuffisamment étudiés »[385]. En 1948, la situation ne s’améliore pas ; aux yeux des États-Unis, « il y a encore trop de vague et de dispersion dans le programme », celui-ci apparaît comme « un chaos non planifié de projets fragmentaires, non reliés entre eux, non intégrés, et dont l’utilité ne se conçoit que par un considérable effort d’imagination » ; « aucun projet possédant un intérêt clair pour les peuples » n’émerge de la conférence[386] ; ce jugement est partagé par de nombreuses délégations, qui s’inquiètent pour l’avenir de l’Unesco[387].
L’absence de résultats concrets entraîne dès les premières années le découragement des délégués et du personnel. Par réaction par rapport aux défauts qui avaient affecté l’IICI, les fondateurs de l’Unesco avaient insisté sur l’importance d’obtenir des résultats concrets et rapides. Or il s’avère que dans les domaines d’action de l’Unesco, les résultats effectifs ne peuvent pas être rapides. En 1948, Huxley reconnaît : « Ne nous faisons pas d’illusions : l’Unesco ne peut réaliser de miracles. Son œuvre est une œuvre à longue échéance »[388]. Le chef du Bureau des Idées, le Britannique W.E. Williams, confirme cette opinion, estimant que les véritables résultats concrets ne doivent pas être attendus avant quinze ou vingt ans[389].

Ainsi, les divergences conceptuelles entre États latins, anglo-saxons et socialistes sur les priorités concrètes à donner à l’action entraînent un éparpillement et une dispersion des activités. En outre, les premières années de fonctionnement mettent en évidence des contradictions dans les conceptions.

Des contradictions dans les conceptions.

On observe d’une part des contradictions internes à l’Acte constitutif, et d’autre part des contradictions entre le discours et la pratique.

Des contradictions internes à l’Acte constitutif.
L’ambiguïté et le flou du texte de l’Acte constitutif se révèlent dès le début du fonctionnement de l’Unesco[390]. Huxley lui-même reconnaît que ce texte est l’expression d’« un espoir idéaliste plutôt qu’un guide pour l’action pratique »[391].
L’Acte constitutif présuppose qu’encourager le développement de l’éducation, de la science et de la culture contribue à la paix. Or, dès la création de l’Unesco, ce présupposé se révèle infondé. Ainsi, Léon Blum observe que « la guerre qui vient de s’achever (…) a montré comment l’éducation, la culture et la science elle-même pouvaient être retournées contre l’intérêt commun de l’humanité ». En effet, « l’éducation populaire, les institutions de haute culture, la recherche scientifique, n’étaient pas moins développées, n’étaient pas moins perfectionnées en Allemagne que dans les autres pays du monde ». Il conclut qu’il ne suffit pas de promouvoir l’éducation, la science et la culture pour œuvrer à la paix, mais qu’il est nécessaire de « les orienter franchement vers cette « idéologie » de démocratie et de progrès, qui est la condition psychologique […] de la solidarité internationale et de la paix »[392].
En outre, il apparaît rapidement que « paix » et « prospérité », les deux objectifs affirmés dans l’Acte constitutif, ne sont pas convergents. En effet, un peuple ignorant, soumis, et souffrant, est généralement enclin à demeurer docile et donc en « paix », alors que les aspirations à la « prospérité », au bonheur, se manifestent souvent par des révoltes, des révolutions, des affrontements, des conflits violents. Ainsi, paix et bonheur constituent des objectifs qui peuvent paraître antithétiques. Ce dilemme se pose concrètement au sujet du colonialisme : l’Unesco doit-elle soutenir le système colonial, facteur de soumission des peuples colonisés, donc de paix ? Ou le condamner, au nom du droit au bonheur de ces peuples asservis ? Dès 1948, le gouvernement britannique relève cette contradiction des buts affirmés de l’Unesco, entre paix et prospérité : « aucun œil honnête considérant l’histoire des siècles récents ne peut dire que les guerres prennent naissance parmi les populations arriérées et analphabètes. La pauvreté, le manque de vitalité et le fort taux de mortalité les ont dans l’ensemble rendues pacifiques »[393].
Ces contradictions internes à l’Acte constitutif, dont le personnel et les délégués prennent conscience dès lors que l’Unesco commence à fonctionner, constituent des entraves à l’efficacité de l’action de l’organisation.

Des contradictions entre le discours et la pratique.
D’autre part, un décalage apparaît rapidement entre les conceptions affichées officiellement et celles qui transparaissent dans la pratique. Par plusieurs aspects de son action, l’Unesco entre en contradiction avec le principe des droits de l’homme et celui de l’universalisme, et avec son caractère non-confessionnel.
Ainsi, malgré les principes des droits de l’homme proclamés dans l’Acte constitutif, l’Unesco accepte le système colonial pratiqué par plusieurs de ses États membres (France, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Portugal), le système de l’apartheid en vigueur en Afrique du sud, et la discrimination raciale appliquée aux États-Unis. De fait, la charte des Nations Unies ne condamne pas le colonialisme ni la discrimination raciale. Elle se contente de recommander que les puissances chargées de l’administration des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle reconnaissent « le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires » et s’engagent « à favoriser dans toute la mesure du possible leur prospérité, à développer leur capacité de s’administrer eux-mêmes »[394]. L’accord entre l’ONU et l’Unesco prévoit que l’Unesco doit apporter à l’ONU toute la collaboration possible concernant « les questions affectant le bien-être et le développement des peuples des territoires non autonomes », et collaborer avec les organes de l’ONU s’occupant de ces territoires[395]. Ainsi, l’Unesco se voit donc automatiquement amenée à cautionner le système colonial et à coopérer avec les instances coloniales[396].
Peu avant la création des centres régionaux de coopération scientifique, Carneiro, délégué du Brésil, met en garde Huxley contre le risque d’une attitude paternaliste et « coloniale », condescendante et certaine de la supériorité de la civilisation européenne, dans la mise en place de ces centres : il engage l’Unesco à être prudente dans son attitude, car les pays de l’Extrême Orient et du Proche Orient n’apprécieraient pas « d’être traités comme des colonies »[397].
L’Unesco s’efforce dans ces années de maintenir un équilibre acrobatique entre le principe des droits de l’homme et le respect du système colonial, équilibre qui se traduit par une attitude d’immobilisme à l’égard des revendications anticolonialistes. Ainsi, un projet de résolution préconisant une assistance aux « peuples non-souverains » pour le développement de leurs systèmes éducatifs et la sauvegarde de leurs cultures, proposé en novembre 1945 à la commission préparatoire, n’aboutit pas[398]. En revanche, la préoccupation pour les colonies s’illustre par la création en 1948 d’une « division des territoires non autonomes » ; cependant, cette division limite son action à encourager l’éducation des peuples colonisés. La même année, l’Unesco aide à la création de l’« Union internationale d’anthropologie et d’ethnologie », qui entend se consacrer à l’étude sociologique et ethnologique des peuples colonisés[399]. De même, en 1949, l’Unesco organise le « Mois des Colonies », qui vise à promouvoir l’art « primitif » des « indigènes » des colonies. À cette occasion, Huxley prône la création d’un « Conseil des arts aux colonies et pour les colonies », sur le modèle du Conseil des arts créé au Royaume-Uni[400]. Ainsi, la préoccupation de l’Unesco pour les colonies se confine aux domaines éducatif, culturel, et artistique. Malgré son engagement théorique au service des droits de l’homme, l’Unesco ne remet pas en question le bien-fondé du système colonial.
D’autre part, l’Unesco, malgré sa volonté affichée d’être représentative de l’ensemble des peuples du monde, possède en fait dans ses premières années un caractère très occidental, en contradiction avec son universalisme officiel. Bien qu’à la conférence constitutive, deux-tiers des États membres fondateurs soient des États non-occidentaux, ils ne parviennent pas à jouer un rôle significatif dans l’élaboration du socle conceptuel de l’Unesco. Ainsi, les efforts des délégations de Colombie, d’Egypte, du Mexique, de l’Inde, pour orienter l’action de l’Unesco dans le sens de l’égalisation entre pays développés et pays sous-développés restent sans succès[401]. L’Unesco conserve dans ces années un caractère occidental très marqué, proche de celui de l’IICI. L’emblème initial de l’Unesco en est révélateur : il s’agit d’une carte du monde vu du pôle nord, ceinte d’une couronne d’olivier et portant l’inscription « UNESCO » en haut et « Paris 1946 » en bas. Cette iconographie est clairement européenne : l’orientation du globe place l’Europe en position centrale, la couronne d’olivier est un symbole hérité de l’Antiquité gréco-romaine, et le mot « Paris » rappelle l’implantation du Siège de l’Organisation au cœur de l’Europe. De même, la médaille frappée en 1947 au nom de l’Unesco, œuvre d’un graveur français, est porteuse d’une symbolique iconographique européenne, à travers les représentations allégoriques de l’éducation, de la science et de la culture, et par la présence du rameau d’olivier[402].
Cet occidentalocentrisme se matérialise concrètement par la répartition des postes au Secrétariat par nationalités. À la fin de l’année 1947, ils sont détenus à 95% par des Occidentaux[403]. En 1947, dans une conférence de presse, Huxley reconnaît le problème posé par la prédominance écrasante de l’influence occidentale à l’Unesco et promet de s’efforcer de contrebalancer la tendance. À la conférence générale de 1947, Sarvepalli Radakrishnan, délégué de l’Inde, dénonce vivement la sur-représentation des Occidentaux au sein du personnel ; bien que ses injonctions reçoivent l’approbation de nombreux délégués et de la presse internationale[404], elles restent sans effet[405]. Les rares non-Occidentaux employés par l’Unesco sont des hommes appartenant à l’élite occidentalisée de leurs pays et ayant accompli un brillant cursus honorum universitaire en Occident. C’est le cas des deux Chinois employés au Secrétariat : Kuo Yu-shou, directeur de la section de l’éducation, a fait ses études à Londres, Zurich et Paris et est titulaire d’un doctorat es-lettres de la Sorbonne[406] ; Lin Yutang, chef de la division des arts et lettres, ayant fait ses études en Allemagne et à l’université de Harvard aux États-Unis, est un éminent intellectuel chinois, fondateur et rédacteur de trois revues littéraires chinoises, en outre inventeur de la machine à écrire chinoise[407]. Quant au chef de la délégation indienne, Sarvepalli Radakrishnan, ancien professeur à l’université d’Oxford et à l’université de Chicago, il est lui aussi très occidentalisé[408]. Enfin, si un Haïtien est recruté dans le personnel, cela correspondrait plutôt à la volonté de l’Unesco de se donner bonne conscience en faisant valoir qu’elle emploie un homme de couleur, ainsi que l’observe Huxley dans ses Mémoires[409]. Il en va de même dans les ONG créées et subventionnées par l’Unesco. Ainsi, la « Fédération internationale des communautés d’enfants » (FICE), créée par l’Unesco en 1948, est dirigée uniquement par des Européens[410]. Il en va semblablement des premières études et enquêtes réalisées par l’Unesco. Ainsi, l’examen de la liste des intellectuels ayant participé à l’ « enquête sur la liberté » montre que sur 14 nations représentées, 10 sont des nations européennes (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Suisse) ; sur les 59 représentants réunis, elles en fournissent à elles seules 44 ; et 12 sont des nations « occidentales développées » (les 10 sus-citées et le Canada et les Etats-Unis), ce qui fait 56 représentants des pays occidentaux développés sur 59. Les seules nations représentées ne faisant pas partie des pays occidentaux développés sont Cuba et Porto Rico.
On observe donc un fort déséquilibre dans la répartition des délégués, puisqu’il n’y a aucun délégué d’Afrique ou des pays arabes, aucun délégué d’Asie, et seulement trois délégués pour l’Amérique latine [411].
Il faut évoquer également l’aspect religieux. Officiellement, l’Unesco est une organisation non-confessionnelle. Or, dès le début, deux tendances s’opposent. Pour l’une, l’Unesco ne doit pas accorder de place à la religion dans ses programmes. Ainsi, selon Huxley, les religions sont des facteurs d’obscurantisme, et à ce titre, l’Unesco a pour tâche de les déraciner de l’esprit des hommes. Pour remplacer les religions existantes, jugées néfastes, Huxley avait même prôné la création d’une nouvelle religion, artificielle, une « religion du progrès », dans l’esprit positiviste d’Auguste Comte[412]. Jean Larnaud évoque les relations initialement tendues entre les catholiques et l’Unesco dans les premières années, étant donné l’opposition de Huxley à inclure les préoccupations religieuses dans les domaines d’action de l’organisation[413]. Cependant, cette tendance anticléricale ne s’est pas imposée, et, très tôt, l’organisation a amorcé un rapprochement avec les religions, en particulier les religions chrétiennes, qui se montrent immédiatement intéressées par l’Unesco.
Ce rapprochement se fait par différents vecteurs. Il est tout d’abord l’œuvre d’individus, laïcs ou ecclésiastiques, tel le père jésuite Teilhard de Chardin, qui séduit Huxley par ses idées évolutionnistes et se lie d’amitié avec lui[414]. D’autre part, ce rapprochement s’opère par l’établissement de relations diplomatiques officieuses entre le Saint-Siège et l’Unesco. Cela aboutit à la création en 1947 du « Centre catholique international de coordination avec l’Unesco », CCIC. Cette institution, installée à Paris et financée initialement par le Saint-Siège, a pour but de servir de trait d’union entre les catholiques (missionnaires, organisations, laïcs) et l’Unesco[415]. Jean Larnaud, premier directeur du CCIC, témoigne du rapide assouplissement des relations entre l’Unesco et les catholiques entraîné par la mise en place du CCIC. Ainsi, dès 1948, Huxley lui-même rend visite au CCIC et développe des relations cordiales avec son directeur. L’attitude favorable des États membres envers l’intégration de la religion dans les préoccupations de l’Unesco a joué un rôle important dans cette évolution[416].
L’hésitation de l’Unesco sur l’attitude à adopter à l’égard de la religion a posé des problèmes concrets dans le cadre de certains projets. Ainsi, en entreprenant le « projet pilote d’éducation de base de la vallée de Marbial », en Haïti, en 1947, l’Unesco se donne pour tâche entre autres de lutter contre les « superstititions » par l’instruction de la population, et en cela de poursuivre l’action de la « campagne antisuperstitieuse » menée par le gouvernement haïtien à la fin des années 1930 et au début des années 1940. Cependant, sous l’influence des centres d’intérêt de l’ethnologue Alfred Métraux, l’esprit du projet ne tarde pas à s’infléchir : pour Alfred Métraux, les croyances et les cultes vaudous, loin de constituer une superstition obscurantiste qu’il incomberait à l’Unesco d’éradiquer, constituent des éléments précieux d’un patrimoine culturel en train de disparaître sous l’effet combiné de la campagne antisuperstitieuse et de la prédication des missionnaires catholiques et protestants ; Alfred Métraux se livre donc à une collecte ethnographique de ces rites et croyances et s’efforce d’encourager leur survivance. L’attitude de l’Unesco par rapport à la religion dans le cadre de ce projet est donc révélatrice d’une hésitation entre deux conceptions : une conception progressiste et scientiste, qui considère que les croyances sont néfastes, et une conception ethnologique qui les considère comme un élément du patrimoine culturel, à recueillir et à préserver. Cette seconde conception se révèle ambiguë, car ces ethnologues n’ont souvent pas le même respect pour les religions de la civilisation à laquelle ils appartiennent que pour ces religions minoritaires et « exotiques » ; résultant de préoccupations intellectuelles, cette conception ne prend pas en compte l’intérêt des populations concernées, négligeant la passivité, l’asservissement, l’obscurité, dans lesquels le respect de ces croyances les maintient. Ainsi, les premières actions de l’Unesco font apparaître des contradictions avec ses conceptions affichées.
Au terme des deux premières années d’existence de l’Unesco, les conceptions qui lui avaient été attribuées par ses fondateurs ont été enrichies par de nouvelles composantes redevables notamment aux idées de Huxley. Cependant, ces années ont aussi été celles des premières déceptions et de l’abandon de certaines idées qui avaient été développées au cours de sa genèse : ainsi, le projet de création d’une « culture mondiale unique » est abandonné, faute d’accord sur ses principes directeurs (matérialistes ou spiritualistes), et faute du soutien de l’ONU et des États-Unis. Ces années ont également révélé les difficultés de l’Unesco à définir des orientations pratiques : les dilemmes entre orientation intellectuelle et orientation vers les masses, entre action directe et action indirecte, persistent, bien que la conception américaine, prônant une action indirecte et à destination des masses se soit affirmée prédominante. Ces années ont enfin mis en évidence la difficulté à obtenir des résultats concrets, difficulté liée à la grande dispersion des activités. À la fin du mandat de Huxley, le personnel et les délégués commencent à exprimer des critiques et des jugements désabusés[417]. Ainsi, en 1948, au conseil économique et social, l’Unesco est, de toutes les agences spécialisées, celle qui, par ses problèmes, retient le plus l’attention des délégués, et est l’objet des critiques les plus vives[418]. Beaucoup critiquée, la période de Huxley a néanmoins été l’une des périodes de l’Unesco les plus riches en développements conceptuels[419].

1.3. Torres Bodet (1949-1952) : idéalisme et déception.

1.3.1. Jaime Torres Bodet, un humaniste et un idéaliste.

Intellectuel, éducateur, homme politique : un profil apparemment parfait pour diriger l’Unesco.

Le Mexicain Jaime Torres Bodet est élu directeur général de l’Unesco en décembre 1948. À la fois éducateur, homme de lettres, homme politique et diplomate, il allie en lui des qualités qui en font apparemment l’homme parfait pour ce poste. Dans les années 1920, il a en effet été instituteur, bibliothécaire, organisateur de bibliothèques populaires, puis directeur de la bibliothèque du ministère des affaires étrangères du Mexique ; il a été lié aux cercles d’écrivains d’avant-garde de son pays ; dans les années 1930 il a travaillé dans les services diplomatiques en Europe. Sous-secrétaire des affaires étrangères en 1939, ministre de l’éducation publique à partir de 1943, il réorganise la campagne nationale d’alphabétisation du Mexique : il fait construire de nombreuses écoles et bibliothèques, et lance l’obligation morale pour chaque personne alphabétisée de transmettre son savoir à un analphabète[420]. En quelques années, grâce à cette campagne, 1,2 millions de Mexicains ont appris à lire[421]. Au lendemain de la guerre, il bénéficie ainsi d’une immense popularité en Amérique latine pour le succès de cette campagne d’alphabétisation. Par la palette multiple de ses talents et de ses activités, il impose alors un grand respect dans la communauté internationale[422]. Dès la conférence constitutive de l’Unesco en novembre 1945, il est le président de la délégation mexicaine. Devenu directeur général, il affirme qu’à ce poste « il ne p[eut] exister de démarcation absolue entre les devoirs de l’éducateur et les obligations du diplomate » [423].
La suite de sa vie après son activité à l’Unesco a continué à être emblématique de son double caractère d’intellectuel et d’homme d’action : il devient ambassadeur du Mexique à Paris de 1955 à 1958, puis redevient ministre de l’éducation publique du Mexique, de 1958 à 1964 ; à ce titre, il organise un plan de onze ans pour l’éducation primaire. Tout en menant ces activités, il poursuit également son œuvre poétique[424].

Un état d’esprit marqué par une authentique ferveur.

Torres Bodet infuse à l’Unesco son état d’esprit, marqué à la fois par un grand pessimisme, un véritable accablement moral causé par les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, et, en contrepoint, par un immense espoir, une véritable ferveur, mis en l’Unesco.

Un grand pessimisme sur la situation du monde.
Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale est omniprésent chez lui[425], bien qu’en tant que Mexicain il n’ait pas été directement mêlé à ces événements. Ses discours traduisent une vision pessimiste et désabusée du temps présent[426]. Il revient inlassablement sur l’« horrible conflagration »[427] , le « raz de marée », le « cataclysme collectif », l’ « ouragan destructeur »[428] ; il évoque « un monde inquiet, déchiré, encore saignant des blessures de la plus dramatique épreuve »[429]. Il déplore « les dangers de l’heure présente » et « l’angoisse des hommes » d’aujourd’hui[430]. Il déclare : « Nous vivons à une époque de troubles, et d’effroyables périls nous entourent de toutes parts »[431], il évoque avec pessimisme « les dangers » [432], la « confusion du monde »[433], les « grandes difficultés de notre époque »[434], les « terribles […] problèmes du temps présent »[435], et s’interroge avec désillusion : « Quelle raison avons-nous de croire en des jours meilleurs ? »[436]. En 1948 il déclare : « ne considérons pas l’avenir avec pessimisme »[437]. Mais cette tournure négative elle-même est, involontairement, révélatrice de son pessimisme. Sa vision pessimiste de l’époque en cours est liée à l’idée traditionaliste d’une crise morale, d’une « subversion […] complète des valeurs »[438], crise due selon lui à la généralisation rapide des techniques, qui déshumaniseraient l’existence, et à un « manque de foi dans les capacités créatrices de l’homme »[439]. Il déplore : « Le monde où nous vivons est plein de difficultés inextricables. Il grandit plus vite qu’il ne s’organise. Il se complique plus vite qu’il ne s’ordonne »[440].
Cette idée de crise du monde n’est pas spécifique à Torres Bodet mais est partagée par plusieurs hommes liés à l’Unesco dans ces années. Ainsi, Laves, en 1951, souligne dans un article « la gravité de la crise du monde »[441].
Chez Torres Bodet, la vision sombre du monde est liée non seulement au traumatisme de la seconde guerre mondiale et des changements technologiques, mais aussi à la conscience de la misère des habitants d’une grande partie de la planète ; ainsi, en 1949, il déplore dans un discours : « Voici ces millions d’hommes et de femmes pour qui il n’y a pas de justice, pas de tolérance, pas d’égalité. Voici sur tous les continents, ces millions qui végètent en ce moment, dans la peur, dans la misère, dans l’ignorance, (…) ces masses qui n’ont jamais entendu parler de droits »[442].
Cette vision pessimiste du temps présent est cependant contrebalancée par un immense espoir mis en l’Unesco.

Un immense espoir mis en l’Unesco.
Torres Bodet affirme son « grand espoir »[443], son entière « confiance » en l’Unesco pour « élimin[er] les mines sournoises de l’ignorance et de la rancune » posées dans l’esprit des peuples par la guerre »[444]. La « tension » qui affecte le monde ne fait que « renforcer » cette confiance, car elle lui permet de « voir plus clairement que jamais tout ce que l’Unesco signifie pour la cause de la civilisation ». Pour lui, « l’Unesco contribue de facon très directe à empêcher les défenses spirituelles de la paix de s’écrouler complètement »[445].
La confiance de Torres Bodet en l’Unesco prend le caractère d’une « foi », semblable à un sentiment religieux. Bien qu’il se dise agnostique et libre penseur[446], il est en fait très marqué par le catholicisme, et a d’ailleurs écrit des ouvrages sur la vie des saints[447]. Le terme de « foi » est d’ailleurs celui qu’il emploie lui-même pour qualifier sa confiance en l’Unesco. Peu avant la guerre, il avait d’ailleurs composé un recueil de poèmes qu’il avait intitulé Foi[448]. Il est significatif d’observer que ses discours de directeur général sont empreints d’une rhétorique religieuse. L’emploi du terme de « commandements »[449], à la connotation biblique, pour désigner les articles de l’Acte constitutif, est révélateur. De même, il emploie le terme « orthodoxe », autre terme du registre religieux, pour qualifier son interprétation rigoureuse de l’Acte constitutif[450]. Ainsi, pour lui, l’Unesco est semblable à une religion avec des dogmes, des commandements, à respecter. D’autre part, sa foi en l’Unesco s’accompagne, comme dans la religion catholique, de l’idée de péché et de rédemption : il affirme que « dans leur désarroi, c’est surtout d’une foi que les peuples ont besoin aujourd’hui », et seule l’Unesco lui apparaît à même de fournir « la foi qui rachètera le monde »[451]. Il opère également un rapprochement entre « les leçons de l’Unesco » et « celles de la charité »[452]. L’Unesco est pour lui porteuse d’un « devoir sacré »[453]. Dans l’un de ses discours, il imagine une parabole pour exhorter solennellement les membres du Secrétariat à tout sacrifier héroïquement à « l’esprit de l’Organisation »[454]. Animé de cette foi, il exalte la mission de l’Unesco, affirmant qu’« il n’en est pas de plus urgente ni de plus digne d’associer nos cœurs »[455]. Il exprime la certitude que cette mission recueillera sous peu l’adhésion de l’ensemble de l’humanité et que l’Unesco est vouée à devenir « une organisation énergique et puissante »[456] : « ils sont légion, ceux qui rêvent de vivre dans une communauté mondiale, libre et pacifique »[457] ; « des millions d’hommes et de femmes partagent cette foi »[458]. Il appelle les hommes à une « vraie piété humaine » inspirée par l’Unesco[459]. Par mimétisme, les articles du Courrier de l’Unesco tendent à cette époque à adopter ce style et ces termes, parlant de « foi » et de « missionnaires » des Nations Unies[460].
Cette foi de Torrres Bodet se traduit par une volonté de dévouement total de sa part à l’Unesco, lorsqu’il accède au poste de directeur général. Dans son premier discours, en décembre 1948, il affirme son intention de se dévouer corps et âme à la cause de l’Unesco, qui est selon lui « la cause la plus noble et la plus urgente du genre humain : affermir la paix dans la vérité, sur la vérité, par la vérité ». « J’ai toujours eu la foi la plus complète en l’Unesco », affirme-t-il. « L’Unesco et la vérité et la paix représentent au fond une seule et même entreprise. » « Je crois en l’avenir de l’Unesco parce que je crois en l’avenir de l’Homme »[461]. Quelques mois plus tard, il répète cette certitude : « j’ai toujours eu foi dans l’avenir de l’Unesco et ma foi n’a fait que croître depuis que je suis à mon poste de directeur général de l’Organisation »[462]. En avril 1949, il prononce un discours intitulé : « L’Unesco, un acte de foi ». Il y affirme :
« A mes yeux, l’Unesco n’est pas seulement une institution, c’est un acte de foi. Si je n’étais pas animé de cette foi profonde, je n’aurais pas abandonné mon pays, la réalité que représente mon pays, pour me consacrer à une fiction internationale. Non, si je n’avais pas cette foi, je ne serais pas ici (…). Mais je crois en l’Unesco et c’est pourquoi je suis à l’Unesco »[463].
Au fil du temps, et paradoxalement, au fur et à mesure que les difficultés s’accumulent devant l’action de l’Unesco, le terme de « foi » devient de plus en plus présent dans ses discours. Dans un discours de janvier 1952, il insiste : « J’ai cru en l’Unesco dès l’origine. Je crois en l’Unesco aujourd’hui plus que jamais »[464]. Dans un autre discours un mois plus tard, il répète neuf fois le mot « foi », et affirme : « j’ai quant à moi la foi profonde que nous saurons édifier une communauté mondiale pacifique et plus belle. C’est pour faire peu à peu de cette foi une réalité que vit et travaille l’Unesco »[465]. Dans son discours de démission, en novembre 1952, il incite encore son auditoire à conserver de la « ferveur » pour l’idéal de l’Unesco[466].
Cette rhétorique religieuse a d’ailleurs des résonances dans les articles de presse favorables à l’Unesco, qui par mimétisme empruntent un langage similaire. Ainsi, en décembre 1948, Le Journal d’Egypte, évoquant l’animation que procure à la ville de Beyrouth l’installation des bâtiments construits à l’occasion de la conférence générale, écrit : « Tous les jours, des milliers de personnes se rendent en pélerinage à la Cité de l’Unesco »[467].
Les discours de Torres Bodet sont également caractérisés par une rhétorique militaire. L’Unesco est pour lui une « armée »[468], une « citadelle »[469], constituée de « légions entières de volontaires de la paix par la culture »[470]. L’imaginaire de la religion et celui de l’armée se rejoignent dans son esprit, pour donner lieu à celui de la « croisade ». « Vous me demanderez peut-être si c’est une croisade que je vous propose. Eh bien oui ! c’est exactement cela : une grande croisade ! »[471]. Mais il s’agit d’une armée pacifique, constituée de soldats « sans uniforme »[472]. Il appelle à la constitution d’une « armée de volontaires anonymes », organisée selon « une stratégie de fraternité », qui mènerait un « combat pacifique », même s’il reconnaît que dans ce combat, « elle est loin de pouvoir tenir tous les postes, de pouvoir occuper toutes les tranchées »[473]. John Bowers, à la même époque, emploie lui aussi une rhétorique militaire : ancien militaire, décrivant à une agence de presse londonienne un projet de l’Unesco, il utilise tout naturellement des métaphores guerrières[474].
Les discours de Torres Bodet sont donc empreints d’une grande ferveur, qui transparaît à travers les rapprochements avec le registre religieux et le registre militaire. Il transmet par là au personnel et aux délégués son grand espoir en l’Unesco.

La transmission de cet espoir au personnel et aux délégués.
Si le premier directeur général, Huxley, avait, par l’audace et l’extrémisme de sa pensée, heurté dès le départ bon nombre de susceptibilités, en revanche Torres Bodet suscite au début de son mandat l’adhésion et la confiance à la fois du Secrétariat, des délégués des États membres, et de la presse internationale[475]. Le formidable élan d’enthousiasme et de confiance qu’il éprouve alors pour l’Unesco se répercute dans l’esprit du personnel et des délégués. Son arrivée à la tête de l’Unesco coïncide avec un nouveau souffle, un regain d’optimisme et d’ardeur idéaliste[476]. Ce regain n’échappe pas aux États membres. Ainsi, en 1949, Louis François observe :
« la situation [de l’Unesco] s’est heureusement améliorée, sans aucun doute sous l’énergique impulsion du nouveau directeur général, M Torres Bodet (…). Grâce à lui l’Organisation a repris foi dans sa destinée et s’est mise au travail, et l’éclat de son rayonnement va croissant » [477].
Sous l’impulsion de Torres Bodet, le personnel et les délégués, conçus comme « les serviteurs de la liberté de l’esprit »[478], se montrent très enthousiastes à l’égard de la mission de l’Unesco. Ainsi, en 1952, Howland Sargeant, chef de la délégation américaine, déclare : « j’ai une foi constante en le fait que l’Unesco pourra faire et fera des contributions croissantes à la solution des grands problèmes qu’affronte le monde aujourd’hui »[479]. L’Américain Leo Fernig, entré à l’Unesco en 1948, témoigne que pour lui l’Unesco « c’était un nouveau monde, ou plutôt une ouverture au monde » ; il est entré à l’Unesco par idéalisme, après avoir été « frappé » par la lecture de l’ouvrage Education de base, fonds commun de l’humanité, et impressionné par la personnalité de Torres Bodet[480]. De même, Sandy Koffler, rédacteur en chef du Courrier de l’Unesco, galvanisé par Torres Bodet, met toutes ses qualités et son énergie au service de la mission de l’Unesco, au détriment de la progression de sa carrière[481]. Roger Bordage témoigne qu’à la perspective d’entrer dans l’Unesco de Torres Bodet il « senti[t] une joie immense à l’idée de faire partie d’une grande œuvre »[482]. Peter Lengyel témoigne de la présence de fonctionnaires « enthousiastes », remplis du « sentiment d’avoir un rôle central, de participer à des actions importantes », et formant « une confrérie fascinée par sa tâche » et « intensément socialisée »[483]. La fille d’Alva Myrdal témoigne que celle-ci, en entrant à l’Unesco en 1950, comme chef du département des sciences sociales, y a vu « une occasion fantastique » de mettre en pratique son idéal pacifiste et qu’elle était très enthousiasmée[484]. Alva Myrdal est la femme de Gunnar Myrdal, qui en 1953 est Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe[485]. Elle a ensuite obtenu en 1982 le prix Nobel de la Paix. En 1950, Henri Laugier, à l’ouverture de la conférence générale, affirme que « l’Unesco a devant elle un programme d’action quasi-illimité »[486]. L’Unesco recrute dans ces années-là de nombreux idéalistes, issus des réseaux d’anciens résistants, du parti communiste[487], des réseaux des communautés d’enfants[488], du mouvement des citoyens du monde[489]. Alfred Métraux est animé du même idéalisme que Torres Bodet. Selon André-Marcel d’Ans, Métraux accomplit son travail comme « un véritable apostolat, contre toutes les injustices, contre toutes les discriminations raciales ; extrêmement sensible, il souffrait dans sa chair de toutes les souffrances infligées à nos frères, comme si c’étaient les siennes, il luttait avec eux, il préparait les lendemains meilleurs »[490]. Bowers est également très enthousiaste à l’égard de son travail à l’Unesco[491]. Selon Lengyel, un des grands mérites d’Alfred Metraux est d’avoir réussi à faire participer des personnes de renom à l’action de l’Unesco, comme Claude Lévi-Strauss, Margaret Mead, Michel Leiris, Georges Balandier[492].
Un des apports essentiels de Torres Bodet consiste donc dans le vif et sincère enthousiasme qu’il éprouve pour l’Unesco et qu’il transmet à la fois au personnel et aux représentants des États membres. Il apporte aussi une orientation conceptuelle différente de celle de son prédécesseur Huxley.

Des efforts pour imprimer ses conceptions à l’Unesco.

Des efforts sans succès pour restaurer l’idéal de culture mondiale unique.
Alors que Jacques Maritain avait, à la conférence générale de 1947, exhorté l’Unesco à abandonner la recherche d’une philosophie pour se consacrer à l’action pratique, et que son discours avait emporté l’adhésion des délégués, Torres Bodet, en accédant à la tête de l’Unesco un an plus tard, remet d’actualité ce projet de création d’une philosophie de l’Unesco, d’une « culture mondiale unique ».
Il estime que l’Unesco doit unifier les cultures selon des principes humanistes et positivistes : l’Unesco doit créer « une civilisation mondiale contre la menace d’une nouvelle période d’obscurantisme » ; des divers organismes internationaux, « l’Unesco est le seul qui prétende atteindre directement l’homme » ; en tant que « conscience vigilante et active » de l’ONU, elle doit développer « un programme de vie » commun à tous les hommes[493], afin de permettre la poursuite du « progrès moral » de l’humanité[494], jusqu’à l’avènement d’une communauté culturelle mondiale, « nécessité historique » selon Torres Bodet[495].
Grâce à son enthousiasme, il parvient dans un premier temps à rallier à cette idée le personnel et les délégués. Ainsi, le directeur général adjoint, l’Américain Walter Laves, s’affirme désormais convaincu que la tâche de l’Unesco est de « développer parmi les peuples un sens de loyauté envers la communauté mondiale », et de « construire une communauté mondiale », seul moyen de fournir « une assurance adéquate contre le recours à la guerre »[496].
Peu à peu cependant, au fil du mandat de Torres Bodet, des nuances croissantes sont apportées à cette idée[497]. Les critiques de l’opinion, notamment de l’opinion américaine, ainsi que de plusieurs gouvernements[498], se faisant de plus en plus vives contre cette idée de « culture mondiale unique », il se voit contraint d’adopter une position défensive et de plus en plus nuancée. Par conséquent, dès décembre 1948, il s’emploie à réfuter l’accusation selon laquelle l’Unesco viserait à « devenir un organisme de propagande au service d’une opinion unique ». Il précise au contraire qu’elle est ouverte à tous les peuples et à toutes les tendances : « Chinois et Péruviens, Arabes et Français, Australiens et Turcs, Tchèques et Polonais, Anglo-saxons de Grande-Bretagne et Anglo-Saxons des Etats-Unis, Nègres [sic] du Libéria ou Indiens du Mexique, de la Bolivie ou de l’Equateur, tous ont ici une voix distincte et originale »[499]. En 1949, il précise qu’elle vise non pas à « l’uniformité », mais à « l’harmonie » : « Harmonie ne veut pas dire unformité. Loin de moi le désir de préconiser un univers monotone formé d’individus et de peuples aussi interchangeables que les pièces d’une machine fabriquées à la chaîne. Ce qui caractérise la vie, c’est la diversité ». Il précise que la « civilisation mondiale » que vise l’Unesco doit reposer sur la diversité culturelle[500], et sur « le respect des cultures nationales »[501]. Il s’efforce d’expliquer que cet idéal a été mal compris par l’opinion, et qu’il consiste « non pas à détruire les cultures pour unifier la civilisation, mais à développer, à approfondir la culture de chaque communauté, jusqu’au point où toutes les cultures coïncident »[502]. S’adressant à l’opinion des États membres, il assure qu’il ne s’agit en aucun cas pour l’Unesco d’opérer « une simplification arbitraire des cultures historiques »[503]. « La participation à la civilisation mondiale ne doit jamais impliquer la renonciation à sa propre culture nationale. […] nous ne devons pas encourager le mélange des cultures en une culture mondiale unique de synthèse »[504].
Au fil de son mandat, Torres Bodet se place de plus en plus sur la défensive à propos de l’idée de culture mondiale unique, au fur et à mesure que les critiques se font plus virulentes[505]. En 1952, il assure que l’action qu’envisage l’Unesco « n’a rien de subversif », et souligne l’ « honnêteté et la probité intellectuelles » de l’organisation[506].
« Il convient d’écarter une accusation qui a parfois été formulée contre elle et qui n’est aucunement justifiée dans les faits. L’Unesco se défend d’agir selon une philosophie d’uniformité. Elle n’est l’expresion d’aucun système particulier de foi, de pensée ou de civilisation »[507]. « L’Unesco ne s’érige point en tribunal des divers systèmes religieux, métaphysiques ou politiques. Elle rejette la prétention de juge, qui tranche dogmatiquement de toutes les connaissances et croyances humaines. »[508]
« Certains redoutent que l’Unesco veuille inventer, dans le mystère de ses bureaux, et imposer par les voix de la propagande, quelque culture à prétention universelle qui menacerait dans leur intégrité et leurs forces originales, les traditions propres à chaque peuple. Un examen sérieux de notre programme est de nature, vous le savez, à dissiper ces appréhensions […]. Nous n’avons d’autre souci que de faciliter à chacun l’accès aux richesses de la culture, de favoriser les échanges à travers les frontières et de permettre ainsi de se manifester, à l’échelle universelle, le jeu fécond des rapports et des influences mutuels dont toutes les grandes époques de culture ont offert l’exemple. »[509]
« L’Unesco lutte simultanément pour le bien de toutes les cultures, en favorisant leur confrontation, leur contact, leur libre concurrence. Elle est persuadée que toutes s’enrichiront et s’en trouveront fécondées. »[510]
Ainsi, en apportant des nuances à l’idéal universaliste de culture mondiale unique, Torres Bodet introduit dans la doctrine de l’Unesco des éléments multiculturalistes. Il s’agit non plus de créer une nouvelle culture, mais de faciliter les échanges culturels tout en préservant les cultures spécifiques. Cette nouvelle orientation se traduit dans le discours officiel de l’Unesco :
« Chaque société a une conception propre des valeurs qui définissent l’homme et s’efforce de s’y conformer suivant un style en quelque sorte personnel. […] Tout effort pour organiser effectivement la solidarité spirituelle de l’humanité qui ne tiendrait pas compte du fait culturel et de la diversité qu’il atteste […] manquerait totalement de réalisme. […] La solidarité humaine n’est pas l’uniformité des consciences, mais leur compréhension réciproque et leur tolérance mutuelle. »[511]
Les efforts déployés par Torres Bodet, pendant son mandat, pour restaurer l’idéal de culture mondiale unique se révèlent donc infructueux ; les résistances auxquelles cet idéal se heurte l’amènent à en nuancer de plus en plus l’expression. Torres Bodet s’emploie d’autre part à opérer une clarification des priorités de l’Unesco.

Une volonté de rationaliser le programme et de le concentrer sur l’action pratique.
Par réaction contre les défauts qui avaient marqué les conceptions et les actions de l’Unesco sous Huxley, et qui lui avaient conféré la réputation d’être une organisation aux objectifs flous, utopiques, irréalistes, une « assemblée de rêveurs et d’utopistes »[512], Torres Bodet s’emploie à imprimer à ces conceptions un caractère réaliste et pratique[513]. Affirmant que « l’Unesco n’est point une philosophie, elle est une organisation », il estime qu’à ce titre c’est « sur le terrain pratique » qu’elle doit agir[514]. Il s’efforce de l’orienter de plus en plus vers l’action concrète, de mener une « bataille de l’efficacité »[515]. Face aux critiques de l’opinion, il proteste que l’Unesco n’est pas « une simple abstraction, une tribune à discours »[516] , « une vague aspiration pacifiste, intellectuelle ou sentimentale »[517], « une tribune internationale pour joutes oratoires »[518], un « anesthésique » qui « tend des rideaux de fumée devant les dangers de l’heure présente »[519] ; elle ne doit pas pécher par « excès d’ambition intellectuelle »[520], son action ne doit pas se borner à être « purement symbolique ». « Je me refuse à ce qu’elle soit considérée comme un répertoire de symboles et un laboratoire d’illusions », proteste-t-il. « Non, nous ne fabriquons pas des leurres ; […] notre action ne s’exerce pas dans l’abstrait »[521].
Torres Bodet s’efforce également de lutter contre la tendance à l’éparpillement du programme qui avait caractérisé la période de Huxley, en favorisant la mise au point d’un programme concentré et rationnel[522]. En 1949, il fixe comme principal critère pour l’adoption d’un projet la question : « produira-t-il rapidement des résultats concrets ? »[523]. Il est soutenu vivement en ce sens par Walter Laves, qui préconise des critères encore plus stricts, afin d’éliminer les projets superflus : « S’agit-il d’activités qu’aucune autre organisation ne puisse entreprendre ? ; s’agit-il d’activités si essentielles que si l’Unesco ne les menait pas cela réduirait les chances de l’organisation d’atteindre ses objectifs ? »[524] Torres Bodet estime alors que l’Unesco « est en train de sortir de sa première phase », phase « exploratrice », « expérimentale », dont « la diversité a constitué la marque dominante ». Selon lui, après cette période de tâtonnements marquée par la dispersion des activités, l’Unesco a désormais établi « une vision claire de ses fins et de ses moyens », et entre dans « une nouvelle phase résolument constructive », marquée par « la concentration » des activités[525]. La suppression du « Bureau des Idées »[526], ainsi que la décision adoptée à la conférence générale de 1950 de concentrer l’action sur dix projets principaux[527], sont emblématiques de l’achèvement de cette période d’explorations en tous sens. Huxley lui-même, en 1950, approuve ce passage à une « seconde phase » caractérisée par une « stabilisation » du programme[528]. Il estime, comme les États-Unis, que les commissions nationales ont un grand rôle à jouer en contribuant à l’élaboration d’un programme clair et à son application rationnelle[529].
Ces efforts de concentration tardent cependant à se concrétiser sur le plan pratique. Estimant qu’ils ne sont pas assez radicaux ni efficaces, Laves démissionne en juin 1950[530]. En 1952, le conseil exécutif s’efforce de mettre en place un programme « plus logique et cohérent que tous les programmes précédents », établissant un ordre encore plus clair des priorités, découpant les activités en quatre catégories : A1 pour les plus urgentes et indispensables, B1 pour les plus urgentes mais moins indispensables, A2 pour les plus indispensables mais moins urgentes, B2 pour les activités moins indispensables et moins urgentes[531]. Ces efforts pour rendre le programme plus concentré et pratique, s’ils ne se concrétisent pas forcément dans les faits, amènent à des réflexions accrues conduisant à l’énonciation de priorités. Charles Ascher déplore que l’étude commandée par Torres Bodet au juriste américain Quincy Wright sur la charte de l’Unesco n’ait jamais été publiée. Pour lui, cela s’expliquerait par le fait qu’elle était très critique, et qu’elle aurait montré qu’une bonne moitié des activités de l’Unesco n’étaient pas constitutionnelles[532]. A la 5e Conférence générale, en 1950, est envisagé un « décalogue » d’activités pour concentrer le programme[533].
L’orientation du programme de l’Unesco, sous l’impulsion de Torres Bodet, vers des objectifs plus pratiques et réalistes[534], est bien reçue par la presse et l’opinion anglo-saxonnes[535], et en revanche critiquée par la presse et l’opinion européennes [annexe 9][536].
Torres Bodet observe la difficulté à mettre au point un programme clair, rationnel, et qui satisfasse tout le monde : « ce qui est simple sur le papier cesse de l’être dès qu’on aborde une réalité aussi enchevetrée que celle du monde contemporain. On s’y heurte à tout moment à la résistance des choses et aux habitudes des hommes » [537].
Les efforts de concentration et de rationalisation du programme s’avèrent donc décevants au regard des espoirs initiaux de Torres Bodet.

Des priorités plus claires.
Torres Bodet s’efforce de développer un système clair de priorités pour l’action de l’Unesco. Il met surtout l’accent sur le fait que c’est incontestablement « l’idée de paix » qui doit inspirer toutes les activités[538]. L’Unesco doit, dit-il, mener « une action massive en faveur de la paix »[539]. A cet effet, il insiste sur l’importance primordiale selon lui des programmes visant à « l’éducation à la paix et à la compréhension internationale », aussi appelée « éducation au civisme international ». Pour lui, « de toutes les entreprises de l’Unesco, celle qui a trait à l’éducation pour le civisme international est la plus originale et la plus significative. […] Elle résume la plus haute mission de l’Unesco ».[540] Les poèmes de Torres Bodet expriment son ardent et sincère désir de paix et de compréhension internationale. Ainsi le poème « Civilisation » [annexe 10] :
« Un homme meurt en moi toutes les fois qu’un homme
Meurt quelque part, assassiné
Par la haine et la hâte d’autres hommes. […]
Un homme meurt en moi chaque fois qu’en Asie
Ou sur le bord d’un fleuve
D’Afrique ou d’Amérique
Ou bien dans le jardin d’une cité d’Europe
La balle d’un vivant fait tomber un vivant. » [541]

Cette insistance sur la paix recueille l’adhésion du personnel et des délégués. Laves la défend avec conviction[542], de même que Bertrand Russell, membre de la délégation britannique à la conférence générale de 1949[543].
En outre, Torres Bodet souhaite faire de l’Unesco une organisation qui se consacre au progrès social et humain. Selon lui, son action doit viser à atteindre « de nouveaux horizons de justice sociale »[544], et permettre l’établissement du « progrès collectif »[545]. Il déclare :
« Tant qu’il existera, dans un même pays, des êtres qui jouissent de tous les avantages techniques, de l’éducation et de la science, à côté de masses qui ignorent jusqu’à l’alphabet, la paix sociale ne sera qu’un mirage. Tant qu’il existera, de par le monde, des peuples privilégiés dotés d’universités, de laboratoires, de bibliothèques de premier ordre à côté de peuples ignorants pour qui l’école primaire elle-même est un luxe, la paix internationale juste et durable ne sera qu’un leurre. Trop peu de gens admettent ou comprennent cette tragique vérité. »[546]
Pour Torres Bodet, éducation va de pair avec progrès social : « Les 2/3 du genre humain se morfondent dans la pire des servitudes : la servitude de l’ignorance »[547]. Sous son impulsion, le « progrès social » est à partir de 1950 un des objectifs officiellement affirmés de l’Unesco[548].
Laves défend lui aussi ce point de vue, prônant « l’alphabétisation politique », qu’il conçoit comme une éducation à la démocratie[549].
L’éducation est considérée par Torres Bodet, ancien enseignant et ancien ministre de l’éducation, comme un domaine prioritaire car elle lui apparaît justement comme le meilleur moyen de parvenir à la compréhension internationale et à la paix[550]. Il vise à faire de l’Unesco une sorte de « Ministère universel de l’éducation »[551]. Il déclare :
« Je crois en l’éducation, parce que je ne crois pas à la prédestination sociale par l’hérédité et parce que je pense que le grand mensonge de l’histoire est la légende d’une race ou d’une classe sociale ‘élue’. De plus, je crois que, un jour, l’éducation pour la paix et la justice devra s’établir dans le monde entier, car je trouve incroyable que l’humanité souhaite se suicider ». « Dans beaucoup de régions du monde, il y a un grand nombre de personnes qui ne savent même pas lire ou écrire. […] Tant que ces millions d’hommes et de femmes seront plongés dans l’ignorance, il sera impossible d’atteindre un équilibre stable de cultures nationales et régionales dans le cadre d’une civilisation mondiale. Il est nécessaire de sonner l’alarme. »[552]
Porté par ces convictions, Torres Bodet unifie en 1948 toutes les activités éducatives de l’Unesco en un seul département et crée le poste d’assistant directeur général pour l’éducation, qu’il confie au Néo-Zélandais Clarence Beeby, ancien ministre de l’éducation de Nouvelle-Zélande[553] ; à partir de 1949, il fait de l’éducation le deuxième plus important poste budgétaire du programme ; en 1953, l’éducation devient le premier poste budgétaire[554]. Cette évolution rencontre l’approbation de Laves[555], et des États-Unis[556]. Elle est en revanche accueillie avec réticence par les États européens, plus favorables à une conception intellectuelle de la mission de l’Unesco[557].
Une autre personne joue dans ces années un rôle très important dans les conceptions éducatives de l’Unesco : le Britannique John Bowers, fils d’instituteur et ancien administrateur colonial. « C’est en administrant des tribus sauvages dans le Soudan anglo-égyptien que j’ai été amené à constater que l’élévation du niveau culturel de ces peuplades était le meilleur moyen de faire régner la paix », affirme-t-il. Il a en effet créé des écoles rurales à l’intention des tribus arabes et bédouines du Soudan. « Ignorance, misère, maladie se tiennent par la main. La lutte contre l’analphabétisme n’est pas une fin, il faut en même temps relever la condition économique des déshérités »[558]. Bowers est passionné par la mission éducative de l’Unesco, et se fait l’ardent promoteur de l’éducation de base[559].
Torres Bodet estime que toute l’action de l’Unesco doit viser les masses[560], qu’elle ne doit pas « profiter à une élite », mais viser à « élever la condition des larges groupements humains »[561]. Il insiste sur l’impératif de « jeter un pont entre les intellectuels et les masses »[562], d’« empêcher l’intellectuel de s’isoler et de négliger les besoins de la masse »[563], de « combler l’abîme qui sépare le monde du travail manuel du monde intellectuel »[564], afin d’éviter que l’Unesco ne s’enferme dans une « tour d’ivoire »[565]. Walter Laves insiste lui aussi sur cet impératif, et souligne l’importance des communications de masse à cet effet. Il affirme que le public prioritaire pour les actions de l’Unesco doit être « les illettrés et les peuples sous tutelle », groupes qui avaient été jusque là négligés[566]. Cette orientation obtient le soutien non seulement des États-Unis, mais de l’ensemble des États membres, convaincus de l’importance d’« amener l’Unesco aux masses, et les masses à l’Unesco »[567]. De par son double caractère d’intellectuel et d’enseignant rural proche du peuple, Torres Bodet parvient en effet à faire une synthèse entre la priorité d’atteindre les masses et celle de toucher les intellectuels[568]. Il est significatif à cet égard que durant tout le mandat de Torres Bodet, l’information des masses ait constitué le poste budgétaire principal du programme[569]. En 1974, Maheu estime que l’une des réussites principales de Torres Bodet est d’avoir « su préserver l’Unesco de la tentation de l’élitisme »[570].
Torres Bodet est également très sensibilisé au problème de la misère matérielle dans les pays dits sous-développés. Il se consacre ardemment à plaider en faveur d’une action pour soulager les « vastes communautés désemparées » du monde[571], par ses discours à la tribune de l’Unesco, ou bien par sa poésie[572]. Mais ces efforts obtiennent peu d’échos de la part des délégués des États membres occidentaux, de même que cela avait été le cas sous Huxley. Ainsi, Torres Bodet déplore amèrement dans ses Mémoires qu’à la conférence générale de 1949, Russell, « dans son discours, de si grande valeur et moralement si droit, parut dédaigner, ou ignorer, la tragédie des immenses régions insuffisamment développées. (…) A aucun moment il n’évoqua les terres soumises au colonialisme ni ne fit allusion à l’alphabétisation des illettrés »[573]. L’orientation prônée par Torres Bodet n’est pas suivie ; l’idée de mener une action opérationnelle directe est abandonnée au profit d’une action d’incitateur, de catalyseur auprès des États membres[574]. Comme l’observe Maheu, par sa préoccupation de « soulager effectivement, pratiquement, la misère du monde et de créer les conditions internes de l’émancipation des peuples et des classes les plus défavorisées », Torres Bodet était alors en avance sur son époque[575].
Voulant toucher les masses, Torres Bodet est très sensibilisé à l’importance pour l’Unesco d’utiliser les communications de masse, peut-être sous l’influence de Benton. Pour celui-ci, le directeur-général devrait passer plus de la moitié de son temps à voyager de par le monde, à la rencontre des masses, à faire pour ainsi dire du « travail évangélique »[576]. Torres Bodet imprime à l’Unesco l’idée qu’elle doit être au service des masses avant tout. « Si nous servons les élites, c’est pour qu’à leur tour elles servent mieux les peuples », affirme ainsi une brochure de l’Unesco en 1950[577].
Torres Bodet apparaît donc, par son profil à la fois d’homme politique, d’éducateur et d’intellectuel, comme l’une des personnes les plus appropriées pour accomplir la mission de directeur général. Il insuffle à son personnel ainsi qu’aux représentants des États membres son enthousiasme et sa ferveur pour l’idéal de l’Unesco. Il s’efforce avec persévérance d’imprimer à l’organisation ses convictions, à savoir la nécessité de mettre en place une culture mondiale unique, et de concentrer le programme autour de priorités claires qui sont la paix et la compréhension internationale au moyen de l’éducation des masses et de l’assistance technique aux peuples dits sous-développés. Cependant l’évolution conceptuelle que suit l’Unesco durant son mandat ne correspond pas véritablement aux orientations qu’il préconisait.
[1] Cité dans B. Colas, « Qu’est-ce qu’une organisation internationale ? », in Organisations internationales à vocation universelle, Paris, La Documentation française, 1993, p. 11-14.
[2] Daniel Colard, Les relations internationales de 1945 à nos jours, Paris, A Colin, 1995, p. 82.
[3] Antoine Gazano, L’essentiel des relations internationales, Paris, Gualino, 2000, p. 46-47.
[4] Exemples de ces organisations régionales, dont la création répond souvent à des motifs géopolitiques : le Conseil de l’Europe (1949) ; l’Organisation des Etats américains (OEA, 1948) qui vise à favoriser le développement culturel des Etats américains et à adopter des « normes culturelles » ; le Conseil de coopération technique en Asie du Sud et du Sud-Est, plus connu sous le nom de Plan de Colombo ; la Ligue arabe ; l’OCDE ; l’Organisation de l’unité africaine (OUA, 1963).
[5] Daniel Colard, op. cit., p. 86.
[6] Charles Kecskeméty, « Réflexions sur la coopération internationale », in Rassegna degli archivi di Stato.
[7] Daniel Colard, op. cit., p. 88 ; Marcel Merle, cité dans Daniel Colard, op. cit., p. 88.
[8] Jean-Baptiste Duroselle, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours (1917-1994), Paris, Dalloz, 1994, p. 417.
[9] Collectif, Organisations internationales à vocation universelle, op. cit., p. 14-16.
[10] Philippe Moreau-Defarges, Les organisations internationales contemporaines, Paris, Seuil, 1996, p. 10-18.
[11] Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p. 417.
[12] Voir bibliographie.
[13] Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p. 423-424, 468.
[14] Antoine Gazano, op. cit., p. 50.
[15] Louis Dollot, Les relations culturelles internationales, Paris, PUF, Que sais-je, 1964, p. 110-111.
[16] Collectif, Organisations internationales à vocation universelle, op. cit., p. 42-43.
[17] Acte constitutif de l’Unesco [annexe 1].
[18] Michel Conil-Lacoste, Chronique d’un grand dessein, Unesco 1946-1993, Paris, Unesco, 1993, p. 16.
[19] Seth Spaulding et Lin Lin, Historical Dictionary of the UNESCO, The Scarecrow Press, Inc., Lanham, Md., and London, 1997, 500 p. : « Unesco is one of the most misunderstood international organizations ». « controversies ».
[20] Jean-Pierre Warnier, p. 72-73.
[21] 1er-16 nov. 1945 : conférence en vue de la création de l’Unesco (ECO/CONF). L’Acte constitutif de l’Unesco est adopté le 16 novembre 1945 par les représentants de 44 gouvernements. Mais l’organisation ne commence à fonctionner véritablement que le 4 novembre 1946.
[22] X 07 A 14/31 « Unesco, purpose, progress and prospects » : lt. de Guiton à Berkeley, 21 fev. 1957, p. 1 ; « My first reaction was to pity all those who try - or may be called upon - to write a systematic or « theoretic » history of Unesco. What a maze of activities that are either parallel or diverging, while they are all supposed to converge towards a few governing objectives : one could think of a dozen ways of organizing facts along some guiding lines, and all these approaches would be defendable ». Il s’agit de l’ouvrage de Walter H. Laves et de Charles A. Thompson, Unesco, Purpose, Progress and Prospects, Paris, Unesco, 1957, 469 p.
[23] Georges Abi-Sabab, Le concept d’organisation internationale, Paris, Unesco, 1980, 292 p. : article de Chadwick F. Alger, p. 130-154, « L’organisation internationale vue sous l’angle du fonctionnalisme et de l’intégration », p. 132.
[24] Interview Elise Keating.
[25] James Sewell, Unesco and World Politics, Princeton, 1975, p. 357.
[26] Voir bibliographie.
[27] Michel Conil Lacoste, Chronique d’un grand dessein, Unesco 1946-1993, Paris, Unesco, 1993.
[28] Fernando Valderrama, Histoire de l’Unesco, Paris, Unesco, 1995.
[29] E. Brunswic, René Ochs, Jean-Claude Pauvert, John Ryan, Unesco, 50 années pour l’éducation, Paris, Unesco, 1997.
[30] Michel Conil-Lacoste, op. cit., p. 28
[31] Jean-Claude Pauvert, Max Egly, Le « complexe » de Bouaké, 1967-1981, Unesco, AAFU, Les cahiers d’histoire, 1, 2001, 79 p. ; Michel Batisse, Gérard Bolla, L’invention du « patrimoine mondial », Unesco, AAFU, Les cahiers d’histoire, 2, 2003, 101 p.
[32] Jan Opocensky, The Beginnings of Unesco 1942-1948, op. cit. ; Laves et Thomson, op. cit. ; Richard Hoggart, An idea and its servants, Unesco From Within, Londres, Chatto and Windus, 1978 ; Chikh Bekri, L’Unesco, une entreprise erronée ?, Paris, Publisud, 1991 ; Daniel Behrman, Ceux qui ne peuvent attendre, Unesco, Thieme, Pays-Bas, 1952.
[33] Denis Mylonas, La genèse de l’Unesco : la Conférence des ministres alliés de l’éducation (1942-1945), Bruylant, Bruxelles, 1976. Concernant l’« ancêtre » de l’Unesco, l’OCI, la thèse de Jean-Jacques Renoliet est à mentionner. Bien qu’elle consacre une place finalement réduite à l’étude même des réalisations culturelles de ces organismes, elle donne des pistes de réflexion intéressantes et des éléments de comparaison entre l’OCI et l’Unesco. (Jean-Jacques Renoliet, L’Unesco oubliée. La SDN et la coopération intellectuelle (1919-1946), Paris, publications de la Sorbonne, 1999).
[34] Dominique Sioen, L’Unesco et le droit à l’éducation, thèse de droit public, Paris 2, 1978. Michel Legault, Contribution à une recherche sur la philosophie de l’éducation de l’Unesco, thèse de doctorat en philosophie, institut catholique de Paris, 1985.
[35] Voir bibliographie.
[36] Ex : Thibault Postel, L’Unesco et la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel mondial, 1986 ; Hélène Trintignant, La protection internationale des biens culturels en temps de paix, thèse de droit et de sciences économiques, Montpellier, 1974 ; Fabrice Argounès, L’évolution de la notion de patrimoine mondial de l’humanité : action de l’Unesco, 1999, DEA Paris IV, dir. M. Soutou.
[37] Ex : Samir Haffar, L’Unesco et le conflit israélo-arabe (1948-1978), thèse de troisième cycle en sciences politiques, Paris I, 1997.
[38] Ex : Jean-Luc Mathieu, Les institutions spécialisées des Nations Unies, Paris, Masson, 1977, p. 215.
[39] Ex : sur le projet de Marbial, le rapport de Lucien Bernot, 1953, et le livre d’Antonio Ballesteros, sont introuvables aux archives de l’Unesco.
[40] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 1970, 150 p., en français, 30 avril 1970.
[41] Ex : le rapport de Lucien Bernot sur le projet de Marbial, 1953.
[42] Ex: Equality of rights between races and nationalities in USSR (1961) ; Gail Archibald écrit l’avoir demandé en vain aux archives et à la bibliothèque de l’Unesco.
[43] Gail Archibald, Les Etats-Unis et l’Unesco, 1944-1963, Paris, Publications de la Sorbonne, 1993, p. 257.
[44] Emile Delavenay, qui relate la censure d’une publication sur la Corée en 1952 sur la pression des Etats-Unis, observe qu’il n’a « trouvé aucune trace de cet incident symptomatique dans les archives de l’Organisation ». Emile Delavenay, Témoignage. D’un village savoyard au village mondial, 1905-1991, 1992, Edisud, La Calade, Aix-en-Provence, 436 p., p. 369.
[45] Manuel de l’Unesco, appendice 9G, août 1977.
[46] Propos de Mme Carbonnell, directrice de ce service (en 2004).
[47] Ascher, box 145 : lt. de Koffler à Ascher, 31 janv. 1975 : « I have often said that Unesco should never throw anything away [...]. Certain posters and documents and even books published in the first years of the Organization are now unobtainable. Much material was thrown into the waste-paper baskets when Unesco made its major move from avenue Kleber to Place Fontenoy in 1958. If we had thought of the historian of the year 2000, a lot of this so called « junk » would have been preciously guarded for the future ».
[48] Lien-Link n°81 : nécrologie de Marion Jung-Fawtier par Markku Järvinen.
[49] Peter Lengyel, International Social Science : the Unesco experience, Transaction Books, New Brunswick, USA, et Oxford, 129 p., 1986, p. 2-3.
[50] Sonia Combe, Archives interdites, Paris, La Découverte, 328 p., 2002 ; cf. aussi : article de Jean-Luc Einaudi, Le Monde, 20 mai 1998 : « Pour la vérité, enfin » (au sujet du 17 octobre 1961) : « Dans une démocratie, ce n’est pas à de hauts fonctionaires agissant en tant que tels qu’il revient d’écrire l’histoire. Qu’on laisse les chercheurs travailler librement sur les archives, avec l’esprit critique nécessaire, en procédant aux recoupements indispensables avec d’autres sources ».
[51] G. Archibald, op. cit., p. 256-257 ; J.-C. Clorennec, op. cit.
[52] Lien-Link n°80 :« Être américain à l'Unesco dans les années soixante », par Raymond Johnson.
[53] Lien-Link n°86 : « When Unesco encountered diplomatic pitfalls in Africa », par Jacques Richardson.
[54] Lien-Link n°76 : « Bribes de mémoire. L’Afghanistan » par Zacharie Zachariev.
[55] Lien-Link n°84 : « Etre roumain à l’Unesco dans les années 60 et 70 », par Sorin Dumitrescu ; Courrier de l’Unesco, juin 1990, p. 45-50, « Otage de la Securitate », par Sorin Dumitrescu [annexe 28].
[56] Lien-Link n°84 : Nino Chiappano, « Le fonctionnaire international et ses dilemmes ».
[57] Yves-Marie Laulan, La faillite des « machins », Paris, Les Belles Lettres, 1996, p. 78.
[58] Encyclopedia universalis, 1990, « Unesco », par V.-Y. Ghebali.
[59] Chikh Bekri, op cit.
[60] Richard Hoggart, op. cit., p. 160 : « Should Unesco survive? ».
[61] Jean Defrasne, Le pacifisme, op. cit., p.116.
[62] Ibid., p. 114.
[63] Yves-Marie Laulan, op. cit., p. 91-92.
[64] Ibid., p. 75.
[65] Daniel Holly, L’Unesco, le Tiers-Monde et l’économie mondiale, Montréal, presses de l’université du Québec, 1981, p. 143-144.
[66] Ascher, box 145 : lt. de Donald C. Stone à Huxley, 8 août 1946, 4 p. ; « les projets visant à l’élimination de l’ignorance ou à la simple compréhension des cultures ne suffisent pas. L’ignorance n’est pas la seule source de dissension, de haine, de cupidité, et des autres barrières à un climat dans lequel la paix et la sécurité peuvent être cultivées. Les nazis et les fascistes ont développé le savoir et la science avec une intelligence diabolique qui a corrompu les esprits de masses de gens ».
[67] Cité par J. Bowers. 37 A 31 FE « Education de base. Vers une campagne mondiale » : mémorandum de J. Bowers, intitulé : « Fundamental education. ‘Towards a world movement’ », 7 janvier 1947, 9 p., p. 1.
[68] Interview Jean-Claude Pauvert.
[69] Interview Foecke.
[70] Esther Dartigue, Maurice Dartigue. Un Haïtien exceptionnel : la contribution de Maurice Dartigue à l’éducation en Haïti, aux Nations Unies et à l’Unesco, Paris, éditions J’étais une fois, 1992, p. 123.
[71] Ils ne seront remis en cause que dans les années 1960, où ils seront alors considérés comme l’expression non pas de valeurs universelles, mais de valeurs occidentales. Contrairement à ce qu’affirme A. Finkielkraut, ces valeurs restent la ligne directrice de l’Unesco pendant au moins ses dix premières années. cf. A. Finkielkraut, La défaite de la pensée, p. 74-76 : « les fondateurs de l’Unesco […] renouaient spontanément avec l’esprit des Lumières. […] ils pensaient l’Unesco sous le patronage implicite de Diderot, de Condorcet ou de Voltaire. […] Dès les premières conférences de l’Unesco, l’ordre du jour change imperceptiblement : la critique des Lumières prend le relais de la critique du fanatisme », et l’Unesco se livrerait dès ses premières années à une « remise en question de l’humanisme abstrait ».
[72] Encyclopedia universalis, 1990, article « Unesco » par V.-Y. Ghebali.
[73] Bergson était président du CICI. Einstein et Freud avaient participé à la série des « Correspondances » entre intellectuels organisée par l’IICI. Cf. J.-J. Renoliet, L’Unesco oubliée, Paris, Presses de la Sorbonne, 1999.
[74] J.-J. Renoliet, op. cit.
[75] V.Y. Ghebali, article « Unesco », Encyclopedia Universalis.
[76] FR, Nantes, carton 117 : PHS/C/46, « Liquidation de l’Institut International de Coopération Intellectuelle ».
[77] « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » ; la « paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité ».
[78] ECO/CONF.29/VR.2 (1945), Conférence des Nations Unies en vue de la création d’une Organisation pour l’éducation, la science et la culture, Londres, 1-16 novembre 1945, p. 40-41 : discours du président adjoint, Léon Blum.
[79] Biogr. Gilbert Murray : lettre de Murray à Mayoux, 17 août 1945 : « C’est une bonne nouvelle que la proposition d’une organisation internationale pour l’éducation et la culture ait été unanimement acceptée à San Francisco, et je suis très content qu’elle ait été faite par les Français. La France a toujours été le leader en coopération intellectuelle » (« It is good news that the proposal for an international Organization for Education and Culture was unanimously accepted at San Francisco, and I am very glad that it was made by the French. France was always the leader in Intellectual Cooperation »).
[80] William R. Pendergast, « La politique étrangère française et la création de l’Unesco », in Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, p. 67-88. H. H. Krill de Capello : « The Creation of the United Nations educational scientific and cultural organization (Unesco) », in International Organization, vol. 24, n° 1, hiver 1970, p. 1-30.
[81] Biogr. Lin Yutang : Unesco/biographies/17, 10 octobre 1948.
[82] Courrier de l’Unesco, novembre 1948, p. 3 : « Taha Hussein exalte la mission de l’Unesco ».
[83] OHRO, interview Luther Evans, p. 294 : « the role of the Internatioal Institute as an essential background for the creation and development of Unesco ».
[84] Article dans le Courrier de l’Unesco, 1er nov. 1949, p. 9 : « Le prof. Piaget sous-directeur général chargé de l’éducation par intérim ».
[85] E. Delavenay, « Mes souvenirs de Jean Thomas : tradition normalienne et le ‘C’ dans ‘Unesco’ », in Souvenir de Jean Thomas, Nice, 1984, 94 p., p56-62.
[86] E. Delavenay, op. cit., p. 105 : « Combien de mes condisciples de ces étés genevois sont devenus de loyaux et compétents serviteurs de la cause de la paix, soit comme délégués de leurs gouvernements, soit comme fonctionnaires internationaux, à l’ONU ou à l’Unesco. Dans le second quart du siècle aucune institution n'a autant contribué, à mon sens, que les corus d’Alfred Zimmern, à former une génération désireuse et capable de mettre en œuvre la coopération internationale à laquelle chacun de nous aspirait ». Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay. Il témoigne avoir été « un habitué » des rencontres de Genève.
[87] Benton, box 401 : lt. de G.V. Allen à Thomas A. Brindley, 22 juin 1967 : « the moral conscience of mankind ».
[88] J.-J. Renoliet, op. cit., p. 332.
[89] Journal de la conférence générale de 1947, vol I., 5e séance plénière, 10 novembre 1947, p. 77-81 : propos de William Benton, p. 81.
[90] Ibid., p. 72 : propos de Carneiro.
[91] FR, NUOI carton 335 : GD/AL, note pour le ministre, 8 octobre 1947.
[92] X 07.21 (44) D, I : « Délégation de la France ».
[93] FR, Cabinet du ministre, Bidault, carton 38, dossier « Unesco, 5 sept. 1946- 1er juillet 1948 » : note pour le cabinet du ministre, à l’attention de M. Morin, au sujet : conférence de l’Unesco, 13 septembre 1947, n° 1119.
[94] IT, Gabinetto, 1943-58, pacco 99, posiz. V5 : Unesco ; busta 1948 : lettre du secrétaire particulier du ministre au prof. Ragghianti, 3 mai 1948 : Montale est pressenti pour le poste de directeur pour les lettres et les arts.
[95] M. Prévost, L’île des Uneskimos, Mémoires d’un ancien fonctionnaire de l’Unesco, 1949-1983, janvier 1996, dactylographié, non publié, conservé aux archives de l’Unesco, p. 6. Prévost entre à l’Unesco en 1946 grâce à Jean Thomas, condisciple de son père à l’ENS.
[96] Who is Who in France, 1975-76 ; M. Prévost, op. cit., p. 6 ; Biogr. Caillois. Caillois a travaillé à l’Unesco de 1948 à 1973. Sa femme, Elena Caillois (Bykova), a également travaillé à l’Unesco, de 1947 à 1976. Exilé en Argentine pendant la guerre, Caillois intéresse à l’Unesco son amie l’écrivaine Victoria Ocampo. Biogr. Ocampo : celle-ci a ensuite légué sa villa de Buenos Aires à l’Unesco ; Nécrologie de V. Ocampo, Le Monde, 30 janvier 1979 ; Lien-Link n°84, Patrice Vermeren, « Roger Caillois et la fondation de la revue Diogène. Une boussole mentale à l’épreuve de l’Unesco ».
[97] E. Delavenay, op. cit., p341. Paul Leclerc, normalien, agrégé de lettres, travaille à l’Unesco à partir de 1949.
[98] Biogr. Jean Thomas.
[99] Biogr. Jacques Havet. Lien-Link n°80 : nécrologie de Jacques Havet par Nicolas Bodart et René Ochs : après avoir été reçu premier à l’ENS et premier à l’agrégation de philosophie, « une occasion inattendue s’offrit à lui : Jean Thomas, qui avait été son examinateur au concours de Normale, alors secrétaire exécutif de la Commission préparatoire de l'Unesco récemment créée à Londres, lui proposa un engagement provisoire, qu’il accepta ».
[100] E. Delavenay, op. cit.,, avant-propos : il évoque l’influence de « la France de Jaurès », de « l’Ecole Normale Supérieure de Lanson, Paul Dupuis et Lucien Herr » dans la formation de sa personnalité. Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay : « Une de mes premières visites [à son retour à Paris] est pour mon camarade normalien René Maheu […]. Il m’accueille avec cordialité ». Biogr. Delavenay.
[101] John Fobes, « La fonction publique internationale », in Journée d’hommage à René Maheu, Cahier I : l’homme et le directeur général, Groupe Miollis, AAFU, Paris, 2002, 87 p., p. 30-33 : Maheu « faisait partie de cette petite élite qui avait passé par l’ENS, participé à la Résistance, souffert de l’Occupation et connu l’instabilité de la IVe République ».
[102] 12 C/INF/12, 16 novembre 1962 : discours prononcé par Maheu devant la conférence générale lors de son entrée en fonctions comme directeur général, p. 2.
[103] X 07.83 Maheu, VI : L’Orient - Le Jour, n° 83, 6-12 janvier 1973, p. 13-15 : « Portrait : directeur général de l’Unesco, René Maheu : ‘Notre rôle n’est pas d’intervenir mais de stimuler’ », interview de Maheu, par Mirèse Akar.
[104] Jacques Havet, « Un patron, un ami, un exemple… », in Souvenir de Jean Thomas, Nice, 1984, témoignages collectés par R. Lassalle, 94 p., p. 68-73.
[105] E. Delavenay, « Mes souvenirs de Jean Thomas : tradition normalienne et le ‘C’ dans ‘Unesco’ », in Souvenir de Jean Thomas, Nice, 1984, 94 p., p56-62.
[106] Biogr. Jean Thomas.
[107] Biogr. Malraux : « L’homme et la culture artistique », conférence de Malraux prononcée à la Sorbonne pendant le « Mois de l’Unesco » 1946 (COM 1) ; et : correspondance avec Malraux, 1950 (CLT/ART).
[108] COM 1 : conférence de Sartre prononcée à la Sorbonne pendant le « Mois de l’Unesco » 1946. Et il propose à l’Unesco de rédiger une brochure sur le thème du racisme.
[109] Le BIE avait été créé en 1926 par Jean Piaget sous la forme d’une association privée d’éducation, et était devenu en 1929 la première organisation intergouvernementale spécialisée en éducation. Cf. collectif, Les organisations internationales à vocation universelle, p. 45. Seth Spaulding et Lin Lin, Historical Dictionary of the UNESCO, The Scarecrow Press, Inc., Lanham, Md., and London, 1997, 500 p., p. 3. Selon Seth Spaulding, la réticence de Jean Piaget à placer le BIE directement sous la responsabilité de l’ONU en 1945 aurait favorisé la création de l’Unesco.
[110] Lien-Link n°81 : nécrologie de Marion Jung-Fawtier par Markku Järvinen. Lien-Link n°73 : nécrologie de Guy Métraux, par Witold Zyss : Guy Métraux a travaillé de 1944 à 1947 au Comité international de la Croix Rouge.
[111] Lien-Link n°85 : « Pourquoi et comment je suis entré à l’Unesco », par Jean-Baptiste de Weck. Il a travaillé dès 1946 comme ouvrier au village Pestalozzi pour les enfants orphelins de guerre des pays dévastés, créé à Trogen en Suisse. Cf. aussi J.B. de Weck, Servir la cause universelle de l’Unesco. Une moisson d’expériences et de souvenirs.
[112] Roger Caillois, « In memoriam : René Maheu », décembre 1975, p. 10-11, cité dans Hilaire-Philippe Sagbohan, L’Afrique noire francophone et l’Unesco de 1960 à nos jours, thèse de doctorat, Paris I, 1979, p. 28. Caillois observe qu’à ses débuts, l’Unesco « tenait encore beaucoup de l’IICI, dont elle était l’héritière : il s’agissait, plutôt que d’une organisation efficace, d’une société des esprits à laquelle appartenaient des personnalités ».
[113] L. Dollot, op. cit., p. 105.
[114] IT, Gabinetto, pacco 99 : Il Mondo, 8 juillet 1950, « Un’impresa sbagliata » par Benedetto Croce. Le Britannique Gilbert Murray plaide pour que l’Unesco contribue au retour à l’usage généralisé du latin comme moyen de rapprochement entre les intellectuels.
[115] Ainsi, le tirage de la revue mensuelle La Coopération intellectuelle, créée en 1929, ne dépassait pas 2000 exemplaires, et elle n’était publiée qu’en français. En 1930, elle ne comptait que 260 abonnés. Cf. J.-J. Renoliet, op. cit., p. 314.
[116] J.-J. Renoliet, op. cit., p. 314.
[117] Ex. : collectif, L’avenir de l’esprit européen, 1934.
[118] 329.18 A 53 CIPSH : IV : article de Antonina Vallentin, « Paix. Etat de conscience », 13 p., p. 5.
[119] OHRO, interview de Luther Evans, p. 295.
[120] Keyserling : « la renaissance de la foi aveugle est [...] un signe certain de rajeunissement et, par conséquent, d’accroissement de vitalité » ; « si les peuples préfèrent à un certain moment un régime autoritaire à un régime libéral, on n’a qu’à s’incliner » ; cité dans J.-J. Renoliet, op. cit., p. 321-322.
[121] E. Chniti, La Grande-Bretagne et l’Unesco, 1942-1957. Douze ans de relations entre une institution des Nations-Unies et une puissance fondatrice, Paris I, thèse d’histoire, dir. Girault, 1997, p. 137 ; Peter Lengyel, International Social Science : the Unesco Experience, Transaction Books, New Brunswick, USA, 129 p., 1986, p. 8-9.
[122] Femme de gauche, ancienne suffragette, ancienne membre du parti communiste britannique.
[123] OHRO, interview de Luther Evans, p. 323 : « fascinated by this speech, by this sentence ».
[124] Fred Clarke, président du comité d’education de la commission préparatoire (1945-46), était professeur à l’université de Londres, et ancien dirigeant du comité consultatif du Colonial Office britannique ; il avait participé en 1944 dans ce cadre à la rédaction du rapport Mass education in African society ; il était très convaincu de l’importance de l’alphabéisation des masses dans les pays sous-développés (Philip Jones, International policies for Third World Education : Unesco, literacy and development, ed Routledge, London and NY, 1988., p. 25). Pour cela il prônait une action coopérative, communautaire (action à l’échelle de la communauté locale). Il était très conscient des changements sociaux en cours et en préparation dans le monde ; il a imposé ses vues au comité d’éducation de la commission préparatoire (W.F. Connell, A History of education in the twentieth century world, Canberra, Curriculum development centre, 1980, p. 324-325). Le Français André Lestage était de 1939 à 1946 administrateur de l’éducation à Madagascar (interview Lestage).
[125] J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 17-18.
[126] Biogr. Delavenay ; E. Delavenay, op. cit. ; Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay. Delavenay est entré à la BBC en 1939.
[127] Interview P. Koffler.
[128] Pendant la guerre, dès 1941 ont eu lieu des réflexions de la London International Assembly et du Council for education in world citizenship ; son rapport est paru en mars 1943, sous le titre Education and the United Nations. Ce rapport propose un plan concret de rééducation pour les peuples des pays de l’Axe ; ces recommandations ont été adressées au CAME mais il n’a pas obtenu de réponse. (P. Jones, op. cit., p. 10-11) ; E. Chniti, op. cit., p. 681-682.
[129] Dès la séance d’ouverture, E. Wilkinson évoque les perspectives de nouveaux progrès spectaculaires de la science et souligne la nécessité de rapprocher celle-ci des humanités. (M. Conil Lacoste, op. cit., p. 24). Huxley, Needham, Wilkinson, et l’Américain Harlow Shapley, directeur de l’observatoire de l’université de Harvard, ont joué un grand rôle dans l’inclusion du terme « sciences » dans l’intitulé de l’Unesco (G. Archibald, op. cit., p. 63).
[130] D. Mylonas, op. cit., p. 335-341.
[131] G. Archibald, op. cit., p. 52.
[132] ECO/CONF/29, 2e séance de la 1e commission, 5 novembre 1945, p. 126. Cité par G. Archibald, op. cit., p. 69 ; D. Mylonas, op. cit., p. 342.
[133] D. Mylonas, op. cit., p. 342.
[134] J. Huxley, Memories II, p. 17-18.
[135] Ex. : Joseph Needham, spécialiste de la science chinoise, John Grierson, pionnier du film documentaire, J.B. Priestley, écrivain.
[136] E. Chniti, op. cit., p. 682-684. A. Zimmern, secrétaire exécutif de la commission préparatoire, étant tombé malade, il fallait lui trouver un remplaçant. Huxley, ayant assisté à l’une des réunions publiques de la commission préparatoire, y avait rencontré John Maud, proche collaborateur de Wilkinson et chargé des affaires de l’Unesco au ministere de l’éducation. John Maud a l’idée de proposer Huxley comme successeur de Zimmern. Lors d’un repas privé, Wilkinson et Maud font cette proposition à Huxley, lui laissant entendre que ce poste serait un marchepied vers le poste de directeur de l’Unesco. Cf. J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 14 ; Juliette Huxley, Leaves of the tulip tree, London, p. 196-197 ; E. Chniti, op. cit., p. 211 ; Betty D. Vernon, Ellen Wilkinson (1891-1947), London, Croom Helm, 1982, 254 p., p. 40-43, 60-64 : elle a été suffragette, féministe, et communiste.
[137] Cf. aussi les réflexions fonctionnalistes de David Mitrany sur la paix. David Mitrany, A Working Peace System, Londres, Chatham House, 1943.
[138] G. Archibald, op. cit., p. 22.
[139] Léon Blum, dans son propre discours à la conférence constitutive de l’Unesco, en novembre 1945, y fait référence. ECO/CONF.29/VR.2 (1945), Conférence des Nations Unies en vue de la création d’une organisation pour l’éducation, la science et la culture, Londres, 1-16 novembre 1945, p. 40-41 : discours du président adjoint, L. Blum : « nous voulons contribuer, comme le dit le président Truman, dans les points 5 et 10 de son récent discours, à construire un monde affranchi de la peur et de la misère, où les conditions de vie soient partout améliorées ».
[140] OHRO, interview de Luther Evans, p. 302, 334-335 : parmi les membres importants de la délagation américaine, George Stoddard, qui avait été commissioner of education de l’Etat de New York ; Herbert Emmerich, expert en questions d’organisation ; Donald Stone, fonctionnaire du département d’état ; M. Murrow, représentant au Congrès ; G.N. Shuster, professeur à Hunter College ; K. Holland, plus tard directeur de l’institut international d’éducation ; Dr. Schlagle de la NEA ; Marlon Shapely, astronome de Harvard ; Alexander Meiklejohn, président de l’université du Wisconsin ; le sénateur Murray.
[141] P. Lengyel, op. cit., p. 8-9. G. Archibald, op. cit., p. 319-320.
[142] L’historien Ralph Turner avait été recruté en 1941 par la division des relations culturelles du département d’état. Cf. Gail Archibald, op. cit., p. 25. L’ouvrage principal de Ralph Turner est The Great Cultural Traditions, New York, 1941, 2 vol. (Biogr. Ralph E. Turner).
[143] J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 313 ; G. Archibald, op. cit., p. 67. En 1944-45, A. MacLeish a été assistant secrétaire d’état pour les affaires culturelles.
[144] Projet rédigé par les délégués américains Studebaker et Kefauver. Cf. doc. confidentiel du 27 avril 1944, « Activities in London of American Delegation to the CAME », 4e réunion privée de la délégation du 7 avril 1944. Et : « Suggestions for the development of the CAME into the United Nations Organisation for Educational and Cultural Reconstruction », archives diplomatiques américaines (documents cités par Gail Archibald, op. cit., p. 34-35).
[145] L’UNRRA, agence de secours et de reconstruction des Nations Unies, a été créée en 1943 pour secourir les pays occupés par les puissances de l’Axe. Ses trois directeurs généraux successifs ont été américains. Les principaux pays bénéficiaires étaient la Chine et les pays d’Europe de l’est, pays au sujet desquels les Etats-Unis craignaient la contagion communiste.
[146] D. Mylonas, op. cit., p. 230-236 et 295-298.
[147] Ascher, box 145 : lt. de Donald C. Stone, assistant director in charge of administrative management, à J. Huxley, 8 août 1946, 4 p.
[148] D. Mylonas, op. cit., p. 295 ; OHRO, interview de Luther Evans. Waldo G. Leland, président du American Council of Learned Societies, etait un membre très actif du l’ancêtre de la commission nationale américaine. Il a joué un rôle important dans les premières années de l’Unesco.
[149] EU, box 2243 : National Education Association, Memorandum for conference with the under-secretary of state, 23 septembre 1947, 2 p. La NEA préconise que le prochain directeur général soit un éducateur américain. W. Carr, « Shall the UN control education in axis countries ? », Progressive Education, American Education Fellowship, mai 1945. W Carr, « Eternal vigilance in education », Camp Fire Girls Magazine, mai 1945. W Carr, « What part can education play in the people’s peace », Minnesota Journal of Education, fév. 1945. COM 1 : W. Carr, « Conditions Necessary for the Success of Unesco », discours à la Sorbonne, 21 novembre 1946, Mois de l’Unesco (publié dans Les Conférences de l’Unesco, Paris, éditions de la Revue Fontaine, 1947). Cf. aussi W. Carr, The continuing education of William Carr, an autobiography, NEA, Washington DC ; chap. 6 : « The United Nations and Unesco », p. 94-115.
[150] G. Archibald, op. cit., p. 77.
[151] Interview P. Koffler.
[152] Christel Taillibert, L’institut international du cinématographe éducatif, regards sur le rôle du cinéma éducatif dans la politique internationale du fascisme italien, Paris, Montréal, L’Harmattan, 1999.
[153] L’IICI n’avait pas inclus l’éducation dans ses attributions à cause de l’opposition en 1925 du délégué belge qui avait défendu l’idée que les questions d'éducation relevaient de la souveraineté nationale.
[154] The E in UNESCO, US National Commission for Unesco, 1949.
[155] Acte constitutif de l’Unesco.
[156] J.-J. Renoliet, op. cit.
[157] D. Mylonas, op. cit., p. 342. Propos de J. Needham en 1945. Conférence générale 1948, discours inaugural du président de la conférence : « Intellectual cooperation […] must not be confined to cooperation among intellectuals. We must bring Unesco to the masses and the masses to Unesco ».
[158] J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 24 : « brilliant » ; « a starry-eyed hope rather than a guide to practical action ». Ronald W Clark, The Huxleys, Heinemann, London, 1968, p. 313 : A. MacLeish, encouragé par son gouvernement et par de nombreux autres gouvernements à se porter candidat au poste de directeur général de l’Unesco, refuse, déclarant : « I prefer to be a poet ». Le président Truman propose alors personnellement Francis Biddle, avocat américain qui avait été membre du tribunal militaire international de Nuremberg.
[159] Cf. Claudine Brelet Rueff, Les Nations Unies et l’anthropologie appliquée : un projet de civilisation. Plusieurs des Américains liés à l’Unesco dans les premières années ont étudié l’anthropologie. Ex. : Lien-Link n°78 : nécrologie d’Anibal Buitron par Alain Gille : Buitron a fait des études d’anthropologie.
[160] ECO/CONF/29, 8e séance plénière, 15 novembre 1945, p. 86-87.
[161] P. Jones, op. cit., p. 19.
[162] G. Archibald, op. cit., p. 92-93. William Benton, par son parcours professionnel, est très lié aux médias de masse, aux relations publiques, au monde de la publicité. Cf. aussi G. Archibald, op. cit., p. 196 : 1 C/30, sous-commission des moyens d’information des masses, 2 décembre 1946, p. 168-170. Programme de l’Unesco pour 1947, p. 290.
[163] Dont il fait une des ONG associées de l’Unesco. La WCOTP reçoit de l’Unesco 6000 dollars par an en 1953 et 1954, 4000 dollars par an en 1955 et 1956. Cf. W. Laves et Ch. Thomson, op. cit., p. 373, cité par G. Archibald, op. cit., p. 222.
[164] Lien-Link n°78 : nécrologie d’Anibal Buitron par Alain Gille : Buitron a fait ses études à l’Université de Chicago.
[165] G. Archibald, op. cit., p. 319-320. Lien-Link n°78 : nécrologie d’Eugene Canade par Erwin Solomon : né en 1912, Canade appartient à la génération d’Américains nés pendant l’époque de la Première Guerre Mondiale, ayant grandi pendant la Grande Dépression des années 1930, devenus adultes dans les années 1940.
[166] C’est ce qu’observe le Britannique Murray dans une lettre d’août 1945 : biogr. Murray : lettre de G. Murray à J.-J. Mayoux, 17 août 1945 : « no doubt the American approach to education is in some ways very different from ours : we are based upon history, and the American mostly have a sort of suspicion that history in general is an old fashioned and superseded thing which we need not much bother about ». (« l’approche américaine de l’éducation est à certains égards très différente de la nôtre : nous nous fondons sur l’histoire, et la plupart des Américains ont une sorte de suspicion que l’histoire en général serait une chose démodée et périmée dont il ne faudrait pas beaucoup se soucier »).
[167] En 1964 encore, dans un discours, Maheu rappelle : « C’est d’un excès d’horreur […] qu’est née la volonté de créer […] cette Organisation de l’espoir ». Discours de Maheu, 13 novembre 1964, cité dans : Jean Maheu : « Son fils et sa petite fille se souviennent », Journée d’hommage à René Maheu, cahier I, Groupe Miollis, AAFU, Paris, 2002, 87 p., p. 62-75.
[168] OHRO, interview de Luther Evans, p. 303 : « big controversies ».
[169] Acte Constitutif de l’Unesco.
[170] ECO/CONF.29/VR.2 (1945), Conférence des Nations Unies en vue de la création d’une organisation pour l’éducation, la science et la culture, Londres, 1-16 novembre 1945, p. 40-41 : discours du président adjoint, Léon Blum.
[171] C/2, 5 septembre 1946. Cité dans A. Monclus, Carmen Saban, La Escuela Global. La educacion y la communicacion a lo largo de la historia de la Unesco, Unesco, Fondo de Cultura economica, Madrid, 1997, p. 59.
[172] D. Mylonas, op. cit., p. 412-413.
[173] RU, PREM 11/5185 : visit of R. Maheu, DG Unesco, to UK : record of meeting with Prime Minister, 10 april 1964 : note confid. intitulée : R. Maheu. Biogr. René Maheu.
[174] René Maheu, Portrait-souvenir par ses collaborateurs, Association des anciens fonctionnaires de l’Unesco, sous la direction de Witold Zyss, 2000, 222 p., article d’Emile Delavenay, p. 60-61.
[175] Biogr. Henri Laugier : scientifique français, démis de ses fonctions d’enseignement et de recherche par le gouvernement de Vichy en 1940 et nommé par le général de Gaulle recteur de l’académie d’Alger en 1943, il devient ensuite haut fonctionnaire de l’ONU.
[176] Ainsi Jean Thomas et Michel Prévost ont combattu ensemble dans le maquis. Michel Prévost, op. cit. ; Souvenirs de Jean Thomas, réunis et présentés par Roger Lassalle, Nice, R. Lassalle, 1984, p. 17-22. R. Maheu, « Julian Huxley, un humaniste militant », Le Figaro, 27 février 1975 : « je suis reconnaisant au cher Julian [Huxley] – je le connaissais depuis les beaux jours d’avant-guerre de Bloomsbury - de m’avoir généreusement offert, un certain 4 septembre 1946, par l’entremise de Jean Thomas, un contrat d’un mois renouvelable pour servir au Secrétariat de la Commission Préparatoire, décidant ainsi à notre insu du cours de ma vie pour les 28 années suivantes ».
[177] Lien-Link n°74 : « La premiere équipe du Dr. Julian Huxley », par Jacques Godchot. Interview Grinda. Souvenir de Jean Thomas, op. cit., p. 32-36 : témoignage d’Antoine Pietri. Parmi les membres du personnel de l’Unesco qui appartiennent aux générations les plus anciennes, on observe aussi le traumatisme de la Première Guerre Mondiale. C’est le cas notamment de Jean Thomas, marqué par la participation au front de son frère aîné.
[178] Lien-Link n°81 : « How I entered Unesco », par F. H. Potter : « We were all great friends and so very happy to be working for the Promotion of International Co-operation and Friendship after that horrific Second World War ».
[179] Lien-Link n°83 : courrier des lecteurs, lettre de Denise A. Percevaut.
[180] Lien-Link n°86 : « Comment et pourquoi je suis entré à l’Unesco », par Roger Bordage.
[181] Lien-Link n°85 : « Pourquoi et comment je suis entré à l’Unesco », par Jean-Baptiste de Weck. Cf. aussi : J.B. de Weck, Servir la cause universelle de l’Unesco. Une moisson d’expériences et de souvenirs.
[182] M. Prévost, op. cit.,, p. 3-4.
[183] M. Prévost, op. cit., p. 3-4. Jean Defrasne, Le pacifisme, Paris, PUF, Que sais-je, 1983, p. 114-115.
[184] OHRO, interview de Luther Evans, p. 309-310 : « scared to death ».
[185] Journée d’hommage à René Maheu, Cahier II, table ronde 2 et 3. L’héritage au XXIe siècle, Groupe Miollis, AAFU, Paris, 2002, 107 p., p75-77 : article de Michel Batisse : « Partager la science ».
[186] X 07.83 Torres Bodet, IV : Escher Tageblatt, 19 déc. 1949 : « Quelques instants avec Jaime Torres Bodet, directeur général de l’Unesco » par H.T.
[187] Antonina Vallentin, « Paix. Etat de conscience », L’Age nouveau, oct. 1947, p. 1.
[188] RP, 19 mai 1953 : Revue de Paris, mai 1953 : article de P.-L. Bret.
[189] Acher Deleon, « Paul Lengrand et l’éducation des adultes », Lien-Link n°87, p. 14-15 : l’Unesco est une « vision d’espérance, issue d’un cataclysme mondial dévastateur ».
[190] Ronald W. Clark, The Huxleys, Heinemann, London, 1968. Sarah C. Bates, Mary G. Winkler, A guide to the papers of Julian Sorell Huxley, Rice University, Texas, 1984. Bibliographie, p. 75. Les archives de J. Huxley se trouvent à Rice University, Houston, Texas.
[191] J. Huxley, Memories, 2 vol, Harper and Row publishers, vol II, 1973, 269 p., p. 14.
[192] Ibid., p. 16 et 24.
[193] L’Express, 10 déc. 1959, p. 35-37 : « Document : l’avenir de l’espèce humaine » : long texte de Huxley : en 1959 dans un discours à Chicago, Huxley évoque comme un grand danger « l’expansion et la séduction de l’idéologie communiste ».
[194] Ibid., p. 24-25. « I am not often angry, but this made me so furious that I demanded a hearing from the Board and presented an ultimatum - either Sir Alfred must go, or I would withdraw my candidature and leave Paris ». Huxley estime que cette campagne calomnieuse l’a beaucoup discrédité durant son mandat.
[195] X 07.531 Director General : Chicago Sun, 21 oct. 1946 : « State Department Seeks to Displace Huxley for Biddle as Unesco Chief », par Alexander Kendrick : « covert campaign » ; « a dangeroux radical » ; l’article souligne les « vues politiques pas orthodoxes » de Huxley, et le fait qu’il « écrit souvent pour la presse d’extrême-gauche » (« his unorthodox political views » ; « he frequently writes for the extreme left press »).
[196] Benton, box 396 : lt. de Benton à Evans, 4 oct. 1965 : « Archie MacLeish was our hero ».
[197] ONU, RAG 2 /76, box 10 : rapport confid. de Dorothy Osborne à L. Gros, 13 déc. 1946, 11 p., p. 1-2.
[198] EU, box 2241 : lettre confidentielle de Ralph H. Ackerman au secretaire d’état américain, 30 juin 1947, 2 p. : « Huxley’s appearance was that of a scientist rather than that of a forceful executive » ; « that Dr Huxley’s principal interest in his trip to Peru apeared to be ornithology rather than Unesco ».
[199] Ascher, box 145 : lettre d’Ascher à Koffler, 20 mars 1975 : au sujet des Mémoires de Huxley : « His book made me realize more vividly than I did at the time that Huxley looked on his directorship of Unesco chiefly as an opportunity for usually favorable travel » ; « I realized more keenly his frequent absences from avenue Kleber, especially at moments when we needed him to carry on the work on Unesco ».
[200] Ascher, box 1 : lettre de Ch. Ascher à Juliette Huxley, 17 fév. 1975 : « Sir Julian’s memoirs made me more conscious than I had been that in his view being director general of Unesco was a minor interlude in his carreer as scientist and philosopher and that in retrospect it was the opportunity for travel to the remote parts of the world that excited him ».
[201] OHRO, interview de Charles Ascher, 1969-71 : « I found myself too often having to say to Julian Huxley, « Mr. Huxley, this is a brilliant idea, but I can’t find anything in the constitution of Unesco that suggests that the member states have asked us to be active in this field » ; « Well, this was embarrassing in my relations with Huxley, to have to be that kind of a schoolmaster ».
[202] EU, box 2242 : lt. confid. d’Allan Dawson à Zentz, vice-consul américain au Brésil, 18 août 1947 : « a toprank biologist and a delightful companion if you manage to break trough his intellectual crust but something of an accentric and hardly a genius as an administrator or organizer. The Alice in Wonderland character atmosphere of Unesco ».
[203] J. Huxley, « Pour le progrès de la civilisation mondiale », Courrier de l’Unesco, novembre 1948, p. 6.
[204] Lien-Link n°84 : article de Patrice Vermeren, « Roger Caillois et la fondation de la revue Diogène. Une boussole mentale à l’épreuve de l’Unesco ».
[205] Biogr. Semprun.
[206] Lien-Link n°76 : « Le philosophe chinois fume la pipe dans l’avion » par Jacques E. Godchot.
[207] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 26-27 et 32.
[208] Ibid., p. 26-27.
[209] Ces deux hommes participent en 1946 aux « Conférences de l’Unesco » organisées à la Sorbonne (COM 1, conférences de l’Unesco, 1946 ; Les Conférences de l’Unesco, Paris, éditions de la Revue Fontaine, 1947). En 1946, André Malraux est pressenti par la délégation française pour devenir directeur du service chargé de l’enquête sur les besoins et les ressources en matière de documentation, traduction, publications (Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay).
[210] Ascher, box 1 : lettre d’Ascher à Juliette Huxley, 17 fév. 1975 : « He was the most remarkable man with whom I have ever had contact ».
[211] Journal Métraux, p. 224-225.
[212] Julian Huxley, If I were dictator, Methuen and Co, London, 1934, 122 p., chap 6 : « What a dictator could do with science » (p 62-74). Il préconise la nomination d’un conseil scientifique international, qui mettrait la science au service de la société. Chap 8 : « Social life and education », p. 91-100. Chap 9 : « A policy for leisure », p. 101-107 : il prône une politique de loisir très développée. Chap. 10 : «Art under dictatorship », p. 108-115.
[213] Encyclopaedia Universalis, 1976, article « Julian Huxley », par Pierre Auger. Cf. aussi Joseph Needham, Science and international relations, Blackwell’s, Oxford, 1948. Charles Ascher, Program-making in Unesco, 1946-51, 84 p., Public Administration Service, Chicago, 1951, p. 9.
[214] J. Huxley, Essais d’un biologiste, Paris, Stock, 1946, p. 70. J. Huxley, Les droits de l’esprit, six études sur les aspects culturels de la déclaration universelle des droits de l’homme, réunies par l’Unesco, librairie du recueil Sirey, Paris, Liège, 1950 : Huxley en rédige la préface, intitulée « Les droits de l’homme dans le passé et l’avenir ». Elle est truffée de comparaisons et d’allusions scientifiques. Ce texte témoigne de sa foi totale dans la science. Il pose comme l’« unique but ultime » le « progrès spirituel » de l’humanité.
[215] J. Huxley, op. cit., p. 34-35 : « a greater understanding of the role of science, especially biology and psychology ».
[216] Mansel Davies, « Joseph Needham », in The British Journal for the History of Science, vol. 30, n°1, mars 1997, p. 95-100. Biochimiste et historien, Needham a fait le lien entre science, histoire et religion, et a été parfois surnommé « l’Erasme du XXe siècle ».
[217] Lien-Link n°83 : « Frank Malina and Unesco. Yesterday, Today and Tomorrow », par John E. Fobes. Cf. aussi : http:www.olats.org/pionniers/malina/malina.shtml. Malina est attiré très tôt par l’Unesco après avoir entendu une conférence de Huxley, alors secrétaire exécutif de la commission préparatoire, sur la coopération scientifique. Ayant contacté Huxley à la suite de cette conférence, il entre dès l’année suivante à l’Unesco, au secteur des sciences, où il devient l’adjoint de Joseph Needham.
[218] Biogr. Auger. Who is Who in France, 1975-76 : professeur de physique à la faculté des sciences de Paris (1937-69) ; fondateur et directeur du service de documentation du CNRS (1939-41) ; directeur du département des sciences à l’Unesco (1948-59).
[219] Biogr. Carneiro : 20C/NOM/36, 23 août 1974 ; Lien-Link n°78 : « Centenaire de la naissance de Paulo Carneiro. 1901-1982 » : depuis 1933, chef du laboratoire de recherches de chimie végétale à l’Institut national de technologie de Rio, et professeur de chimie organique à la faculté de médecine du Brésil ; puis professeur à l’Ecole Normale et à l’Ecole polytechnique de Rio ; imprégné de la philosophie positiviste d’Auguste Comte, très influente au Brésil. M. Prévost, op. cit., p. 70 : « jamais mon admiration pour lui ne s’est démentie. Il me semble que l’Organisation se serait bien trouvée de l’avoir pendant un certain temps comme Directeur-Général ».
[220] 2 C/19 Résolutions, chap. 8, cité par G. Archibald, op. cit., p. 195.
[221] Who is Who in France, 1975-76, René Cassin. Discours de Léon Blum, à la conférence constitutive de l’Unesco, 1-16 novembre 1945, ECO/CONF.29/VR.2, p. 40-41 : il exprime des conceptions positivistes, parlant de « progrès » et d’« émulation ».
[222] L’article I de l’acte constitutif évoque le « maintien, l’avancement, la diffusion du savoir ».
[223] Michel Batisse, « Partager la science », art. cité.
[224] Julian Huxley, If I were dictator, p. 94 : « I shall disestablish and disendow the Church, and take over a certain number of cathedrals and churches for national purposes » ; New York Herald Tribune, 28-29 nov. 1959, p. 5 : « Religion sure to disappear, Huxley says. Prediction is made at Darwin Centennial ».
[225] Ronald W. Clark, The Huxleys, Heinemann, London, 1968, p. 312. DGL/Note/75/1 : note d’A. Obligado sur la mort de Huxley, 24 février 1975.
[226] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 46. Lors de sa tournée en Amérique latine en 1947, Huxley est « choqué par l’ignorance et la misère immenses des Amérindiens et des Noirs » (« shocked by the widespread ignorance and misery of the Amerindians and Negroes »).
[227] Encyclopaedia Universalis, 1976, article « Julian Huxley », par Pierre Auger.
[228] Ronald W. Clark, The Huxleys, Heinemann, London, 1968, p. 59. « there is a vast, untapped reservoir of artistic - and intellectual - talent among ‘primitive’ and poverty-stricken communities, only waiting for an opportunity to manifest itself ».
[229] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 45, 59 ; J. Huxley, « Pour le progrès de la civilisation mondiale », Courrier de l’Unesco, novembre 1948, p. 6 : « il m’a été donné de voir de mes yeux les enfants sous-alimentés de la vallée de Marbial en Haïti ».
[230] J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 35 : « la menace de la surpopulation est maintenant généralement reconnue, et j’espère que mes successeurs à l’Unesco seront capables de jouer un rôle important dans un programme mondial de contrôle de population, maintenant activement soutenu par les Nations Unies, et approuvé par la Banque mondiale et l’OMS » (« the menace of surpopulation is now generally recognized, and I hope that my successors at Unesco will be able to play an important part in a world-wide programme of population-control, now actively supported by the UN, and endorsed by the World Bank and WHO »).
[231] SCHM 17 : J. Huxley, Reader’s Digest, fév. 1959 (vol. 74), p. 17-20 : «A leading scientist sounds the alarm about the world’s soaring population : Tomorrow’s problem - too many people ».
[232] OHRO, interview de Charles Ascher, 1969-71.
[233] Charles Ascher, Program-making in Unesco, op. cit., p. 71.
[234] Leo Fernig, « Some Unesco Memories », article en ligne, 3 p., p. 1.
[235] J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 77-78.
[236] W. Laves et Ch. Thomson, op. cit. « Probably no one person more directly influenced the content and direction of Unesco’s programme than did Dr. Huxley » ; phrase citée par Julian Huxley, op. cit., p. 53. René Maheu, « Julian Huxley, un humaniste militant », Le Figaro, 27 février 1975 : Maheu rend hommage à l’engagement de Huxley « au service des grandes causes concernant l’avenir de l’humanité », et à son exceptionnel « culte de la vie ».
[237] J. Huxley, L’Unesco, ses buts, sa philosophie, Paris, Unesco, 1946, p. 8, 19.
[238] Ibid.
[239] Qui, contrairement à ce que le romancier a suggéré dans sa préface écrite au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que dans Retour au meilleur des mondes, publié en 1946, aurait représenté non pas une dénnciation, une satire, mais un idéal pour Aldous Huxley. J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 95-97 : à propos de son frère Aldous : « We were alike in our approach to ideas and problems ». Cf. aussi : Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998, p. 193-201, chapitre : « Julian et Aldous », p. 197-198.
[240] J. Huxley, L’Unesco, ses buts, sa philosophie, op. cit., p. 21- 23.
[241] J. Huxley, Ce que j’ose penser, Paris, 1934 (Londres, 1931).
[242] J. Huxley, L’homme, cet être unique, Paris, éditions de la Baconnière, Neuchatel, 1947 (Londres, 1941), chap. 2 : « L’eugénique et la société », p. 52-110 ; p. 52-53.
[243] J. Huxley, L’homme, cet être unique, op. cit., p. 89-91 et 108. « Il faut que nous soyons à même de reconnaître avec plus de sûreté les lignées génétiquement inférieures, et il faut que nous mettions en mouvement des forces contraires entraînant la reproduction plus rapide des lignées supérieures ». Pour empêcher les classes inférieures de se reproduire trop vite, Huxley suggère : « il ne faut pas qu’elles puissent accéder trop facilement aux secours ou au traitement à l’hôpital ». Cf. André Pichot, La société pure de Darwin à Hitler, Paris, Flammarion, 2000, p. 10 et 15 : « Julian Huxley n’était pas spécialement raciste, sans doute moins que la plupart des autrès généticiens. C’était très certainement un honnête homme, mais il avait les préjugés de son époque et prétendait les justifer par la génétique ».
[244] Ouvrages de J. Huxley sur le thème de l’évolutionnisme : The individual in the animal kingdom, 1912. The Science of Life, 1927 (en collaboration avec H.G.Wells). Ce que j’ose penser, 1934. Nous Européens, 1935, (écrit avec A.C. Haddon, et A.M. Carr-Saunders), édition française éditions de Minuit, Paris, 1947. L’Homme, cet être unique, 1941 (édition française La Presse Française et Etrangère, Paris, 1947). « Evolutionary ethics », discours prononcé au Sheldonian Theatre, 11 juin 1943. The future of the colonies, 1944. Evolution and Ethics, 1893-1943, (écrit avec Thomas Huxley) The Pilot Press Ltd, Londres, 1947. Evolution, the Modern Synthesis, Allen and Unwin, Londres, 1942. Essais d’un biologiste, traduction J. Castier, Stock, Paris, 1946. La Revanche du darwinisme, Conférences du Palais de la Découverte, Paris, 1945-1948. La Génétique soviétique et la Science mondiale, 1949, traduction Jean Castier, Stock, Paris, 1950. Heredity East and West, Lyssenko and world science, 1949. Man in the modern world, 1950. Evolution in action, 1953. Fourmis et termites : les voies de l’instinct, 1955. Education and the humanist revolution, 1962. The elements of experimental embryology, 1963. Essays of a humanist, Chatto and Windus, 1964.
[245] Cf. Huxley, Memories II, op. cit., p. 143-144. Il prône le contrôle des naissances dès les années 1930.
[246] Ronald W Clark, The Huxleys, Heinemann, London, 1968, p. 310-311. « The impact of a suitcase-bomb ». Interview Larnaud : Jean Larnaud, ancien directeur du CCIC, qui a assisté à toutes les conférences générales de l’Unesco, affirme que les idées exprimées par Huxley dans ce pamphlet n’ont en fait pas été prises au sérieux par les délégués.
[247] Note de Cowell au Foreign Office, 27 août 1946, cité par E. Chniti, op. cit., p. 216. Cela se fait notamment sur l’initiative de Cowell et de Brunauer.
[248] EU, box 2241 : lettre confidentielle de Morrill Cody, attaché de relations culturelles, Mexico, au secrétaire d’état américain, 16 juin 1947, 2 p. « In response to a question, he [Huxley] stated emphatically that it was not the aim of Unesco to impose any one culture on the world but merely to bring understanding of all cultures to all countries ».
[249] F. Valderrama, Histoire de l’Unesco, Paris, Unesco, 1995, p. 29 : Valderrama écrit: « Ce document suscita une certaine controverse, au point qu’il circula en tant que témoignage personnel non représentatif des points de vue de la Commission », sans expliquer les raisons de la controverse. J. Thomas, U.N.E.S.C.O., Paris, PUF, p. 48 : s’il résume l’essentiel des idées contenues dans la brochure, J. Thomas omet le passage sur l’eugénisme. Pierre Auger, article « Julian Huxley », Encyclopaedia Universalis, 1976 : il écrit que la brochure « souleva à l’époque des controverses passionnées », mais sans préciser pour quelles raisons ; il ajoute que cette brochure « contenait la plupart des éléments qui furent mis en œuvre dans l’action ultérieure de l’Organisation », ce qui est faux.
[250] Les Conférences de l’Unesco, Paris, éditions de la Revue Fontaine, 1947 : « en manière de conclusion », par J. Huxley, p. 341-360 : p. 351-352 : « L’homme pourrait tirer parti d’une méthode de transformation génétique, s’il appliquait systématiquement les principes de l’eugénique ». Et J. Huxley, « Pour le progrès de la civilisation mondiale », Courrier de l’Unesco, novembre 1948, p. 6 : il affirme comme but ultime « le progres de la civilisation mondiale », la création d’un « humanisme dynamique », « fondé sur une connaissance scientifique de l’univers ».
[251] Les droits de l’esprit, six études sur les aspects culturels de la déclaration universelle des droits de l’homme, réunies par l’Unesco, librairie du recueil Sirey, Paris, Liège, 1950. J. Huxley, préface, intitulée « Les droits de l’homme dans le passé et l’avenir ». p. 8.
[252] La Tribune de Genève, 4 janvier 1957, p. 1 : « La propagande en faveur de la limitation des naissances est-elle inspirée par l’amour du prochain ? » ; New York Herald Tribune, Paris, 28-29 novembre 1959, p. 5, « Religion sure to disappear, Huxley says. Prediction is made at Darwin Centennial ». L’Express, 10 décembre 1959, p. 35-37 : « Document : l’avenir de l’espèce humaine ». New York Times, 18 mai 1961 : « Population issue raised by Huxley. Sir Julian accuses Catholic Church of suppressing it ». The Observer, 31 mars 1963, « Religion without God », par Julian Huxley. The Observer, Sunday 16 juin 1962 : « The brave new world of Julian Huxley », par John Ardagh (commente les propositions faites par Julian Huxley à la Eugenics Society). The Times, Londres, 14 juillet 1965, p. 6 : « Birth control should be ministry responsibility. Sir J. Huxley. ‘Intolerable’ population prospect ».
[253] SCHM 17 : Sunday Times, 17 septembre 1961, p. 29 : « The Tertiary Humanists », par Hugh Trevor-Roper.
[254] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 88 : « Population-increase : I fear it is my King Charles’s head - a head with two faces ; over-population is one, conservation the other ».
[255] Huxley, Memories II, op. cit., p. 249, 257-258.
[256] J. Huxley, « En manière de conclusion », in Les Conférences de l’Unesco, Paris, éditions de la Revue Fontaine, 1947, p. 341-360. p. 347 : « quelle que puisse être l’origine de l’univers, et quel que puisse être son destin ultime, une certaine tendance qui mérite bien le nom de progrès s’y manifeste ».
[257] Sarah C. Bates, Mary G. Winkler, A guide to the papers of Julian Sorell Huxley, op. cit.
[258] J. Huxley, « En manière de conclusion », in Les Conférences de l’Unesco, p. 344 : « il n’est que trop évident que, vue dans la perspective de l’Evolution, l’humanité se trouve actuellement dans une situation critique ».
[259] M.H. Holcroft, Lebanon. Impressions of a Unesco conference, 1949, 88 p., the Caxton Press, Christchurch, p50. « A certain amount of controversy ». Interview Larnaud.
[260] M.H. Holcroft, op. cit., p. 50. R.W. Clark, The Huxleys, Heinemann, London, 1968, p. 316. « warmth from his own temperament ». Selon Clark, ce serait grâce à cet immense enthousiasme insufflé par Huxley que l’Unesco aurait surmonté les innombrables difficultés des premières années.
[261] J. Huxley, « Pour le progrès de la civilisation mondiale », Courrier de l’Unesco, novembre 1948, p. 1 : l’Unesco lui apparaît comme un « rayon d’espoir sur les eaux sombres et troublées du monde actuel ».
[262] H.H. Krill de Kapello, « The Creation of the Unesco », International Organization, vol. 24, n° 1, hiver 1970, p. 1-30. FR., NUOI carton 835, note de la DGCAT, 17 juillet 1950 : « atmosphère de ferveur et de sincérité ».
[263] FR, NUOI carton 333 : direction des affaires culturelles, service de l’Unesco, note intitulée : « La deuxième session du conseil exécutif et le rôle de la France à l’Unesco », 3 août 1947.
[264] Interview Mme Morazé.
[265] L’Hôtel Majestic a par la suite servi pour les négociations sur le règlement de la guerre du Vietnam, puis le ministère français des affaires étrangères l’a converti en un centre de conférences internationales (Peter Lengyel, op. cit., p. 15).
[266] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 236. J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 15 : Torres Bodet évoque son trouble en pensant au précédent occupant de son bureau : « l’idée que [mon bureau] ait été probablement occupé, avant la victoire des Alliés, par quelque adorateur de la croix gammée [...] ne cessait de m’importuner » (« No dejaba de importunarme la idea de que lo hubiese ocupado probablemente, antes de la victoria de los aliados, algun oficial germanico, adorador de la cruz gamada »). EU, box 1602 : US National commission for Unesco, 8e session, Washington DC : « How far has Unesco come ? », discours de Walter Laves, 13 avril 1950, 9 p., p. 2 : Laves témoigne que lorsqu’il est entré à l’Unesco en janvier 1947, « la guerre était encore fraîche dans l’esprit des hommes et […] en France des signes nous le rappelaient quotidiennement ». (« the war was still fresh in men’s minds and daily reminders of it were to be seen throughout the countries of Europe and particularly in France »). E. Delavenay, op. cit., p. 338. Interview P. Koffler.
[267] Interview P. Koffler.
[268] Interview P. Koffler.
[269] Lien-Link n°81 : « How I entered Unesco », par F. H. Potter : « the great Dr. Julian Huxley ».
[270] M. Prévost, op. cit., p. 9.
[271] Journal Métraux, 4 août 1954 : « Je déjeune avec Julian Huxley chez Edouard. Huxley est très en forme. C’est un feu d’artifice de pensées, d’anecdotes et d’histoires drôles ».
[272] Interviews P. Koffler, A. Grinda, Mme Morazé.
[273] Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay.
[274] Lien-Link n°82 :« Luther H. Evans et l’affaire des Américains », par Pierre Henquet.
[275] Lien-Link n°75 : nécrologie de Michel Tailamé par Jean Millérioux. Interview Grinda.
[276] O. Felgine, op. cit., p. 371 : « l’atmosphère enfiévrée des débuts de l’Unesco et les pittoresques conditions de travail laisseront de bons souvenirs à beaucoup de pionniers ».
[277] Leo Fernig, « Some Unesco Memories », article en ligne, 3 p., p. 1. « his spirit was still there ».
[278] Interview Tocatlian.
[279] Interviews Batisse, Grinda, Mme Morazé. M. Prévost, op. cit., p. 9.
[280] Julian Huxley, Memories II, p. 36 : « a perpetual rush - and a heat-wave ».
[281] Julian Huxley, Memories II, p. 34. « One fact struck me in those early days. Vital young people came to me to ask : « What can we do for Unesco ? » Indeed, the staff as a whole was imbued with enthusiasm for this new international venture. Alas, this fine pioneer spirit lasted only a few years, and was later too often superseded by the question : « What can Unesco do for me ? » ».
[282] 12 C/INF/12, 16 novembre 1962 : discours prononcé par R. Maheu devant la conférence générale lors de son entrée en fonctions, p. 2.
[283] René Maheu, « Julian Huxley, un humaniste militant », Le Figaro, 27 février 1975.
[284] FR, Nantes, carton 117 : lettre de P. Auger à Parodi, ambassadeur de France, délégation aux Nations Unies, 29 octobre 1946.
[285] EU, box 2241 : lettre confidntielle d’Albert Noyes, conseiller de la délégation américaine à la 1e session de la conférence générale de l’Unesco, à William Benton, assistant secrétaire d’état, 24 décembre 1946, 16 p., p. 12-13 : « the excellent feeling » ; statement by the honorable William Benton, commemorating W. Wilson’s birthday, broadcast over the American broadcasting system, 28 décembre 1946, 3 p.
[286] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 56-60 : discours de Huxley, p. 56 ; exposé de Huxley à la conférence de presse de Berne, 17 janvier 1948, p. 8. A cette conférence de presse, il affirme sa confiance en le fait que l’Unesco rassemblera « la collaboration active de tous ceux qui ne veulent pas accepter la fatalité de la guerre et croient que l’homme peut vaincre les forces de haine et de division qui menacent le monde ».
[287] Journal de la conférence générale 1947, vol. I, p. 69 : délégué de Grèce, A. Photiades : « le monde civilisé a les yeux sur nous ».
[288] Ibid., p. 72.
[289] Ibid., p. 60 (S. Radakrishnan).
[290] M.H. Holcroft, op. cit., p. 35 : « The promotion of international understanding is one of the finest enterprises in which the human race is at present engaged, and the one most likely to have its ultimate effect in the reduction of political tensions ».
[291] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 65 (J.C. Kilestra, Pays Bas)
[292] Lien-Link n°83 : « Sandy Koffler. Un battant », par René Caloz.
[293] Lien-Link n°74 : « Tribute to T.C. Young », par Mahdi Elmandjra.
[294] R. Maheu, « Quel peut être notre rôle dans un débat politique ? », Courrier de l’Unesco, juin 1948, p. 7-8.
[295] OHRO, interview de Luther Evans, p. 349 : « Huxley realy was in many ways a very satisfactory DG ».
[296] Biogr. Bernard Drzewieski : Unesco/Biographies/12, 10 oct. 48.
[297] FR, NUOI 1946-1959, (S 50), carton 333 : Commission nationale provisoire pour l’éducation, la science et la culture, fév. 1947 : rapport sur la conférence générale de l’Unesco, 11 p., p. 5-6. MacLeish se montre très enthousiaste également.
[298] Discours de Benton, 28 décembre 1946, doc. cit.
[299] EU, box 2241 : lettre confidntielle d’Albert Noyes, conseiller de la délégation américaine à la 1e session de la conférence générale, à William Benton, assistant secrétaire d’état, 24 déc. 1946, 16 p., p. 16.
[300] EU, box 2241 : rapport confid. d’Albert Noyes à William Benton, 24 déc. 1946, 16 p. : « admirable in its broad aspects » ; « exceedingly amicable ».
[301] EU, box 2241 : mémo de Charles A. Thomson à Warren Kelchner, 29 mai 1947.
[302] Cité dans RP/8, 25 nov. 1947 : La Croix.
[303] EU, box 2241 : discours de William Benton, diffusé par le Columbia broadcasting system, 23 déc. 1946, 7 p., p. 1 ; FR, Nantes, carton 117 : rapport confid. du ministre des affaires étrangères français aux agents diplomatiques de la République française à l’étranger, 3 août 1947 : « la deuxième session du conseil exécutif et le rôle de la France à l’Unesco », p. 6-7.
[304] EU, box 2241 : statement by the honorable William Benton, before the Chicago Council of Foreign Relations, 9 janvier 1947, 7 p. « There is abroad in the world, among ordinary people, a deep if vague yearning for the ends Unesco is designed to serve ».
[305] EU, box 2241 : statement by the honorable William Benton, assistant secretary of state, before the Chicago Council of foreign relations, 9 janv. 1947, 7 p. ; EU, box 2242 : lt. de Benton à Lovett, 28 août 1947 : cite une lettre reçue de Donald Stone ; « are approaching their program problem in a more constructive manner than any other specialized agency of the United Nations » ; EU, box 2241 : statement by the honorable William Benton, broadcast over the Columbia broadcasting system, 23 déc. 1946, 7 p., p. 2. « Potentially, Unesco is a political force of the first magnitude ».
[306] Journal de la conférence générale de 1947, vol I : compte-rendu des débats, 7e séance plénière, 11 nov. 1947, p. 112-113 ; OHRO, interview de Luther Evans, p. 344-347 : « rather confused » ; « a confused meeting » ; « The people didn’t know how much money they ought to vote ; they didn’t know what kind of a program they ought to have » ; Benton a dit « that the programme that had been presented had a lot of rather fanciful stuff in it. It had a lot of pie in the sky kind of thing. It had rather ambitious ideas which didn’t strike diplomats and politicians as being very realistic ».
[307] Pierre-André Taguieff, Le racisme, Paris, Flammarion, Dominos, 1997. Il définit l’universalisme comme une « vision de l’humanité reposant sur l’affirmation d’une commune nature de tous les groupes humains et de la légitimité d’exigences universelles. C’est la doctrine de l’unité fondamentale du genre humain, par-delà toutes les différences biologiques et culturelles ».
[308] Par exemple, en 1945 est fondé aux Etats-Unis, sous la haute autorité du président de l’université de Chicago, Dr. Robert Hutchins, un comité composé d’intellectuels et d’éducateurs, qui vise à élaborer une constitution mondiale (Committee to frame a World Constitution). Ce comité est évoqué par Jacques Maritain, in : Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 28-30.
[309] G. Archibald, op. cit., p. 247-248. Idéal dont il poursuit le développement en 1946 dans One World in the Making (Naissance d’un monde unique), ainsi que dans le discours qu’il prononce en mars 1946 devant l’American Association of school administrators à New York.
[310] R. Tagore, Vers l’homme universel, Paris, 1947 ; édition anglaise en 1941. Cf. Prem Kirpal, « Valeurs culturelles, dialogue entre les cultures et coopération internationale », in Problèmes de la culture et des valeurs culturelles dans le monde contemporain, Unesco, 1983, p. 67-78, p. 68.
[311] Pierre-André Taguieff, Le racisme, op. cit. : « vision de l’humanité reposant sur l’affirmation d’une commune nature de tous les groupes humains et de la légitimité d’exigences universelles. C’est la doctrine de l’unité fondamentale du genre humain, par-delà toutes les différences biologiques et culturelles ».
[312] ECO/CONF.29/VR.2 : discours de L. Blum à la conférence constitutive de l’Unesco, p. 40-41.
[313] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 60.
[314] Lin Yutang, « De l’Orient à l’Occident, un même effort culturel », Le Courrier de l’Unesco, n° 8, septembre 1948, p. 3.
[315] R. Maheu, « Quel peut être notre rôle dans un débat politique ? », Courrier de l’Unesco, juin 1948, p. 7-8.
[316] Stephen Duggan, « The Inspiration of Unesco », The Journal of Higher Education, vol. 18, n°3, mars 1947, p. 124-127.
[317] Commission préparatoire, op. cit., p. 12 ; collectif, L’Institut international de coopération intellectuelle, 1925-1946, Paris, IICI-Unesco, 1946, p. 3 : avant-propos de Jean-Jacques Mayoux.
[318] A travers la « conférence permanente des hautes études internationales », créée en 1928, et le « Comité permanent des lettres et des arts », créé en 1931.
[319] F. Valderrama, op. cit., p. 88.
[320] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 71, Carneiro (Brésil) ; p. 63-64, Emilio Abello, (Philippines) : « de tous les Asiatiques, nous sommes ceux qui comprenons le mieux la culture occidentale, bien que nous soyons les fils de l’Orient. Notre exemple est la preuve qu’une fusion harmonieuse est possible entre les cultures, même à l’échelle mondiale ».
[321] Biogr. S. Jacini : Biographies/37, 16 septembre 1949 ; EU, box 2254 : M.C. Boulad, « Un entretien avec le comte Jacini, président de la délégation italienne à l’Unesco », La Bourse égyptienne, 2 décembre 1948, p. 1 et 6.
[322] Arthur Bonhomme, prêtre protestant, est délégué d’Haïti à la 2e conférence générale de l’Unesco.
[323] Unesco and a world society, His majesty’s stationery office, Londres, 1948, ministry of education pamphlet n°12, 46 p., p. 24 : « a powerful Christian element ».
[324] M.H. Holcroft, op. cit., p. 64-67. « the most potent of all infleunces in the changing of attitudes ».
[325] Biogr. S. Radhakrishnan : Unesco/Biographies/43, 16 septembre 1949. Il a enseigné l’éthique et l’histoire des religions orientales à l’université d’Oxford et l’histoire comparée des religions à l’université de Chicago pendant l’entre-deux-guerres.
[326] J. Huxley, L’Unesco, ses buts, sa philosophie, Londres, 1946, p. 5, 18.
[327] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 56-60 : discours de Huxley.
[328] Les Conférences de l’Unesco, Paris, éditions de la Revue Fontaine, 1947 : « en manière de conclusion », par J. Huxley, p. 341-360, p. 343. « Lorsqu’il n’existera plus qu’une tradition commune à toute notre espèce et surtout lorsque son unité prendra une forme structurale, par exemple celle d’un gouvernement mondial unique, l’emploi de la violence et les révolutions seront beaucoup moins à craindre, et les chances d’un progrès réalisé graduellement par des méthodes pacifiques et plus rapides à la longue seront accrues. [...] de telles modifications de structure ou d’organisation ne peuvent s’accomplir que lentement. Dans l’intervalle, toute action qui peut faciliter le mélange des traditions et leur union féconde en un fonds commun contribuera à hâter l’avènement de ce gouvernement mondial et apportera certainement par elle-même un élément indispensable au plein épanouissement du progrès. De ce point de vue, l’action de l’Unesco apparaît comme une intervention capitale à un stade spécial de l’évolution de l’homme ».
[329] J. Huxley, « Pour le progrès de la civilisation mondiale », Courrier de l’Unesco, novembre 1948, p. 6 : « L’apparition d’un tel humanisme dynamique […] semble indispensable pour que l’homme parvienne à effectuer une synthèse des diverses valeurs qui se dégagent de la foule de croyances et de doctrines opposées existant dans le monde aujourd’hui, et à entreprendre sur le plan mondial une action fructueuse ».
[330] J. Huxley avait déjà eu un différend avec lui au sujet de ses idées sur la religion, lorsqu’il était professeur de zoologie au King’s College de Londres, dont Baker etait le principal. Cf. F. Clark, op. cit.
[331] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 16 : « an atheist attitude disguised as humanism ».
[332] Unesco and a world society, op. cit., p. 24 : « Unesco is not by any means motivated only by scientific humanism » ; « materialist traps ».
[333] IT, Gabinetto, pacco 99 : note pour le ministre, par Mameli, 18 août 1950, 6 p., p. 2-3 : « nettamente di sinistra » ; « notoriamente utopista » (Mameli est ancien chef de cabinet de Mussolini, cf. E. Delavenay, op. cit., p. 371).
[334] EU, box 2241 : lettre confidentielle de Morrill Cody, attaché de relations culturelles, Mexico, au secrétaire d’état américain, 16 juin 1947, 2 p. : il relate la visite de Huxley au Mexique. « In response to a question, he stated emphatically that it was not the aim of Unesco to impose any one culture on the world but merely to bring understanding of all cultures to all countries ».
[335] Time, 1er septembre 1952, p. 34-35. Huxley exprime ces idées à l’université d’Amsterdam, le 21 août 1952, à l’occasion du 1er Congrès international sur l’humanisme et la culture éthique (réunisant 250 délégués d’Europe et des Etats-Unis) ; New York Times, 22 août 1952, p. 4 : « Huxley hails humanism’s new religion : Man can control destiny, world body told ».
[336] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 16.
[337] Rapport confidentiel du ministre des affaires étrangères français, « La deuxième session du conseil … », 3 août 1947, p. 5.
[338] E. Delavenay, op. cit., p. 367.
[339] Chris Osakwe, The participation of the Soviet Union in Universal International Organizations. À political and legal analysis of soviets strategies and Aspirations inside ILO, UNESCO and WHO, A.W. Sijthoff Leiden, 1972, 194 p., p. 165.
[340] Journal de la conférence générale, 1e session, 1946, p. 38-41 (Ribnikar).
[341] FR, NUOI carton 333 : commission nationale provisoire pour l’éducation, la science et la culture, février 1947, rapport sur la conférence générale de l’Unesco, 11 p., p. 5-6.
[342] J.-J. Mayoux, La coopération intellectuelle internationale, op. cit., introduction. « La présence de l’URSS aux conseils et aux travaux de l’Unesco est indispensable, et ne sera peut-être acquise que lorsqu’elle se sentira certaine de n’être jamais entraînée dans un vaste système de propagande pour un genre de vie et un système politique et social, contre ceux qui lui sont propres ».
[343] RP/16, 19 février 1948 : en novembre 1947, la revue UN World, publiée par l’ONU, affirme que l’idée d’une philosophie de l’Unesco est officiellement abandonnée.
[344] Journal de la conférence générale, 1947, vol. I, p. 31, Maritain ; J. Thomas, UNESCO, Paris, PUF, 1962, p. 48 : il commente ces propos de Maritain : « On devait plus tard s’y référer à mainte reprise ; jamais, dans les annales de l’organisation, un tel effort n’a été accompli pour tracer la voie qu’elle devait suivre ».
[345] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 66 ; p. 56-57.
[346] Propos de Jean Thomas cités par Richard Hoggart, op. cit., p. 91-92.
[347] OHRO, interview de Luther Evans, p. 332 : à la conférence de Londres, il a travaillé en collaboration avec Jean Thomas. « I found him a wonderful collaborator, but we had some difficulties understanding one another because I knew little french and he knew very little english and we did not have adequate interpretation arrangements ».
[348] Peter Lengyel, op. cit., p. 12.
[349] Rapport de la Commission du programme, Unesco, Paris, 1946, Unesco/C/30, p. 219 ; EU, box 2241 : rapport de Benton du 23 décembre 1946 (doc. cité), p. 2 ; box 2243 : lettre de W. Benton à G.C. Marshall, secrétaire d’état, 26 septembre 1947.
[350] Journal Métraux, p. 215 : 3 septembre 1947 : « long déjeuner avec Thomas qui insiste sur la nécessité d’harmoniser chaque projet de l’Unesco avec la notion de paix ».
[351] EU, box 2244 : USDel/3, Program/1, Mexico city, 6 novembre 1947, US delegation, 2nd session of the general conference of Unesco, suggested notes on the draft program of Unesco, by the Unesco relations staff, 6 p., p. 3-4.
[352] EU, box 2240 : télégramme de Caffery, de l’ambassade américaine de Paris, au secrétaire d’état, 12 avril 1947, 6 p., p. 4.
[353] IT, Gabinetto, pacco 99 : J. Huxley, « Unesco : the first phase. I. The Two Views », Manchester Guardian, 10-11 août 1950.
[354] FR, NUOI carton 333 : note du 3 août 1947 (citée).
[355] EU, box 2243 : NC 3/6 (Rev), 22 septembre 1947, US National commission, 3rd meeting, Chicago, report by the US National Commission for Unesco on the program of Unesco for 1948 and on related matters, 6 p.
[356] EU, box 2254 : memorandum to the secretary on the Unesco conference at Beirut, nov. 17 - dec. 11, 1948, par George V. Allen, président de la délégation américaine, p. 23 ; « clearer recognition of National commissions as agencies of the first importance in carrying out the Unesco program » ; box 2244 : USDel/23, Ext Rel/3, Mexico City, 6 novembre 1947, US delegation, 2nd session of the general conference of Unesco, background paper on relations and communications with member states and national commissions ; box 2254 : lt. de Milton Eisenhower à George Allen, confidential report on 3rd general conference of Unesco, décembre 1948, 5 p., p. 3-4.
[357] Journal de la conférence génerale, 1947, vol. I, p. 104 : Stephan Wierblowski (Pologne).
[358] EU, box 2242, lt. confid. de Allan Dawson à Zentz, vice-consul américain au Brésil, 18 août 1947 : « Unesco is not too practical an organization » ; « impracticability » ; OHRO, interview de Luther Evans, p. 313.
[359] OHRO, interview de Charles Ascher, 1969-71 : p. 329 : I would say to Huxley, « I don’t see any clause in the constitution that gives us the basis for doing this ». He would say, « Well, you know, that phrase about common welfare of mankind ». I’d say, « But Dr Huxley, that’s in the preamble. That is not an operative clause ». But Huxley was always falling back on that » ; Ascher, box 145 : lt. de Donald C. Stone, assistant director in charge of administrative management, à Huxley, 8 août 1946, 4 p. ; RP/31, 17 juin 1948 : le Journal (Ind. Portland, Ore.) reproduit une partie du discours de George Stoddard à la conférence régionale du Pacifique.
[360] Julian Huxley, Memories II, op. cit., p. 44. Il se dit frappé de la « parisophilie » (« parisophilia ») des délégués et du personnel latino-américains.
[361] J.-J. Renoliet, op. cit., p. 330. À l’époque de l’IICI, le clan latin était prééminent, ce qui avait entraîné un désengagement des pays anglo-saxons.
[362] E. Delavenay, « Mes souvenirs de J. Thomas », article cité. « Pour ceux qui l’ont connu, il était et restera l’incarnation du « C » dans le sigle Unesco ».
[363] Julian Huxley, Memories II, op. cit., p. 18. « Thomas and I got on excellently througout my term of office ».
[364] RP/12, 21 janv. 1948 : « Relazioni Internazionali », 27 déc. 1947 : M de Ruggiero.
[365] FR, NUOI carton 333 : note du 3 août 1947, doc. cité ; note pour le ministre, par la délégation française à l’Unesco, 11 décembre 1946, 3 p.
[366] RP/3, 20 octobre 1947 : Arts, 10 octobre 1947.
[367] FR, NUOI carton 333 : note pour le ministre, par la délégation française à l’Unesco, 11 décembre 1946, 3 p.
[368] FR, NUOI carton 333 : commission nationale provisoire pour l’éducation, la science et la culture, rapport sur la première conférence générale de l’Unesco, février 1947, 11 p., p. 3-4.
[369] FR, NUOI carton 333 : discours de L. Blum à la dernière séance plénière de la conférence générale, 10 décembre 1946, 3 p.
[370] FR, NUOI carton 333 : note du 3 août 1947 (citée), p. 12-15.
[371] Journal de la conférence générale, 1947, vol. I, p. 104-105, Stephan Wierblowski (Pologne).
[372] ONU, RAG 2 /76, box 10 : lt. de D. Osborne à H. Laugier, 25 nov. 1946 : rapport préliminaire sur la 1e conférence générale de l’Unesco, première semaine : les Etats-Unis soulignent la « nécessité d’atteindre les masses et de ne pas rester au stade du club intellectuel » ; OHRO, interview de Luther Evans, p. 311 : « we did think that we were engaged in the mobilization of education, science, culture, and we put in mass communication as a sort of fourth field of work that wasn’t in the title ».
[373] Benton, box 387 : lt. de Benton à G.J. van Heuven Goedhart, 11 juin 1948.
[374] G. Archibald, op. cit., p. 93 ; EU, box 2241 : rapports de Benton, 23 et 28 décembre 1946, doc. cités.
[375] EU, box 2254 : Marcel Perrier, « La politique ne peut pas grand-chose pour la paix », nous dit M. Georges Allen, secrétaire d’état adjoint des Etats-Unis », Le Journal d’Egypte, 6 décembre 1948 (interview d’Allen).
[376] EU, box 2243 : NC 3/6 (Rev.), 22 septembre 1947, US National Commission, 3rd meeting, rapport cité. La commission nationale américaine déplore que l’Unesco ait abandonné le projet de réseau international de radio Unesco. Cf. aussi G. Archibald, op. cit., p. 197.
[377] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 64 et passim.
[378] Elhem Chniti, op. cit.
[379] RP/10/49, 13 avril 1949 : Education Digest, mars 1949.
[380] Benton, box 388 : lt. de G.D. Stoddard à Benton, 15 déc. 1947.
[381] J. Huxley, « Unesco : The first phase, I. The two views », Manchester Guardian, 10 août 1950, « the program of Unesco should consist mainly of a rather large series of projects, none of them singly of outstanding importance for world peace, but collectively forming the necessary foundation for any future peaceful world ».
[382] Charles Ascher, Program-making..., op. cit., p. 10 ; EU, box 2241, rapport de Benton du 23 décembre 1946 (rapport cité) ; office memorandum de Kotschnig à Thomson, 10 juin 1947 ; Peter Lengyel, op. cit., p. 12. Il estime que le programme à la conférence générale de 1946 est « a mixed bag ».
[383] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 72 : Carneiro juge le programme « trop hétéroclite » et « trop dispersé » ; Ibid., p. 84-87 : Beeby (Nouvelle Zélande) : l’Unesco devrait plutot « accompli[r] un petit nombre de tâches, mais à la perfection » ; Ibid., p. 65-66, Kilestra (Pays Bas) : « ce n’est qu’en mettant en œuvre des projets pratiques dans un domaine limité que nous obtiendrons les résultats que nous désirons tous » ; Ibid., p. 112-113 : Mme Aruna Asaf Ali (Inde) juge le programme « trop complexe, trop vaste » ; Ibid., p. 93 : Ronald Walker (Australie) dénonce « la hâte apportée à l’exécution simultanée de trop de projets disparates. Il en est résulté une perte de temps et d’énergie pour le Secrétariat et certains projets ont été entrepris sans une conception très nettre des buts envisagés » ; Ibid., p. 104-105 : S. Wierblowski (Pologne) déplore la « dispersion des actitivés » ; Ibid., p. 75, D.R. Hardman (Royaume-Uni) : « nous n’avons pas mis notre programme en accord avec notre budget. En conséquence, nous avons chargé d’un fardeau intolérable le conseil exécutif et le Secrétariat, et nous devons nous en prendre d’abord à nous-mêmes si nous nous sentons déçus par le peu de progrès accompli » ; FR, NUOI carton 333 : rapport de la commission nationale sur la 1e conférence générale, février 1947, 11 p., p. 4.
[384] RP/3, 20 octobre 1947 : L’Epoque, 11 octobre 1947 : « cette année, il semble que l’Unesco […] ait compris que sa tâche devrait être définie, claire, précise, et le programme composé pour 1948 est simple ».
[385] FR, rapport confidentiel du 3 août 1947 (doc. cité), p. 3.
[386] EU, box 2254 : rapport confidentiel de la délégation américaine à la 3e conf. gén. de l’Unesco, d’Otis Mulliken à G.V. Allen, 8 décembre 1948, p. 5-6. « There is still too much vaguenesss and too wide dispersion in the program. There has been in my opinion too little willingness and ability on the part of the delegations to subject operations and future programs to hard-headed, critical analysis.The Conference contains too many men of good-will and too few who are willing to be realistic at the risk of offending professional colleagues ». Il déplore « the inevitable lobbying of special and sometimes petty interests » et « an unplanned chaos of unrelated, unintegrated, fragmented projects, the utility of many is recognizable only by the exercize of considerable powers of imagination » ; « the Conference has suffered some failure in that no ideas or programs have emerged which possess an intrinsic and obvious appeal to the people of the world » ; memorandum to the secretary on the Unesco conference at Beirut, décembre 1948, par George V. Allen. Il juge le programme « too vague and diffuse » ; RU, ED 157/348, lettre d’A. Thomson à A.D. Bird, 17 novembre 1948.
[387] M.H. Holcroft, op. cit., p. 33 ; X 07. 83 Thomas, II : rapport de mission de J. Thomas, 22 mars 1948, 12 p., p. 2. : « Unesco is still having difficulties in planning a concise program ».
[388] Biogr. Huxley : exposé de Huxley à la conférence de presse de Berne, 17 janvier 1948, p. 8.
[389] IT, Gabinetto, pacco 99 : rapport du 18 août 1950 (doc. cité), p. 1. Cite les paroles prononcées en 1948 par Williams.
[390] X 07. 83 Thomas, II : rapport de mission de Jean Thomas, 22 mars 1948, 12 p., p. 5-6.
[391] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 24. « a starry-eyed hope rather than a guide to practical action ».
[392] ECO/CONF.29/VR.2 (1945), Conférence des Nations Unies en vue de la création d’une Organisation pour l’éducation, la science et la culture, Londres, 1-16 novembre 1945, p. 40-41 : discours de L. Blum.
[393] Ibid., p. 23-24. « No honest eye regarding the history of recent centuries can say that wars begin among the backward and illiterate populations. Poverty, lack of vitality and a high death rate have, on the whole, kept them peaceable ».
[394] Chapitrès 11, 12, 13 de la charte de l’ONU. Les organes des Nations Unies qui s’occupent des territoires non autonomes sont : le Conseil de tutelle, le Comité special pour l’examen des renseignements transmis en application de l’article 73, et le département de la tutelle et des renseignements provenant des territoires non autonomes.
[395] Articles 9 et 10 de l’accord ONU-Unesco.
[396] L’Unesco, dès sa création, se fait donc représenter aux réunions du Conseil de tutelle et du Comité spécial des territoires non autonomes, et établit des relations étroites avec le département de la tutelle et des renseignements provenant des territoires non autonomes.
[397] 330.19 (8) A 01 IIHA, I : lt. de Carneiro à Huxley, 16 avril 1947.
[398] En 1947, la conférence générale recommande que l’« on accorde toute l’attention voulue à servir, par les voies appropriées, les fins de l’Unesco et de son programme, dans les territoires sous tutelle et dans les territoires non autonomes » (Gail Archibald, op. cit., p. 69).
[399] Armando Cortesao, « Problèmes d’éducation dans les colonies », Courrier de l’Unesco, septembre 1948, p.7.
[400] J. Huxley, « Pour un Conseil de l’art colonial », Courrier de l’Unesco, septembre 1949, p. 21. Cet article est aussi paru dans le Sunday Times.
[401] ECO/CONF/29, p. 30654 ; ECO/CONF/COM, 1/9 ; ECO/CONF/29, p. 37. Cité par P. Jones, op. cit., p. 20-22. L’amendement à l’Acte constitutif de l’Unesco proposé par la délégation mexicaine, demandant d’insister davantage sur les responsabilités de l’Unesco dans cette tâche d’égalisation, n’est pas adopté.
[402] « La France vient de frapper une médaille ‘Unesco’ », Courrier de l’Unesco, juin 1948, p. 2.
[403] Journal de la conférence générale, 1947, vol. I, p. 62, S. Radakrishnan.
[404] RP/5, 4 novembre 1947 : Contemporary Review, Londres, octobre 1947 : article d’Ibkal Ali Shah accusant l’Unesco de « cultural exclusiveness », et approuvant les plaintes de Radakrishnan. « Unesco is predominantly a European institution which does not take into account the rich oriental cultural heritage with its message for the world today ». Selon lui, l’Unesco n’est constituée que d’un « western bloc, culturally speaking » ; il estime qu’elle doit ouvrir ses portes à l’Orient pour « justify its being regarded as a valid international body ». RP/8, 25 nov. 1947 : New York Herald Tribune, 9 novembre 1947 : article soutenant les critiques de Radakrishnan sur la prégnance du « sense of superiority of the western European and American culture » à l’Unesco.
[405] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, p. 75, D.R. Hardman (Royaume-Uni) ; p. 77-81, W. Benton (USA) ; p. 112, Mme Aruna Asaf Ali (Inde).
[406] Biogr. Kuo Yu-shou : Unesco/Biographies/26, 10 octobre 1948. Il est nommé en 1948 conseiller spécial sur l’Asie et l’Extrême-Orient auprès du directeur général. Il quitte l’Unesco en septembre 1950.
[407] Biogr. Lin Yutang, Unesco/Biographies/17, 10 octobre 1948.
[408] Biogr. S. Radhakrishnan, Unesco/Biographies/43, 16 septembre 1949.
[409] J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 23. « To stress the universal character of Unesco, it was felt that we should have a coloured man on the staff » ; « he proved not to be of much use ».
[410] Enfants sans foyer, compte rendu des travaux de la conférence des directeurs de communautés d’enfants, Trogen-Heiden, Suisse, préparé par Thérèse Brosse, Paris, Unesco, 77 p., non daté, p. 69.
[411] 329.18 A 53 CIPSH : I : rapport sur l’enquête sur la liberté, par H.J. Pos, 18 p., non daté. Liste des auteurs ayant participé à l’enquête. En outre, le nombre de délégués par pays est révélateur lui aussi du poids prépondérant de certains Etats à l’Unesco : le pays qui a le plus de représentants est la France (18) ; ensuite viennent les Etats-Unis (10), puis la Suisse (6) et le Royaume-Uni (4).
[412] Journal de la conférence genérale de 1947, vol I : p. 58-59, Huxley.
[413] Interview Larnaud.
[414] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 26-27.
[415] Interview Deliance ; Maurice Quéguiner, Education de base. Préoccupations catholiques et initiatives de l’Unesco, Paris, CCIC, non daté, 112 p., p. 108-109.
[416] Interview Larnaud.
[417] X 07. 83 Thomas, II : rapport de mission de J. Thomas, 22 mars 1948, 12 p., p. 2. En 1948, à l’Ecosoc, les critiques contre l’Unesco sont majoritaires parmi les délégués ; M.H. Holcroft, op. cit., p. 60-61. Il évoque les « general misgivings », « apprehension » et « desillusion » ressentis par lui-même et les autres délégués.
[418] Rapport de J. Thomas, 22 mars 1948, doc. cité, p. 5-6.
[419] René Maheu, « Julian Huxley, un humaniste militant », Le Figaro, 27 février 1975.
[420] José Luis Martinez, Semblanzas de Académicos, ediciones del centenario de la academia mexicana, México, 1975, 313 p., article sur Torres Bodet ; Seth Spaulding et Lin Lin, Historical Dictionary of the UNESCO, The Scarecrow Press, Inc., Lanham, Md., and London, 1997, 500 p., p. 48 ; P. Jones, op. cit., p. 38.
[421] Courrier de l’Unesco, décembre 1948, p. 2 : « En deux ans, 1 200 000 Mexicains apprirent à lire. Biographie de M Torres Bodet ».
[422] M.H. Holcroft, op. cit., p. 47 : « a statesman, an educationist, an essayist, a writer of novels and a poet » ; J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 67 : « his pride in Unesco, and his self-assurance in the rightness of his views ».
[423] DG/1, Paris, 10 décembre 1948, 11 p., p. 2.
[424] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 67.
[425] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 107.
[426] DG/9/49, 11 avril 1949, p. 1 : il rappelle que l’Unesco « a été créée au cours des années les plus difficiles, sur le plan politique, qu’ait connu notre siècle tourmenté » ; DG/38, 24 octobre 1949 : « la guerre qui vient de bouleverser l’humanité fut dans l’histoire une crise sans précédent. […] La voie de la coopération internationale, nous commençons à peine à la frayer dans les ténèbres, les mains encore rouges de sang » ; DG/54, message de Torres Bodet à l’occasion du Nouvel An, p. 1 : « par deux fois depuis [1900], la terre s’est couverte de larmes et de sang ». Il évoque les « deux catastrophes sans précédent [qui] se sont abattues déjà sur ce XXe siècle ».
[427] DG/182, 4 août 1952, p. 5 ; propos semblables dans DG/179, 24 juin 1952, p. 1.
[428] DG/182, (doc. cité), p. 5.
[429] DG/21, 4 juill. 1949.
[430] DG/73, 22 avril 1950 p. 5.
[431] DG/168, 6 février 1952, p. 9.
[432] DG/182, doc. cité, p. 5.
[433] DG/191, 8 novembre 1952, p. 5.
[434] DG/171, 5 mai 1952, p. 1.
[435] DG/177, 15 juin 1952, p. 5.
[436] DG/54, message de Torres Bodet à l’occasion du Nouvel an 1954, p. 2.
[437] DG/1, 10 déc. 1948, 10 déc. 1948, 11 p., p. 10.
[438] DG/4/49, 20 janvier 1949, 22 janvier 1949, p. 1.
[439] Ibid., p. 1 ; DG/177, discours cité, p. 5 : il évoque « ce paradoxe dramatique d’une technique qui peut aussi bien asservir qu’émanciper ».
[440] DG/41, 7 nov. 1949, 3 p., p. 1.
[441] Ascher, box 145 : W. Laves, « Unesco and the achievement of peace », Political Quarterly, avril 1951 (reprint), 12 p. : « the seriousness of the world crisis ».
[442] DG/42, 6 nov. 1949, 5 p., p. 4-5.
[443] DG/181, 13 juillet 1952, p. 8 ; DG/168, 6 février 1952, p. 9.
[444] DG/1, 10 décembre 1948, p. 11.
[445] DG/11, discours de Torres Bodet, 31 mars 1949, Cleveland, intitulé « Les priorités de l’Unesco », p. 11.
[446] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit.
[447] Benton, box 388 : lt. de Jesse Macknight à Benton, 26 mai 1950.
[448] J. Torres Bodet, Fe. Sonetos, Mexico, édition Grafica Panamericana, 1949. Ce sont des poèmes d’un grand « stoïcisme moral, nuancé d’un tremblement de larmes » (José Luis Martinez, Semblanzas de Académicos, ediciones del centenario de la academia mexicana, México, 1975, 313 p.)
[449] DG/35, discours de Torres Bodet à la 4e conférence générale, p. 5.
[450] PER/ST/8, 20 mai 1949 : « Le rôle et le but de l’Unesco », extrait de la causerie faite par Torres Bodet devant le personnel de l’Unesco le 28 avril 1949, p. 4.
[451] DG/10/49, 4 avril 1949, intitulé « L’Unesco, citadelle des hommes sans uniforme », p. 3.
[452] DG/8/49, 1er avril 1949, intitulé : « L’Unesco, un acte de foi », p. 10.
[453] DG/179, discours de Torres Bodet devant le conseil économique et social, 24 juin 1952, p. 1.
[454] PER/ST/8, doc. cité, p. 4 : il évoque « l’aventure du célèbre poète portugais, Camoëns, qui, dans le naufrage où il risquait sa vie, a élevé d’une main au dessus des flots le manuscrit de son poème et nagé de l’autre bras pour sauver plus que sa vie, son esprit, résumé dans son poème. Puisse l’Unesco […] s’inspirer de ce symbole à l’avenir ».
[455] DG/38, 24 octobre 1949.
[456] DG/165, 28 janvier 1952, discours intitulé « L’Unesco, une mission collective », p. 3.
[457] DG/182, discours cité, p. 5.
[458] DG/168, 6 février 1952, discours intitulé « La cinquième liberté : affranchir l’homme de l’ignorance », p. 8-9.
[459] Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 148 : « verdadera piedad humana ».
[460] Courrier de l’Unesco, déc. 1952, p. 13 : « Au Liberia, une jeune femme s’est faite la « missionnaire de l’ONU » » par André Blanchet : « une missionnaire d’une espèce unique au monde : sa foi, à elle, ce sont les Nations Unies ».
[461] DG/1, 10 décembre 1948, p. 1-2, 12.
[462] DG/11, 31 mars 1949, p. 11.
[463] DG/8/49, 1er avril 1949, p. 14 ; ce discours a donné lieu à un article dans le Courrier de l’Unesco, avril 1949, p. 3 : « L’Unesco, un acte de foi », par J. Torres Bodet.
[464] DG/165, 28 janvier 1952 : « L’Unesco, une mission collective », p. 1-2
[465] DG/168, p. 1-2, 8-9.
[466] DG/195, 22 novembre 1952, p. 2.
[467] EU, box 2254 : « La Cité de l’Unesco », in Le Journal d’Egypte, 8 décembre 1948.
[468] DG/1, discours cité, p. 12.
[469] DG/10/49, discours cité.
[470] DG/4/49, discours cité.
[471] DG/8/49, discours cité, p. 14.
[472] DG/10/49, discours cité.
[473] DG/41, 7 nov. 1949, 3 p., p. 2-3.
[474] 375 (729.4) A 61, II : lettre de Bowers à T. Hopkinson Esq., Picture Post, 30 mars 1948 : « operations room », « battle groups ».
[475] RP/6/49, 2 mars 1949 : Opéra (Paris, 16 février 1949) contient un article de Gabriel Marcel, membre de la délégation française, affirmant sa confiance en Torres Bodet. « M. Torres Bodet a une idée à la fois précise et large des buts de l’Unesco […], une conscience aiguë des dangers qui la menacent ».
[476] EU, box 2254 : rapport confid. de K. Holland à Ch. Thomson, 10 janvier 1949, p. 2 : Holland se réfère aux témoignages qu’il a reçus de W. Laves, André de Blonay, Steve Gebelt, Lin Yu Tang, Bill Carter. Interviews Mme Morazé et Grinda.
[477] XO7.21(44)NC, I : rapport sur les travaux de la commission nationale pour l’éducation, la science et la culture, par M. Louis François, p. 1.
[478] L’Unesco en 1950 : ses buts, …, op. cit., p. 11.
[479] Press release n° 466, 19 juin 1951. H. Sargeant. « I have an abiding faith that Unesco can and will make increasing contributions to the solution of the great problems which face the world today. I believe that the leaders of Unesco have laid a firm foundation in the past five years ».
[480] Leo Fernig, « Some Unesco Memories », article cité, p. 1. « For me in 1948, it was a new world, or rather an opening on the world » ; « struck ».
[481] Interview P. Koffler.
[482] Lien-Link n°86 : « Comment et pourquoi je suis entré à l’Unesco », par Roger Bordage.
[483] Peter Lengyel, op. cit., p. 15-16. « Feeling of being central, of participating in important actions » ; « it was a freemasonry so fascinated by its task and composition that it socialized intensively » ; « a competent and […] enthusiast staff ».
[484] Sissela Bok, Alva Myrdal. À Daughter’s Memoir, 1991, New York, Addison-Wesley, 375 p., p. 194 : « a fantastic opportunity », p. 215.
[485] Public papers of the secretary general of the United Nations, Vol. II : Dag Hammarskjöld, 1953-56, Columbia University Press, sélectionné et édité par Andrew W. Cordier et Wilder Foote, 1972, New York, London, 716 p., p. 111 : « Measures to clarify and strengthen personnel policy for the international civil service », sept-nov. 1953.
[486] ONU, RAG 2/76 box 7 : discours de Laugier à l’ouverture de la conférence générale de l’Unesco de 1950.
[487] Lien-Link n°74 : présentation du roman La Duperie de Léon Bataille : Léon Schklowski dit Bataille, né en France de parents russes, a mené au Mexique de 1931 à 1947 une vie de militant communiste et de journaliste engagé. Il entre à l’Unesco en 1950. Lien-Link n°86 : « Ma première mission pour l’Unesco », par Pierre Maes : c’est M. Prévost, communiste comme lui, qui lui fait connaître l’Unesco.
[488] Comme J.B. de Weck. (J.B. de Weck, article cité).
[489] Pierre Maes est proche du mouvement utopiste des « citoyens du monde » de Gary Davis. Pierre Maes, article cité.
[490] A.-M. d’Ans, Itinéraires I, (1935-1953) carnets de notes et journaux de voyage, introduction et notes par André-Marcel d’Ans, Paris, Payot, 1978, 537p. p. 286. Il cite R. Bastide.
[491] 375 (666) TA /AMS : lt. de Bowers à Alex, 29 mars 1957. « my professional enthusiasm ».
[492] Peter Lengyel, op. cit., p. 15-16.
[493] DG/1, p. 2, 4, 12 ; DG/165, p. 3.
[494] DG/166, 26 janvier 1952, p. 8.
[495] PER/ST/8, discours cité, p. 2-3.
[496] Discours de Walter Laves, 13 avril 1950, doc. cit., p. 2-7. « The essence of the world’s task today is the building of a world community. This means the creation of a sense of loyalty to a world community which […], soundly based upon a society of free men who recognize each other’s human rights, […] will, it is hoped, provide adequate insurance against resort to war for purely national endans ».
[497] DG/8/49, discours cité, p. 15.
[498] IT, Gabinetto, pacco 99 : note pour le ministre, 18 août 1950, doc. cité, p. 3-4. Opposition à « toute idée de super-culture ou de super-philosophie que l’Unesco devrait créer » (« ogni idea di supercultura o di superfilosofia da crearsi dall’Unesco »).
[499] DG/1, discours cité, p. 8.
[500] DG/8/49, discours cité, p. 15 ; « toutes les cultures peuvent et doivent s’harmoniser […] pour contribuer à l’avènement d’une civilisation mondiale ».
[501] PER/ST/8, discours cité, p. 2-3.
[502] DG/73, 22 avril 1950, p. 8.
[503] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 22 : « el camino intelectual de la fraternidad humana no se encontraria jamas merced a una simplificacion arbitraria de las culturas historicas ».
[504] X 07.83 Torres Bodet, I : lettre de Torres Bodet à Ernest O. Melby, Dean, school of education, New York University, 28 fevrier 1949. « World citizenship should never imply disloyalty to one’s own country. Participation in world civilization must never imply giving up one’s national culture. [...] we must not encourage the pooling of cultures into a synthetic one-world culture ».
[505] Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 236-237.
[506] DG/182, discours cité, p. 5.
[507] DG/145, novembre 1951, p. 2.
[508] DG/167, 1er février 1952, intitulé « Liberté et culture », p. 1.
[509] DG/161, 7 janvier 1952, p. 11.
[510] DG/162, 14 janvier 1952, p. 2.
[511] L’Unesco en 1950 : ses buts, …, op. cit., p. 9.
[512] DG/8/49, discours cité, p. 5-6.
[513] P. Jones, op. cit., p. 42 et 43.
[514] DG/167, discours cité.
[515] J. Thomas, op. cit., p. 161-162.
[516] DG/9/49, discours cité, p. 7.
[517] DG/182, discours cité, p. 5.
[518] DG/10/49, discours cité, p. 4.
[519] DG/73, discours cité, p. 5.
[520] DG/9/49, discours cité, p. 2.
[521] DG/35, discours de Torres Bodet devant la 4e conférence générale, p. 3.
[522] P. Jones, op. cit., p. 42 et 43.
[523] DG/11, discours cité, p. 3.
[524] EU, box 1602 : discours de Walter Laves, 13 avril 1950, discours cité. p. 5-7 : « Are they activities which no one or no other organszation can undertake ? » ; « Are they activities which are so essential that if left undone by Unesco would materially reduce the chances of attaining the objective of the Organization ? »
[525] DG/28 et DG/192, discours cités.
[526] M. Prévost, op. cit., p. 9-11.
[527] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 91.
[528] IT, Gabinetto, pacco 99 : Manchester Guardian, 10-11 août 1950 : « Unesco : the first phase. I. The Two Views », par Julian Huxley. « stabilization ».
[529] DG/190, 8 novembre 1952, p. 1.
[530] Charles Ascher, Program-making ..., op. cit., p. 10 ; W. Laves, « Unesco and the Achievement of Peace », The Political Quarterly, Londres, avril 1951.
[531] Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 353-354.
[532] OHRO, interview Charles Ascher, p. 328-329.
[533] Dix tâches majeures, qui comprendraient l’éducation de base, la libre circulation des connaissances et des idées, la diffusion du savoir scientifique et de ses applications, la compréhension internationale, l’échange d’étudiants et de professeurs, et une coopération plus complète avec les Nations-Unies. Cf. Julian Huxley, Memories, II, op. cit., p. 91. Cf. aussi John E. Fobes, « UNESCO ; management of an International Institution », in Robert S. Jordan, (éd.), Multinational Cooperation ; Economic, Social and Scientific Development, New-York, Oxford University Press, 1972, p. 113, 124.
[534] P. Jones, op. cit., p. 100.
[535] RP/1/49, 14 janv. 1949.
[536] RP/1 : 6 oct. 1947 : le journal flamand Het Laatste Nieuws, Bruxelles, 19 sept. 1947 ; Antonina Vallentin, « Paix. Etat de conscience », art. cit., p. 7. ; propos de Croce cités dans le Manchester Guardian, 19 juillet 1950, « Should Unesco Die ? II) Croce’s Case for Its Dissolution » : selon Croce, les scientifiques n’ont pas leur place à l’Unesco, car ils sont insensibles aux problèmes moraux du monde.
[537] DG/41, 7 nov. 1949, p. 2.
[538] « Réception de M. Torres Bodet à la Commission nationale de l’Unesco », L’Education nationale, 23 janvier 1949, p. 1 et 3.
[539] FR., NUOI carton 835, 17 juillet 1950, document « très confidentiel » ; DG/195, 22 novembre 1952.
[540] DG/179, discours cité, p. 7 et 9.
[541] DG/74/5, 20 mai 1974, p. 6-7. Traduction du poème par Jules Supervielle.
[542] Discours de Walter Laves, 13 avril 1950, discours cité, p. 5-7 ; W. Laves, « Unesco and the achievement of peace », art. cit.
[543] 4C/VR.9, 29 septembre 1949, discours de B. Russell, p. 151-154. « It is only by cooperation among nations that human welfare can be achieved ».
[544] « A la Commission nationale de l’Unesco : ‘Pour faire usage de la liberté il est indispensable que les hommes retrouvent la foi en eux-mêmes’, déclare M. Torres Bodet », Le Monde, 23-24 janvier 1949, p. 3.
[545] DG/182 : discours cité, p. 5.
[546] DG/8/49, discours cité, p. 5-6.
[547] Message de J. Torres Bodet au stage d’études de Mysore sur l’éducation populaire dans les régions rurales, 1949, cité dans Unesco, 50 années …, op. cit., p. 87.
[548] L’Unesco, ses buts…, op. cit., p. 13.
[549] W. Laves, « Unesco and the achievement of peace », art. cit. : « political literacy ».
[550] Discours de Russell, 29 septembre 1949 (discours cité).
[551] DG/1, discours cité, p. 10.
[552] Lettre de J. Torres Bodet à Ernest O. Melby, 28 février 1949, doc. cité : « I believe in education, because I do not believe in social predestination by heredity and because I think that the great lie of history is the legend of a ‘chosen’ race or social class. Moreover, I believe that, one day, education for peace and justice must establish itself throughout the world, for I find it incredible that humanity should wish to commit suicide ; and we must admit frankly that, as things are today, that is just what war would be - collective suicide ». « In many parts of the world, there are vast numbers who cannot even read or write. […] So long as these millions of men and women are sunk in ignorance, it will be impossible to attain a stable equilibrium of national and regional cultures within the framework of a world civilization. Here it is necessary to sound a warning ».
[553] Charles Ascher, Program-making ..., op. cit., p. 11-12.
[554] G. Archibald, op. cit., p. 195.
[555] Discours de Walter Laves, 13 avril 1950, discours cité, p. 7.
[556] EU, box 2254 : rapport confid. de K. Holland à Ch. Thomson, 28 janvier 1949 ; W. Laves, 13 avril 1950, discours cité.
[557] Torres Bodet, Memorias III, p. 353-355. Notamment la France et les Etats scandinaves (Danemark, Suède, Norvège), qui ne se sentent pas concernés par ces problèmes, auxquels leur population n’est pas confrontée de manière directe.
[558] 375 (729.4) A 61, Ia : article, non daté, non précisé de quel journal (sans doute Le Monde), intitulé : « Au lieu de 10 000 soldats, 10 000 instituteurs : au siège de la Ligue française de l’Enseignement, l’Unesco traite de la lutte contre l’analphabétisme dans les pays d’outre-mer », par Roger Klein.
[559] 375 (729.4) A 61, VII : lt. de Bowers à Fyfe Robertson, 3 mars 1949 : « my pet baby Fundamental Education Division in Unesco ».
[560] DG/11, discours cité, p. 3.
[561] DG/1, discours cité, p. 8.
[562] PER/ST/8, discours cité, p. 2.
[563] Ibid., p. 2-3.
[564] DG /177, discours cité, p. 9.
[565] PER/ST/8, discours cité, p. 2.
[566] Discours de W. Laves, 13 avril 1950, discours cité, p. 4-7
[567] Conférence générale de 1948 : 3 C/35 et 3C/36 ; discours inaugural du président : « Intellectual cooperation […] must not be confined to cooperation among intellectuals. We must bring Unesco to the masses and the masses to Unesco » ; EU, box 2254 : memorandum to the secretary on the Unesco conference at Beirut, décembre 1948, par George V. Allen, p. 23 : un acquis important de cette conférence a été « the growing appreciation of the need to make the program a people’s movement reaching and enlisting the masses in every land ».
[568] P. Jones, op. cit., p. 42 : « the skills of the politician, the administrator ans the practitioner, although there was always a marked tension between Torres Bodet the peasant and rural teacher and Torres Bodet the man of high culture, letters, diplomacy and public affairs ».
[569] Rapport de K. Holland, 22 janvier 1949, doc. cité ; 2 C/19 Résolutions, chap. 8.
[570] DG/74/5, discours cité, p. 4.
[571] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 203 : « vastas comunidades desamparadas ».
[572] Le poème « Civilisation » de Torres Bodet, qui évoque l’« Asie », l’« Afrique », l’« Amérique », témoigne de cette ouverture aux peuples démunis extra-européens (cité dans DG/74/5).
[573] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 66. « En su discurso, tan agudo, tan valoroso y moralmente tan recto, Russell parecio desdenar, o deconecer, la tragedia de las inmensas regiones insuficientemente desarrolladas » ; « En ningun momento se refirio a las tierras sujetas al coloniaje y - si la memoria no me traiciona - ni siquiera aludio a la alfabetizacion de los iletrados ».
[574] CUA/42, 28 avril 1952, 25 p., p. 21-22.
[575] DG/74/5, p. 4.
[576] Benton, box 388 : lt. de Benton à Max McCullough, 26 déc. 1949 ; box 387 : lt. de Benton à G.J. van Heuven Goedhart, 11 juin 1948 : « evangelical work ».
[577] L’Unesco en 1950 : ses buts, …, op. cit., p. 13.